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Les rapports au mal dans la littérature

Publié le 22/11/2011

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« Sadisme «, ce plaisir pris à faire souffrir, « Sadien «, qui renvoie à la lancinante question du Mal et Sade, l’écrivain du vice et de la perversion, deux termes et un nom qui soulignent  l’entremêlement de la thématique du Mal et de la littérature et ce, dans des genres aussi divers que le libertinage, le moralisme, l’utopie ou le naturalisme.

 Dire la tendance de l’écrivain à peindre le Mauvais plutôt que le Bien c’est souligner d’abord l’implacable attirance de la vilenie, du non-dit et du tabou, c’est souligner le rapport insécable entre le Mal et l’interdit, la valeur désirable du proscrit. Mais c’est aussi souligner que l’un ne va pas sans l’autre, que le vice et la vertu forme un couple inséparable où l’expression de l’un, implique celle de l’autre à la manière dont ce duo est présent en chaque homme.  Dualité, manichéisme de deux concepts, qui supposent cependant une lecture morale de la littérature, et un jugement en ces termes, ce qui semble-il peut s’avérer discutable. Ainsi, ne peut-on penser que ce couple est celui de la Revendication d’une liberté d’expression totale, plus qu’un lieu où exprimer les interdits d’une société, d’un challenge de la sublimation du laid, de la création d’une esthétique de l’insoutenable et de la destruction, d’une réponse à la fascination et jouissance du lecteur devant les profondeurs des bas-fonds de l’imagination humaine. Pour autant, si le vice semble un ressort fécond du monde littéraire, il semble que tomber dans une complète apologie du vice, restreindrai la littérature même. Enfin, il reste la pensée que la littérature de la perversion, est peut être plutôt une littérature comme perversion, où le langage subbsumé, transfiguré, seraient selon l’étymologie, détourner de sa vraie nature en vue de la création artistique. Souligner ces aspects, c’est se poser la question des rapports qui unissent les écritures de la vilenie et leurs auteurs, sur les dynamiques de l’obscène et de la perversion en littérature.

« aspirateur dont les deux exemples ci-dessus, soulignant tout à la fois sa malléabilité et la variété de son utilisation.

Enfin, il advient de citer un auteur qui, au delà de faire de l’homme un être pervers, revendique la perversion commeessence positive, bonne de l’Homme, inversant la hiérarchies traditionnelles des valeurs. Sade met ainsi en place, dans La Philosophie dans le boudoir un véritable théâtre de l’obscène .Prenant systématiquement le contre-pied desdix commandements, il prône et fait pratiquer par ses personnages l’adultère, le viol, l’inceste, le meurtre, la torture,en ayant recours sans cesse à l’hypotypose.

Débordant d’imagination malsaine, Sade invente un monde à l’enversclos, autonome où, paradoxalement, ce qui serait déplacé, ce serait l’irruption dans le récit d’un épisode étalonnésur la norme traditionnelle.

En ce sens, la littérature sert ici, la révélation à l’homme non de son caractère vilain,sinon de la vilenie que représente les condamnations morales, car illégitimes et contre-nature : « toutes nosactions, et surtout celles du libertinage, nous étant inspirées par la nature, il n'en est aucune de quelque espèceque vous puissiez la supposer, dont nous devions concevoir de la honte.

» Reconnaissant dans la nature, lescomportements animaux, le quotidien l’image de la lâcheté et d’un même coup l’hypocrisie d’une morale visant à s’endéfaire, c’est une volonté de retour à la nature, sur un ton répugnant de lubricité prolifique, qui s’exprime dansl’oeuvre. Achever cette première partie sur Sade, c’est expliciter d’autant mieux qu’il est écrivain de l’excès, le caractèreinépuisable de l’usage du Mal en littérature, selon des modalités diverses, semblant toujours s’appuyer sur une visionde la nature humaine, quoiqu’elle puisse être différente.

Pour autant, point dans ces trois exemples,l’utilisation de lavilenie comme réaction contre le prêche de la vertu, soulignant ipso facto, l’immanquable dialectique des deuxconcepts. Dialectique du vice et de la vertu, qui permet de mettre en évidence dans un premier temps, que l’usage conjointdes deux thèmes n’est pas antinomique, l’un servant de moyen pour exprimer l’autre.

