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L'espace et le temps dans Zazie dans le métro --> roman de Raymond Queneau

Publié le 30/01/2020

Extrait du document

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clairement, et surtout l’éclairage changeant des néons extérieurs lui donne des aspects très différents (il passe d’un rouge infernal à un jaune ensoleillé...) ; une scène y est même filmée d’en haut - ce qui transforme la pièce en une sorte de jeu de l’oie, où Zazie virevolte en accéléré d’une case à l’autre, en tournant autour des personnages.

H Réalité ou apparence ?

b Dans L’Avant-Scène Cinéma n°104, Louis Malle affirme son désir de concevoir dans Zazie dans le métro « un monde un peu flou, aux apparences changeantes, ces apparences gardant une justification réaliste ». Le spectateur y est sensible à travers les nombreux miroirs, comme ceux que l’on remarque à l’entrée de l’appartement de Gabriel ou dans le passage couvert ; ils créent une démultiplication de la réalité (on voit trois Albertine en haut de l’escalier) et une confusion entre apparence et réalité, propre au monde fantastique ou onirique.

Les mannequins jouent le même rôle, semant la confusion dans la perception du spectateur et déréalisant les personnages : Zazie se dissimule au milieu de plusieurs autres figures à son effigie lors de la poursuite avec Pédro-surplus ; figurants réels et mannequins se confondent dans le passage couvert ou lors du récit de Zazie au bistrot de moules ; Turandot aussi se retrouve porté dans les bras comme un mannequin quand il poursuit Zazie ; Albertine en a souvent la raideur et l’expression figée (illusion ou réalité ?), en particulier quand elle circule en Solex dans les rues de Paris...

Les décors apparaissent tout aussi mouvants puisqu’ils sont en constante mutation et révèlent une face cachée ; l’intervention de Zazie au Paradis, le cabaret où danse Gabriel, met en marche tout le décor du spectacle, instable lui aussi puisque le plateau tourne et que le rideau prend feu. Le summum de l’illusion est atteint dans la brasserie finale, où, lors de la bagarre, les murs s’effondrent, dévoilant à chaque fois un autre monde, dans un mouvement de remontée du temps : la décoration ultramodeme laisse place à des panneaux peints genre 1900 - qui évoquent d’ailleurs ceux du café de Turandot, dans une nouvelle confusion -, pour arriver jusqu’aux parpaings du studio de tournage qui révèlent, dans un mouvement de distanciation brechtien, « l’envers du décor ».

Les personnages passent également à travers ces décors, comme s’ils disparaissaient derrière les apparences : Zazie entre dans les miroirs et en sort, comme Alice chez Lewis Carroll ou Orphée dans le film de Cocteau qui ont accès, par ce moyen, au monde du rêve ou de la mort... Pédro-surplus, champion de l’apparence changeante, quitte l’écran après son dialogue avec Gridoux, en ouvrant une porte dissimulée dans les palissades peintes, sans doute pour suggérer qu’il se prépare à endosser un autre avatar... Quant au car futuriste de Fédor Balanovitch, il brouille aussi les catégories réelles en se transformant en avion !

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« marché noir, le mot allemand « Natürlich » ou l'emploi comique de l'expres­ sion « qui avait été occupée » (p.

14).

Les adultes utilisent le terme « jitrouas » -ou J 3 -(p.

73) qui désignait la classification des adolescents sur les cartes de rationnement.

Dans le film de Louis Malle, un portrait du maréchal Pétain est enlevé par les ouvriers dans le café de Turandot, et l'on voit passer des soldats derrière Gabriel, Turandot et Gridoux quand ils évoquent leurs souvenirs de la guerre ; quant à Aroun Arachide, il renvoie irrésistiblement à Mussolini et ses Chemises Noires ou encore à l'amiral Darlan, figure de la Collaboration du régime de Vichy ...

• Le quotidien • Queneau ancre ses personnages dans un quotidien réaliste, qui permet au sociologue de dater assez précisément l'époque du roman : le Cinémascope 1 apparaît en 1953, de même que les laveries automatiques(« les trucs automa­ tiques américains » vantés par Turandot) ...

Le roman rend bien compte d'une France des années 1955, qui est encore celle de la lessiveuse et du beaujolais, mais se voit dynamitée par la jeune génération des Zazie, avide de« cacocalo », de « bloudjinnzes », de « vécés » modernes et de « tévé » ...

111 Ce sont sans doute ces mutations du cadre de vie que veut suggérer Louis Malle par les travaux permanents chez Turandot ; celui-ci, bien « franchouil­ lard » avec son béret, règne au départ sur un café vieillot, comme on peut en voir dans les films réalistes d'avant-guerre de Marcel Carné ; mais le gramophone sera vite remplacé par le juke-box, et les panneaux en bois peints par le Formica brillant des années 1960 ; de même, le décor de la bataille finale rend compte de la mode contemporaine avec ses meubles en métal et plastique, aux formes psychédéliques de couleurs vives.

Et le Cityrama fait admirer aux touristes le bâtiment de la Sécurité sociale ! • Les mentalités 111 Les dialogues reproduisent également les mentalités de la toute petite bour­ geoisie parisienne, à travers les clichés et les expressions toutes faites : ainsi y rencontre-t-on le racisme ordinaire, quand un automobiliste envoie poliment Trouscaillon se «faire voir par les Marocains » (p.

139), ou les idées conser­ vatrices sur la structure sociale (p.

73 : « on lui a donc jamais appris à cette petite que la propriété, c'était sacré ? »).L'éducation y est en débat, et Gabriel formule une nouvelle conception fondée sur « la douceur, la compréhension, la gentillesse » (p.

30) ; si l'influence américaine est vue comme positive par les « américanophiles », on retrouve aussi le slogan « US, go home », déformé par l'humour quenien en« Go, femme» (p.

195).

1.

Procédé de projection sur un écran large.

36 Zazie dans Le métro de R.

Queneau et de l.

Malle. »

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