Devoir de Philosophie

L'homme est-il devenu le sous-produit de ses habitudes de consommateur ?

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

Notre siècle, un peu hâtivement peut-être, est souvent qualifié de siècle de la consommation : il est vrai que, le développement industriel aidant, se sont multipliés les objets, les produits permettant à une majorité d'individus (dans les sociétés occidentales au moins) de vivre une vie plus agréable. Encore faut-il bien s'entendre là-dessus : il s'agit de vie matérielle et de rien d'autre. La « consommation » est là pour permettre des améliorations dans le quotidien, éviter des efforts, des fatigues inutiles. Le drame c'est que, pour certains, elle devient un idéal de vie, presque une philosophie. On comprend les inquiétudes de quelques intellectuels devant cette invasion des objets matériels venant se substituer peu à peu à d'autres valeurs. Ainsi, Ivan Illich, dans Libérons l'avenir, dénonce en 1971 une société où « l'homme » est « devenu, en quelque sorte, le sous-produit de ses habitudes de consommateur ». Consommer est-il pour autant devenu pour tous, aujourd'hui, une habitude ? N'y a-t-il pas encore des gens qui en sont privés et ne s'en portent pas mieux pour autant ? Ne s'agit-il pas, surtout, de savoir gérer sa consommation et de changer ses habitudes, pour tenter de vivre mieux, tout simplement ?

« des penseurs successifs — journalistes ou philosophes assermentés — sur le monde comme il va et la société ; ons'apercevrait qu'aucun n'a « prévu » ce qui s'est passé « après » eux, car tous ont l'oeil fixé sur ce qui se passe «avant » ou « pendant » qu'ils écrivent, et ils ne voient guère ainsi venir les changements...

: d'abord les « hommes» (il s'agit ici des heureux habitants des climats tempérés) ne sont pas nécessairement des « sous-produits ».

Lapreuve : ils ne font pas tous exactement ce qu'on leur demande de faire.

D'autre part, y compris dans les sociétésindustrielles, certains, qui voudraient consommer, ne le peuvent guère, pour des raisons si évidentes qu'il est peut-être inutile de le rappeler.

Les SDF, par exemple, consomment surtout du carton (pour se tenir au chaud l'hiver) ;les chômeurs consomment surtout du temps : lire les offres d'emploi, écrire des lettres, faire des queuesinterminables...

Ceux qui ont la « chance » d'avoir un travail se consument en ardeur pour obtenir souvent desrétributions misérables : ainsi manifestent les mineurs (entre autres) des régions sinistrées (Nord-Pas-de-Calais,Lorraine), certains agriculteurs de certaines régions de France sont menacés davantage par la famine que par leurs« habitudes de consommateurs » ; quant à la plupart des marins-pêcheurs (artisans) dont certains gagnent moinsde mille francs pour une semaine de soixante ou quatre-vingts heures, gageons qu'ils aimeraient dépenser toute leur« énergie » et leurs « ressources à se procurer toujours des modèles nouveaux » (il ne leur reste, en effet, plusguère de temps pour embellir leur environnement...) : pour l'heure, ils essaient surtout de survivre ; leur seuleressource, c'est de se faire remarquer, quitte pour cela à utiliser la violence.

Osera-t-on dire qu'ils manifestentparce qu'ils n'ont pas compris que le bonheur était dans l'abstinence ? Le drame aujourd'hui pour l'idée de «consommation », c'est, naturellement, qu'elle est liée à des inégalités de plus en plus criantes, non seulement entrele tiers monde (qui n'aspire qu'à s'équiper en biens de consommation utilitaires) et les pays développés, mais aussi àl'intérieur de ceux-ci où le tiers monde peu à peu s'installe. Curieusement, en effet (mais, à la réflexion, cela apparaît logique), les pires « esclaves » de la consommation sontceux qui ne peuvent consommer : aussi, dans les banlieues les plus déshéritées des grandes villes européennes,toute une population, jeunes et moins jeunes confondus, ne rêvent que d'avoir des « choses », ces produits qui fontd'autant plus rêver qu'ils sont inutiles : on rêve donc de vêtements dont certaines marques sont plus prisées qued'autres car elles sont perçues comme des signes infaillibles de réussite sociale personnelle ; on rêve encore desmeilleures chaînes laser ou de jeux vidéo (dernier domaine, en Occident, qui laisse de l'espoir aux « producteurs » :on consomme beaucoup dans l'image et le son).

