Devoir de Philosophie

LETTRES PERSANES 11 À 14 : HISTOIRE DES TROGLODYTES

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

Louis XIV est mort en 1715. La Bruyère avait été le peintre impitoyable d'une fin de règne pourrissante. Qui, après lui, dénoncerait les caractères d'une société qui ne disparaît pas avec le monarque et, sous la Régence, se succède à elle-même ? Charles de Secondat, baron de Montesquieu (1689-1755), conseiller au Parlement de Bordeaux, membre de l'Académie Française, s'est servi d'un artifice pour livrer un examen acéré des moeurs dont il était l'exact contemporain. La vogue des Lettres attribuées à des Turcs, des Chinois et autres Orientaux, les relations de voyage, lui ont donné l'idée de prêter à des Persans l'observation subtile dont il négligea de se reconnaître le mérite.

« du champ lexical de la vie champêtre et de l'attendrissement (ornées de fleurs, champêtre, naïve, virginale, surpris,tendre, douce, fidèle...).

L'innocence, la simplicité, la tendresse des Troglodytes contribuent à l'admiration d'Usbekpour leur société communautaire.

Sa vision bucolique rappelle la nostalgie littéraire des écrivains des XVIIe et XVIIIe siècle (sauf Voltaire qui ridiculisera l'âge d'or dans Le Mondain) pour les moeurs rustiques des époques primitives. Bonheur et vertu Ce conte oriental, où l'ironie de l'auteur apparaît parfois dans une distanciation soit par rapport au narrateur soit parrapport au sujet, sert à illustrer les idées morales, sociales et politiques de Montesquieu.

Étudiant le fonctionnementdes sociétés humaines, Montesquieu constate, dès la lettre 11, qu'aucune nation ne peut survivre dès lors qu'ellesubstitue l'égoïsme et la force à la justice.

L'histoire politique des premiers Troglodytes permet de constater ladégradation de la monarchie : plus clairvoyant que ses sujets, un souverain étranger, sorte de despote éclairé, ne réussit pas à éduquer un peuple foncièrement méchant et il est assassiné ; la création d'un gouvernementoligarchique se termine aussi dramatiquement et pour les mêmes raisons.

Situés tout prêt de la bête, physiquementet moralement, les anciens Troglodytes se complaisent dans l'anarchie.

Vivant dans l'état de « guerre de touscontre tous » décrit par Hobbes où la force prime toute légitimité et où l'intérêt brutal détermine les relations entreindividus, les Troglodytes sont nécessairement conduits à une autodestruction qui s'explique par des raisonsclimatiques, par des raisons morales (l'absence de justice et d'équité) et sanctionnés par une punition divine. Sauvées de la destruction universelle comme Noé et ses fils dans la Genèse, deux familles reconstituent le peupletroglodyte et offrent dans la lettre 12 un contraste facile et schématique avec leurs indignes ancêtres : elles vont «au bonheur par la vertu, sans rois, ni loi» (Paul Vernière).

Montesquieu présente une esquisse des principes dugouvernement républicain.

Il en voit une condition première dans la coïncidence (favorisée par le rôle de lacommunauté familiale dans l'éducation) entre l'intérêt des particuliers et l'intérêt général : la vertu politiques'enracine dans la vertu morale et la dépasse afin d'atteindre « la justice pour autrui ».

L'âge d'or ne relève d'aucuncontrat, ni d'aucun pacte divin.

Si le sentiment religieux apparaît — et il va renforcer la vertu des Troglodytes —,c'est de façon purement spontanée, au même titre que la danse et la musique, sans la moindre Révélation.

La vertus'accompagne donc d'une religion purement naturelle. La modération des Troglodytes les fait réagir (Lettre 13), devant la menace extérieure puis l'agression, avec lasagesse de Grandgousier dans le Gargantua de Rabelais ou celle de Télémaque chez Fénelon : ils recherchent toutes les solutions susceptibles de permettre un apaisement.

Mais leur vertu leur permet de mener sans états d'âme une guerre défensive et juste : en situation de légitime défense les Troglodytes savent pourquoi ils combattent. Pourtant ce régime idéal ne convient qu'à un État de petite taille.

Après avoir montré un patriotisme sans faille pour défendre leur idéal de société les Troglodytes sont confrontés à un nouveau péril, bien plus grave :l'accroissement rapide de leur population.

Montesquieu (devançant les idées que développera Rousseau dans leContrat social, la Lettre à d'Alembert, le Projet de constitution pour la Corse ou les Considérations sur le gouvernement de Pologne) pense que le gouvernement républicain est réservé à de petits États, comme les républiques de l'Antiquité grecque ou la République de Genève au XVIIIe siècle.

Ce n'est plus le goût de l'anarchie,comme dans la lettre 11, mais une conscience politique avancée qui conduit la nation à souhaiter passer de larépublique à la monarchie.

Soucieux de l'intérêt général, mais dépassés par le développement rapide de lacollectivité, qui émousse nécessairement les sentiments moraux, les Troglodytes pensent que la monarchie peutseule les contraindre à respecter constamment l'intérêt général.

Le nouveau monarque est élu, mais, au nom d'unemorale politique reposant sur la piété et le patriotisme, regrette de devoir devenir roi.

Considéré comme un mal nécessaire, la monarchie n'est présentée que dans son origine, mais son fonctionnement et son caractère héréditaire ne sont pas abordés. Bien des thèmes fondamentaux de l'Esprit des lois sont amorcés dans cette parabole et notamment l'idée que tout gouvernement s'appuie sur un principe (E.D.L.

; III, 1); que la démocratie repose sur la vertu — .c'est-à-dire sur l'amour des lois (III, 2 et III, 3), l'amour de la patrie (IV, 5), l'amour de l'égalité et de la frugalité (V, 3) et la liberté—, que si dans un régime républicain la vertu vient à manquer, « l'État est déjà perdu » (III, 5) et que dans lerégime monarchique « les lois tiennent la place de toutes les vertus dont on n'a aucun besoin ».. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles