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LES ORIGINES DU POEME: LA CHANSON DE ROLAND

Publié le 01/05/2011

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La légende de Roland est une chose et la Chanson de Roland en est une autre : ici un thème, là une oeuvre. Dire que la légende de Roland s'est formée, selon toute vraisemblance, au XIe siècle, ce n'est pas définir, pour autant, l'âge du poème que nous a conservé le manuscrit d' Oxford. Ce manuscrit, à en juger par l'écriture, date du second quart du XIIe siècle. Le texte qu'il contient est certainement plus vieux. Mais de combien ?

« qu'il énumère n'ont existé, en partie, que dans le monde de la fantaisie.

Il a représenté les uns pourvus de largesoreilles, les autres couverts de soies de porcs, d'autres encore aboyant comme des chiens, à l'imitation de cesmonstres que décrivaient les livres relatifs aux merveilles de l'Orient.

Il a tiré de la Bible les noms de Dathan etd'Abiron, dont le Sarrasin Falsaron occupait la terre.

Il a représenté l'Éthiopie, conformément à la légende, comme lepays des démons.

Et ces traits suffisent à montrer combien il se sentait peu lié par l'histoire.Mais il n'en est que plus remarquable qu'en ce qui concerne l'Orient, il ait possédé et manifesté par endroits desconnaissances assez particulières et qui n'ont dû commencer à se répandre dans les pays occidentaux qu'aprèsl'expérience de la Première Croisade.

Qu'il ait su distinguer entre Sarrasins d'Espagne et Sarrasins d'Afrique, qu'il aitappliqué opportunément à ces derniers l'appellation de Barbarins, qu'il ait connu l'existence des Hongrois et celle desBougres, qu'on dénommait aussi des Huns : c'était une information de caractère général, qu'on ne saurait faireremonter à des sources précisément déterminables et qui pouvait être assez répandue au xi' siècle parmi les gensinstruits.

Mais on remarque d'autre part qu'au nombre des peuples païens dressés contre la chrétienté et des alliésde ces peuples il a rangé les Esclavons, les Pincenois, les Arméniens, les Syriens, les Canelius.

Or comment l'idée luien serait-elle venue s'il n'avait pas été dominé par le souvenir de la Première Croisade ? Les Esclavons, dans lesvallées de la Save et de la Drave, les Pincenois (c'est-à-dire les Petchenègues), sur le bas Danube, avaient tentéde barrer la route aux croisés de 1096 : c'est alors que leur nom commença à être connu en Occident.

LesArméniens, les Syriens, comment le poète se serait-il avisé de les donner pour des ennemis du nom chrétien si lespremiers croisés n'avaient pas fait l'épreuve de leur hostilité, comme ils la firent, en effet, à la bataille de Dorylée etau siège d'Antioche? Enfin, en ce qui concerne les Canelius, c'est-à-dire les Chananéens, ce n'est pas par unemprunt personnel à la tradition biblique que l'auteur de la Chanson en aurait imaginé l'existence : le nom deChananéens et, sous la forme alors en usage, de Canelius, a été fréquemment employé au xne siècle pour désignerles Sarrasins : il servait à flétrir, par une allusion à l'histoire sainte, les ennemis du vrai Dieu; et l'emploi semble enavoir commencé au temps où s'établit l'idée d'un grand conflit religieux entre l'Occident chrétien et l'Orient païen,c'est-à-dire à l'époque de la Première Croisade.Il résulte de ces faits que la Chanson de Roland a été composée au XIe siècle, très probablement en ses dernièresannées, postérieurement à la Première Croisade, qui semble en avoir suggéré certains détails, antérieurement auxenvirons de l'année 1100, qui est la date où le témoignage de Guillaume de Malmesbury paraît en impliquerl'existence.Le poète qui l'a imaginée ne nous a pas laissé.

son nom.

Sa chanson se termine par le vers : Ci fait la geste que Turoldus declinet, qui constitue une énigme restée jusqu'ici sans solution.

