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Les principaux thèmes de L'Etranger de Camus

Publié le 14/01/2020

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Nous avons vu que l'action de L'Étranger occupait principalement deux étés, ou plus exactement deux mois de juin successifs. On pourrait presque donner pour sous-titre au roman le sous-titre d'une des parties de Noces : « L'été à Alger ». Camus montre dans ces pages comment le climat algérois, offrant aux habitants un « excès de biens naturels », fait que « ce pays est sans leçons. Il ne promet ni ne fait

péché par indifférence envers ses parents jette à Meursault la première pierre : telle pourrait être une des leçons morales de L'Étranger.

Mais le caractère énigmatique de Meursault autorise une autre hypothèse. Son insensibilité ne serait alors qu'apparente ; sa pudeur foncière lui interdirait de formuler, y compris pour lui-même, l'étendue de son deuil. Les grandes douleurs, on le sait, sont muettes. Ainsi s'expliquerait l'enchaînement des faits, en apparence hasardeux, au lendemain de l'enterrement : une liaison sentimentale sans avenir, une liaison amicale avec une crapule, un geste meurtrier irréfléchi... D'une K>art, la mort de la mère supprime tous les interdits moraux ; d’autre part, un désespoir profond et inconscient conduit Meursault à une forme de suicide. Cette lecture de L'Étranger, que nous ne proposons qu'à titre d'hypothèse, aurait le mérite de donner sa pleine signification à la mort de la mère comme événement initial du roman.

Évoqué par l'absence, dans le cas de Meursault, le thème de la mère est fugitivement présent dans deux passages de L’Étranger : le jeune prisonnier et sa mère qui se regardent, au parloir (p. 117), le « Au revoir, maman » perçu par Meursault pouvant sonner comme un écho au deuil qu'il a lui-même si bizarrement vécu ; et aussi dans l'article de journal lu et relu par Meursault dans sa cellule (p. 124-125), où le récit du meurtre d'un fils par sa mère illustre, de façon mélodramatique et concrète, l'envers du crime dont on accusera principalement Meursault lors de son procès. Ces manières détournées d'évoquer le lien mère-fils suggèrent que le silence qui entoure le sentiment éprouvé par Meursault pour sa propre mère relève de la pudeur ou de l'inexprimable.

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« DOULEUR-MÈRE Les deux mots sont associés dès le début du récit.

Ou plu­ tôt : ils devraient l'être si Meursault réagissait comme un être ordinaire à l'envoi du télégramme.

En réalité, • douleur • et « mère • ont une grande importance dans L 'Étranger, mais par défaut.

· Tout le monde connaît l'amour de Camus pour sa mère, cette femme modeste qu'il invoquera jusque dans son dis­ cours prononcé à Stockholm après la remise du prix Nobel : • Je crois à la justice, mais je défendrai" ma mère avant la justice 1.

• Prononcée en réponse-à ceux qui le pressaient de préciser son opinion sur la guerre d'Algérie, à une époque où la répression du terrorisme posait des problèmes de cons­ cience aux partisans d'une solution libérale, cette phrase fut parfois interprétée comme un ralliement aux thèses de l'Algérie française.

L'attitude de Meursault envers sa mère se présente comme l'envers exact de cet amour conditionnel.

S'il est vrai qu'il dit toujours, d'une manière touchante, « maman » et jamais« ma mère 11, son attitude à l'enterrement peut être con­ sidérée comme le principal indice de son insensibilité.

Sur la vie commune qu'ils ont menée avant sa mort, nous n'aurons guère d'autre renseignement que la confidence faite à Sala­ mano : « Il y avait longtemps qu'elle n'avait rien à me dire » (p.

751.

Pour finir, la révolte de Meursault prendra la forme d'un sacrilège : « Que m'importaient la mort des autres, l'amour d'une mère ...

• (p.

1831.

Or, l'abandon d'une vieille femme par ses enfants inspire la toute première œuyre de Camus : u On s'approchait de la vieille femme pour l'embrasser et lui souhaiter un bon soir.

Elle avait déjà compris et serrait avec force son chapelet.

Mais il paraissait bien que ce geste pouvait être autant de déses­ poir que de ferveur 2.

»On peut interpréter l'attitude de Meur­ sault comme l'expression grossie - donc inadmissible aux yeux de la société - d'un abandon dont chacun de nous se sent à différents degrés coupable.

Que celui qui n'a jamais 1.

Stockholm, 12 décembre 1957.

Cité notamment par Herbert L.

Lottman, Albert Camus (Éd.

Le Seuil, 1978, p.

6151.

2.

• L'ironie •,dans L 'Envers et l'endroit : A.

Camus, Essais (Éd.

Gal­ limard, Bibliothèque de la Pléiade, p.

161.

154. »

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