On peut penser pour illustrercette idée, au genre tragique peignant les défauts humains pour mieux faire comprendre la vertu.

Dans le Chap 6 de la Poétique, Aristote définit ainsi la tragédie comme une "mimesîs des actions et des passions humaines », c’est à dire comme leur représentation qui « par le moyen de la terreur et de la pitié, réalise une catharsis des émotions condamnables.

» Ainsi, La catharsis est "l'intellection des passions », épure et non purge morale qui accroit notrelucidité et notre connaissance de nous-même.

La peinture du mal permet alors l’enseignement, l’intellectionphilosophique des passions.

Cet idéal est repris de manière extensif par les auteurs de tragédies classiques,notamment Racine, qui dans Britannicus, peint la gestation d’un « monstre naissant », Néron.

La scène II de l’ActeII, où ce dernier fait le récit de l’enlèvement de Junie, se dévoie ainsi vite en une narration perverse : le personnageconfondant amour véritable et désir de posséder.

C’est le fantasme du voyeur qui est explicité dans le passage parl’usage de l’imparfait de durée et de diérèses « Excité d’un désir curi/eux », l’empereur prenant plaisir à épier lespleurs et la violence faite à une beauté virginale.

Cette amour soudain, cette fascination du spectacle d’un êtredétruit par l’affront de son désir s’exaspérant dans une jouissance sadique et ne pouvant se départir du désir denuire à son rival, atteste l’instabilité, l’immaturité, et la latence à la cruauté du personnage, servant de fait, ladémonstration cathartique orchestrée par Racine.

Excitation à la vertu donc, par horreur du vice. Tout comme le vice peut faire éclore la vertu, la vertu peut se faire expression, à demi-mot du vice c’est qu’ils sontles deux versants d’une même pièce.

Le genre qui met en scène de façon majeure cette idée est évidemmentl’utopie.Forgée du grec ο -τοπος (« en aucun lieu »), c’est une représentation d'une réalité idéale et sans défaut. Genre de l’apologue, elle se traduit, dans les écrits, par la description d’une société parfaite,sans injustice, d’unecommunauté d'individus vivant heureux et en harmonie, située généralement dans des lieux imaginaires.

L’abbaye deThélème ainsi décrite au chapitre 57 de Gargantua (Rabelais) présente un microcosme de la « libre volonté »(étymologie du terme Thélème) régit par une clause unique « Aimes et fais ce que tu veux.

» L’honneur estconsidéré comme une condition intrinsèque de sa possibilité, et les jeunes gens y demeurant sont, par leur statut etleur naissance, les dignes détenteurs de l’idéal humaniste, atteignant leur bonheur dans l’accomplissement de celuid’autrui.

Cet abbaye fondée au rebours de la règle monacale, dont la vie est régie par une osmose naturelle entrevolonté individuelle et collective, se fait ainsi en creux, par l’énonciation du projet éducatif humaniste, ladénonciation de la décadence scolastique et de la société du XVI, confinée dans un obscurantisme religieux certain.L’idéalisation des principes de vertus, le rendu magnifié de la narration, la mis en application impossible d’une telleorganisation se font également le tableau des défauts d’un temps.

Ainsi, les questions de grandeur et de noblesseimplique ce qu’elles nient.

Elles gardent en elles, imbriquées, les misères dont elles s’absolvent.

Tout commel’apologie de la bassesse laisse souvent poindre quelques vertus. Parallèlement, l’écriture de la vilenie n’engage pas forcément l’éloge de la vertu, ni l’adéquation au mal.

Ainsi, unpersonnage tel qu’Harpagon (en grec, la rapacité), dans l’Avare de Molière se fait le moyen d’une satire sociale,d’une peinture ironique des moeurs, mais aussi réel ressort comique qui n’entend prendre parti ni pour la vertu, nipour le vice désigné comme telle à l’époque.

La scène finale, où le maitre reste seul avec sa cassette, simpleaccessoire en apparence et personnage principal en réalité, qu’il caresse et aime fait de lui un type farcesque.

C’esten effet autour de l’argent, et plus exactement du refus du don et de l’échange que tournent les passages les pluscélèbres de la pièce : « Sans dot » est martelé mécaniquement comme un argument définitif et plus loin, La Flèche. »

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