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L'Etranger de Camus : Un roman contre la peine de mort ?

Publié le 10/08/2014

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L'Etranger, certes, n'est pas un roman à thèse. L'on a quelquefois reproché à Camus le didactisme de son propos, mais le texte sur lequel nous nous penchons maintenant est préservé de cette volonté de convaincre à tout prix, qui peut gâter même les ouvrages les plus accomplis. Le premier roman de Camus est trop obscur et trop complexe pour que l'on puisse le réduire à un quelconque « message «.

L'Etranger cependant est aussi, à sa manière, un livre politique, un texte engagé. Sous le masque du roman, Camus s'y livre en effet à une féroce satire de l'institution judiciaire et à un puissant plaidoyer contre la peine de mort. Il nous oblige à faire face à cette terrible institution qui saisit un homme pour le priver de sa liberté puis de sa vie.

L'histoire d'un crime

Il peut arriver au lecteur de l'oublier mais L'Etranger est, avant tout, le récit d'un meurtre.

Les faits sont là et s'enchaînent avec une parfaite logique et une infaillible vraisemblance : à la suite d'une rixe, Meursault, d'un coup de revolver, abat un Arabe sur une plage algérienne. La justice pourra bien par la suite se perdre dans les raisonnements les plus ridicules, s'aventurer sur le terrain des hypothèses psy­chologiques et des jugements moraux. Il n'en reste pas moins que Meursault est un criminel : rien ne pourra défaire l'acte par lequel il a ôté la vie à autrui.

Camus, notons-le, n'a pas voulu que L'Etranger soit simplement le récit d'une erreur judiciaire. Il a fait de Meursault un coupable.

Pourtant, quand nous lisons L'Etranger, pas un ins­tant nous ne nous sentons prêts à condamner Meur­sault. Nous oublions la victime et notre sympathie va tout entière à l'assassin.

La raison en est que ce crime, paradoxalement, n'est pas l'oeuvre d'un criminel. Aucun des motifs classiques en ce genre de drame — passion, intérêt, perversité, colère, etc. — ne peut être ici invoqué. Meursault, tel que Camus nous le présente, est comme absent de son propre geste. Il est l'agent plutôt que l'auteur de son acte. La responsabilité de celui-ci ne lui appartient pas.

Pour les jurés, il est facile, comme on le verra, de rétablir une forme vraisemblable de causalité qui en­traînera la condamnation de Meursault : celui-ci est coupable d'avoir assassiné, de sang-froid et après avoir prémédité son geste, un Arabe; il a agi ainsi dans l'intérêt de son ami Raymond, un individu à la réputa­tion très louche.

Mais, pour nous qui savons le drame véritable qui s'est joué dans la conscience du personnage de Camus, une telle interprétation ne tient pas : nous savons que c'est, sans l'intention de s'en servir que Meursault a mis dans sa poche le revolver de Raymond, nous savons que c'est bien par hasard qu'il est retourné sur la plage, nous savons enfin que c'est, comme il l'affirme devant le tribunal, «à cause du soleil« que Meursault a tiré.

 

Si on la juge à l'aune de la vraisemblance psychologi­que ou des conventions du roman policier, il va de soi qu'une telle explication ne tient pas un instant : on ne tue pas «à cause du soleil «. Mais tout l'art de Camus dans les superbes pages qui concluent la première

camus

« Camus, notons-le, n'a pas voulu que L'Etranger soit simplement le récit d'une erreur judiciaire.

Il a fait de Meursault un coupable.

Pourtant, quand nous lisons L 'Etranger, pas un ins­ tant nous ne nous sentons prêts à condamner Meur­ sault.

Nous oublions la victime et notre sympathie va tout entière à l'assassin.

La raison en est que ce crime, paradoxalement, n'est pas l'œuvre d'un criminel.

Aucun des motifs classiques en ce genre de drame -passion, intérêt, perversité, colère, etc.

-ne peut être ici invoqué.

Meursault, tel que Camus nous le présente, est comme absent de son propre geste.

Il est l'agent plutôt que l'auteur de son acte.

La responsabilité de celui-ci ne lui appartient pas.

Pour les jurés, il est facile, comme on le verra, de rétablir une forme vraisemblable de causalité qui en­ traînera la condamnation de Meursault: celui-ci est coupable d'avoir assassiné, de sang-froid et après avoir prémédité son geste, un Arabe; il a agi ainsi dans l'intérêt de son ami Raymond, un individu à la réputa­ tion très louche.

Mais, pour nous qui savons le drame véritable qui s'est joué dans la conscience du personnage de Camus, une telle interprétation ne tient pas: nous savons que c'est, sans l'intention de s'en servir que Meursault a mis dans sa poche le revolver de Raymond, nous savons que c'est bien par hasard qu'il est retourné sur la plage, nous savons enfin que c'est, comme il l'affirme devant le tribunal, «à cause du soleil» que Meursault a tiré.

Si on la juge à l'aune de la vraisemblance psychologi­ que ou des conventions du roman policier, il va de soi qu'une telle explication ne tient pas un instant: on ne tue pas «à cause du soleil».

Mais tout l'art de Camus dans les superbes pages qui concluent la première. »

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