Quand les bandes de banlieue déferlent sur la capitale pour «casser », ce sont ces magasins-là qui sont d'abord visés : on épargne, certes, les librairies, même les magasinsd'alimentation (sauf peut-être les pâtisseries pour les « friandises »), pour se précipiter sur ces temples de laconsommation idéale du jour : les boutiques de fripes et d'articles audiovisuels.

C'est que le bonheur est toujoursvécu comme quelque chose que l'on n'a pas. Aussi est-il un peu absurde de se lamenter et de vouloir réactualiser le vieux débat, la vieille querelle dont Voltaireet Rousseau furent un temps les deux champions les plus éclairés.

On sait bien que Rousseau a raison quand ilaffirme que le bonheur est dans « l'être » et le dénuement matériel, car le bonheur est en soi et non à l'extérieur,dans des objets matériels, dans de quelconques « produits » manufacturés.

Chacun sent bien que les besoinséprouvés aujourd'hui sont totalement artificiels et fabriqués ; que les « producteurs » visent à inventer chaque jourde nouveaux objets et à nous persuader qu'ils nous seront indispensables ; c'est vrai que nous sommes entraînésdans un cycle infernal : mais qui n'entend pas non plus que Voltaire a raison quand il affirme que c'est très bienainsi, qu'il est impossible de revenir en arrière et d'apprécier le gland quand on a goûté au blé ; que le luxe n'est passi désagréable même s'il est matériel, sans compter que le luxe est une notion bien relative : avions-nous besoin,écrit le philosophe, des ciseaux ou des pantoufles alors que la « nature » nous a donné des cheveux pour qu'ilspoussent et des pieds pour qu'ils marchent nus ? Eh oui, nous ne sommes tous, globalement, que des sous-produitsde nos habitudes de consommateurs puisqu'à l'origine nous n'avions rien et que l'histoire du monde et descivilisations se résume à cela : créer des habitudes nouvelles pour les satisfaire par des produits nouveaux.

Lamachine s'est emballée, certes, depuis un siècle, mais cela ne change pas les données fondamentales du problème.Cela ne signifie nullement pourtant qu'il faut consommer à tout prix, que tout est pour le mieux, et que le bonheurnous attend au prochain tournant... Il y a, en effet, un usage aberrant de certains produits de consommation qui transforment vite l'utilisateur enesclave : ainsi pour l'automobile (dans les villes en particulier) qui pourrait être (et peut être encore) un instrumentirremplaçable de liberté si l'équilibre entre transports en commun et transports individuels était parfaitement respecté.

Il y a aussi un usage aberrant de l'hôpital : lamédicalisation à tout prix n'est pas une panacée.

Chacun connaît les excès qui y sont liés, acharnementthérapeutique ou absorption outrancière de médicaments.

On peut préférer un monde où chaque citoyen seprendrait en charge, vivrait mieux, plus en accord avec son environnement naturel ; on peut aussi préférer unesociété où les gens tolèreraient encore leurs petites souffrances plutôt que de se précipiter sur le comprimé miracle(encore qu'on voie mal où se trouverait exactement la vertu de la souffrance : migraine ou mal de dents...), où onsaurait mourir décemment...

Mais, outre que mourir, même si c'est naturel, n'est pas « décent en soi », pourquoireprocherait-on à des médecins dont c'est le métier, de s'acharner à vous faire survivre (jusqu'à preuve ducontraire, la vie est la valeur suprême) : prétendre, comme Illich, que les souffrances résultent des « droguesnouvelles » et des « interventions chirurgicales toujours plus extraordinaires » relève davantage de la plaisanterie(douteuse) et du procès d'intention que de l'analyse rigoureuse des faits.

En revanche, on peut imaginer un médecinqui ne serait pas seulement un distributeur automatique de produits médicamenteux, sûr de son savoir, mais un êtrehumain qui pourrait conseiller ses clients, leur donner quelques règles d'hygiène de vie ; un patient aussi qui sauraitécouter ces conseils et mieux gérer sa vie.

En somme, il faudrait changer quelques habitudes.

D'autre part, tout cequi va dans le sens d'une « responsabilisation » du citoyen ne peut être que bénéfique : or, nos sociétés qui ont. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles