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L'essor du théâtre en France dans un contexte urbain au XVIIIe siècle

Publié le 15/08/2012

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Devenu un port important, une métropole régionale qui revendique ce statut, un endroit où les élites s’enrichissent et où de nombreux voyageurs passent, le théâtre sert à étaler le prestige de la cité et à divertir les différents voyageurs qui y passent13. En plus de bénéficier d’un contexte urbain qui favorise, la province voit le théâtre comme un redressement de l’ordre public. Dans les villes frontières, on veut divertir les jeunes officiers pour enrayer le jeu. Dans d’autres villes, on veut s’assurer du maintien de la moralité de la population en les empêchant de fréquenter les tavernes, cabarets ou maisons de jeu14. L’institution théâtrale, alors forte d’une dynamique productrice, explose littéralement. La construction de théâtres est remarquable dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle en province. Pendant les années 1750 à 1773, c’est quelques 23 théâtres qui voient le jour en province, soit un par an (voir annexe 2). Ensuite, de 1774 à 1789, seulement 4 théâtres voient le jour, ce ralentissement est dû à la concentration massive pendant la période précédente et au manque d’argent des différentes villes qui se lancent alors dans une politique d’embellissement des villes et donc d’étalement de la richesse par différents monuments publics15. Avec cette opulence voulue des pouvoirs, on assiste à la transformation du théâtre, non seulement en tant qu’institution, car il est maintenant « administré, régulier, quotidien et nécessaire16 «, mais il intègre l’idée de prestige et il devient ce que l’on peut appeler le « théâtre-temple «, comme à Lyon et Bordeaux, grâce à sa grandeur et sa richesse17.

« 6 7 Maurice Albert, Les théâtres des boulevards (1789-1848), Genève, Slatkine Reprints, 1969 (1902), p.

3.

Robert M.

Isherwood, Farce and fantasy.

Popularentertainment in Eighteenth-Century Paris, Oxford, Oxford University Press, 1986, p.

124-130.

8 Christian Genty, Histoire du Théâtre National de l'Odéon, journalde bord, 1782-1982, Paris, Éditions Fischbacher, 1981, p.

15.

9 Pierre Goubert et Daniel Roche.

Les Français et l'Ancien Régime.

Culture et société, Paris, 1984, p.262.

10 Pierre Pougnaud, Théâtres, 4 siècles d'architecture et d'histoire, Paris, Éditions du Moniteur, 1980, p.

40.

11 Emmanuel Le Roy Ladurie, dir.

La ville destemps modernes : de la Renaissance aux Révolutions, T.

3 de Histoire de la France urbaine, Georges Duby, dir.

Paris, Seuil, 1998 (1980), P.

478. 4 l'économie qui détermine l'implantation de théâtres, « la construction des théâtres coïncide (…) avec l'accélération de l'expansion urbaine, engendrée elle-même par ledéveloppement économique des principales cités 12».

Le cas de Bordeaux nous démontre bien cette situation.

Devenu un port important, une métropole régionale quirevendique ce statut, un endroit où les élites s'enrichissent et où de nombreux voyageurs passent, le théâtre sert à étaler le prestige de la cité et à divertir les différentsvoyageurs qui y passent13.

En plus de bénéficier d'un contexte urbain qui favorise, la province voit le théâtre comme un redressement de l'ordre public.

Dans lesvilles frontières, on veut divertir les jeunes officiers pour enrayer le jeu.

Dans d'autres villes, on veut s'assurer du maintien de la moralité de la population en lesempêchant de fréquenter les tavernes, cabarets ou maisons de jeu14.

L'institution théâtrale, alors forte d'une dynamique productrice, explose littéralement.

Laconstruction de théâtres est remarquable dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle en province.

Pendant les années 1750 à 1773, c'est quelques 23 théâtres quivoient le jour en province, soit un par an (voir annexe 2).

Ensuite, de 1774 à 1789, seulement 4 théâtres voient le jour, ce ralentissement est dû à la concentrationmassive pendant la période précédente et au manque d'argent des différentes villes qui se lancent alors dans une politique d'embellissement des villes et doncd'étalement de la richesse par différents monuments publics15.

