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Les périphrases que, selon Marthe Robert, nous multiplions pour désigner les choses gênantes nous permettent-elles de ne pas voir les choses telles qu'elles sont ou expriment-elles notre désir de les voir évoluer ?

Publié le 03/11/2016

Extrait du document

Chaque fois que je passe devant l’Hôtel des Invalides - et c’est souvent puisque j’habite tout à côté -, je me demande de quelle façon il aurait été conçu et construit si, en son temps, le mot « invalides >> avait été implicitement proscrit du vocabulaire officiel J^ans aller jusqu’à rechercher de mystérieuses correspondances entre l’architecture et les pudeurs de la morale sociale, on peut penser que les remarquables acrobaties linguistiques auxquelles nous nous livrons par respect humain1 ne sont pas dépourvues de liens avec nos techniques et ce qui nous tient lieu de style. Quoi qu’il en soit de notre peur des mots et des barbarismes qu’elle ne ces d’inventer, le fait est que pour nous il n’y a plus ni pauvres, ni vieillards, ni primitifs, ni estropiés ; nous ne voulons connaître que des « économiquement faibles », des « personnes du énième âge », des pays « en voie de développement »

Marthe ROBERT, Le livre de lectures, 1977.

Introduction.

 

... « le mot, qu’on le sache, est un être vivant. » (V. Hugo.)

 

Vivant par lui-même ? Vie autonome due à ses sonorités, son poids de souvenir ou sa puissance sur l’imaginaire ?...

 

... ou vie lui venant de ceux qui l’emploient et qui lui prêtent la force du sens qu’il véhicule ?

 

Présentation du plan : en deux phrases interrogatives.

 

1. Mots et tournures = le langage.

 

Mot = base du langage.

 

A une valeur pour lui seul ou par rapport à ceux qui l’entourent : il forme avec eux différentes tournures de style ; la périphrase en est une.

 

périphrase = circonlocution, tour de phrase équivalent à un seul mot, ce que Petitjean dans Les Plaideurs (Racine) appelle « tourner autour du pot ».

 

Mot et tournures contiennent :

 

- soit une image (qui peut d’ailleurs être subjective) : le « petit presbytère » dont parle Colette : enfant, elle avait été complètement séduite par ce mot dont elle ne connaissait pas le sens et avait imaginé que c’était un escargot, ce qui la ravissait car, très campagnarde, elle aimait toutes les bêtes. Cas fréquent chez les enfants, instinctivement poètes ;

 

- soit harmonie (souvent indépendante, mais qui peut être aussi interprétée) ;

« quer imprudemment les puissances liées à l'argent, contre lesquel­ les le démuni pourrait fort bien se dres er ; mais c'est aussi atta­ quer le « riche » en lui lançant à la tête le symbole explosif de sa situation privilégiée -de là « économiquement faible », un com­ posé lui-même trop faible et trop mou pour qu'il y ait lieu de le redouter.

Cela dit, nous n'avons peut-être pas tellement tort de nous en tenir aux lois de cette magie primitive, en dépit de la logique et des remontrances de la théorie.

S'ils sont mieux faits pour masquer les réalités gênantes que pour aider à les supprimer, nos ont cependant le mérite d'épargner aux le d'humiliation que leur valait leur nom.

Ne serait-ce qu'en cela ils représentent bien plus que des vœux pieux, car s'ils n'abo­ lissent pas le passé rien qu'en le déclarant périmé, ils montrent du moins la direction que la vie veut prendre pour changer.

Aussi, bien que leur rôle dans l'évolution des mœurs et des idées soit difficile, voire impossible à apprécier, la morale sociale y gagnera peut-être à la longue ce que le langage et l'esthétique y ont déjà sûrement perdu (l'opération, qui ne se fait que grâce à eux, ne peut réussir qu'à leurs dépens).

Mais qui maintenant mettra ce « peut­ être » et ce « sûrement » en balance ? Aucune « employée de mai­ son >> ne fou rn ira jamais de servante F élicité1 à la littérature, de cela au moins nous pouvons être sûrs, mais qu'importe après tout si l'euphémisme par quoi la condition servile est implicitement réprouvée doit passer un jour dans les faits ? La perte des cœurs simples à venir peut bien laisser inconsolables ceux-là mêmes que la servilité révolte sincèrement, elle est en effet irréparable dans son domaine exclusif -et parfaitement insignifiante au regard de la vie, cela va de soi, puisque si haut que nous l'estimions, elle n'a de prix que sur les grands livres de la littérature, où les comptes des vivants ne sont jamais portés.

Marthe ROBERT, Le livre de lectures, 1977.

( 1) Héroïne du conte de Flaubert : Un cœur simple.

1.

Résumé (8 poin ts) :Résumez ce texte en 185 mots (avec une marge de J O % en plus ou en moins).

Indiquez, à la fin du résumé , le nombre de mot s employés .

2.

Questions de vocabulaire (2 poin ts) : Ex pliquez, en quel­ ques lignes, le sens dans le texte des expressions suivantes : a) investi magiquement du même pouvoir que son contenu, b) euphémismes disgracieux.

3.

Discussion (J O poin ts) :Les péri phrases que, selon Mar­ the Robert, nous multiplions pour désigner les choses gênantes nous permettent- elles de ne pas voir les choses telles qu'elles sont ou exprim ent-elles notre désir de les voir évoluer ?. »

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