Car quelle est ici la signification du mot geste? La gestedont parle le texte, est-ce une chanson de geste ? Ou bien est-ce une chronique ? Et que signifie le verbe décliner?Veut-il dire « composer D ? Ne peut-il pas aussi bien exprimer l'idée de « transcrire », ou bien celle de « réciter », oubien celle de « moduler » ? La « geste déclinée » par Turoldus, est-ce donc la Chanson de Roland, dont ce Turoldusserait l'auteur ? Ou bien Turoldus ne serait-il que le copiste du texte ? Ou bien serait-il le récitant qui l'auraitcolportée ? Cette « geste n ne pourrait-elle pas être également le récit historique, la chronique, réelle ou supposée,placée sous le nom de Turoldus, que l'auteur du poème aurait voulu, sérieusement ou non, citer comme preuve desa véracité et de l'authenticité des événements qu'il avait célébrés ? Autant d'hypothèses, autant d'incertitudes.Sans compter que le mot que lui-même, pronom relatif à première vue, pourrait à la rigueur se prendre comme uneconjonction, au sens de « car » ; et si l'on admet que décliner signifie « faiblir » ou « défaillir », l'on serait autorisé àcomprendre que le poème aurait pris fin parce que Turoldus ne se serait plus senti la force ou le courage d'en conterplus long.

Mais cette interprétation, non plus qu'aucune des précédentes, n'est pleinement satisfaisante.

Chacunese heurte à quelque difficulté logique, grammaticale ou linguistique.

L'extrême assurance avec laquelle telle ou tellea été parfois proposée, le dédain plein de pitié manifesté par certains critiques pour celle qui n'était pas la leurinvitent à se tenir sur une réserve prudente : ii faut se résigner à avouer qu'on ne sait pas si Turoldus doit êtreconsidéré comme l'auteur du poème, ou bien comme l'auteur d'une chronique, véritable ou imaginaire, qui aurait étéla source de ce poème, ou bien comme un jongleur, ou bien comme un copiste.Le doute qui règne sur ce point réduit à néant l'unique et faible chance qui pourrait s'offrir de découvrir la provinced'où l'auteur serait originaire.

Le nom de Turold a été porté, de 1050 à i15o, par des personnages qui appartenaientpour la plupart à l'Angleterre ou à la Normandie.

Le Turold nommé dans le Roland pouvait être natif de l'un ou l'autrede ces deux pays.

Mais Turold est-il l'auteur du Roland? A supposer qu'il le soit, ne pouvait-il pas descendre deparents anglais ou normands sans être lui-même un Anglais ni un Normand ? Son nom ne nous apprend rien de sapatrie.Ni non plus la langue dont il se servait et dont on ne saurait déterminer le dialecte ; ni non plus la nature desépisodes, des idées, des sentiments dont son poème est tissé.Il est vrai que, parmi les héros de son roman, se trouve ce Richard le Vieux, chef des Normands, en qui l'ons'accorde à reconnaître un authentique duc de Normandie, mort en 996.

Mais la légende de Richard, qui semble biens'être formée à l'abbaye de Fécamp, avait débordé largement la province normande : le personnage figure enplusieurs chansons de geste ; et qu'il ait été nommé dans la Chanson de Roland, ce n'est pas la preuved'accointances particulières de l'auteur avec la Normandie, non plus qu'on ne saurait faire de cet auteur un Briard ouun Bourguignon sous prétexte qu'il a taillé des rôles à Ogier le Danois et à Girard de Roussillon, dont les légendes sesont formées à Meaux, à Vézelay et à Pothières.Il est également vrai que la mention, plusieurs fois répétée dans le poème, de saint Michel-du-Péril, sembleacheminer vers le mont illustre de l'Avranchin.

Mais la dévotion à saint Michel-du-Péril n'était pas propre auxNormands.

Deux archanges, Michel et Gabriel, interviennent, au cours du récit, dans les actions des héros : ils sont. »

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