Avec cette opulence voulue des pouvoirs, on assiste à la transformation du théâtre, non seulement entant qu'institution, car il est maintenant « administré, régulier, quotidien et nécessaire16 », mais il intègre l'idée de prestige et il devient ce que l'on peut appeler le «théâtre-temple », comme à Lyon et Bordeaux, grâce à sa grandeur et sa richesse17.

Le théâtre de province prend véritablement son essor avec la multiplication dessalles et le contexte urbain qui encadre le théâtre réussit à le définir.

Le mouvement d'embellissement des villes intègre l'édifice théâtral et il est « conçu de plus enplus comme un monument prestigieux, avec son fronton à colonnes qui permet d'ouvrir sur le lieu de la fête et du grand spectacle 18».

Déjà on peut voir que l'aspectextérieur se modifie, il était auparavant constitué d'une commune12 13 Henri Lagrave, « Théâtre et Lumières », p.

315.

Henri Lagrave, et Philippe Rouyer, dir.

La vie théâtrale à Bordeaux des origines à nos jours, Tome 1 Des origines à1799.

Paris, Éditions du centre national de la recherche scientifique, 1985, p.

167.

14 Pierre Larthomas, Le théâtre en France au XVIIIème siècle, Paris, PUF, 1980,p.

20.

15 Martine de Rougemont, La vie théâtrale en France au XVIIIe siècle, p.

296.

16 Henri Lagrave, et Philippe Rouyer, dir.

La vie théâtrale, p.

170.

17 PierrePougnaud, Théâtres, 4 siècles d'architecture, p.

15 18 Martine de Rougemont, La vie théâtrale en France au XVIIIe siècle, p.

284. 5 façade de maison bourgeoise, comme le théâtre de la rue Vacon à Marseille.

D'élément intégrant une trame urbaine, le théâtre devient le cœur de nouvellesconceptions urbanistes, car pour certaines villes (Bordeaux, Lyon et Marseille), il devient le centre de nouveaux quartiers comme à Bordeaux où « le développementcommercial de la ville fait craquer la vieille enceinte ; le centre des affaires et des plaisirs se déplace », et le théâtre devient l'élément central de ce nouveauquartier19.

Ce dynamisme architectural influence alors la capitale et même toute l'Europe, de sorte que l'on peut affirmer que si l'exemple de l'architecture théâtraleavait été donné par l'Italie dans la première moitié du XVIIIème, il vient de la France et principalement de la province pour la deuxième moitié.

Conclusion Lethéâtre en cette deuxième moitié du XVIIIe est caractéristique des institutions de son temps.

Il aspire à un projet grandiose qui est malheureusement balisé par lepouvoir.

Les entrepreneurs théâtraux devront faire preuve de génie pour contourner les exactions et les règles imposées.

L'on verra donc une institution théâtraleparisienne où la multiplication des salles se fera selon une conceptualisation commerciale.

La mosaïque théâtrale de la trame urbaine parisienne sera soutenue par uncapitalisme vivifiant qui assure la viabilité des théâtres.

En cette fin de XVIIIe siècle, tous les éléments sont rassemblés pour qu'éclate l'institution théâtrale françaiseafin que la liberté totale et entière soutienne une croissance effrénée du théâtre.

La Révolution française nous montrera cette idée avec la possibilité ouverte à tous defaire jouer des pièces et avec la construction préalable de ces théâtres, l'on ne fera que bénéficier des apports de la deuxième moitié du XVIIIe.

Encore plus que laRévolution, ce sera le XIXe siècle qui fera la synthèse des innovations de Paris et de la province, le théâtre alors ouvert à tous, ayant un liberté architecturale,commerciale et de répertoire verra sa viabilité ordonnée selon la loi du marché.

Bref, tous les éléments apportés par le XVIIIe siècle se raffineront et se combinerontau XIXe siècle. 19 Henri Lagrave, et Philippe Rouyer, dir.

La vie théâtrale, p.

173. 6 Bibliographie ALBERT, Maurice.

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