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L’humanité c’est nous, que ça nous plaise ou non. Samuel Beckett

Publié le 19/03/2020

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beckett

«vladimir. — Ne perdons pas notre temps en vains discours. (Un temps. Avec véhémence.) Faisons quelque chose, pendant que l’occasion se présente! Ce n’est pas tous les jours qu’on a besoin de nous. Non pas à vrai dire qu’on ait précisément besoin de nous. D’autres feraient aussi bien l’affaire, sinon mieux. L’appel que nous venons d’entendre, c’est plutôt à l’humanité tout entière qu’il s’adresse. Mais à cet endroit, en ce moment, l’humanité c’est nous, que ça nous plaise ou non. Profitons-en, avant qu’il soit trop tard. Représentons dignement pour une fois l’engeance où le malheur nous a fourrés. Qu’en dis-tu? (Estragon n’en dit rien.) Il est vrai qu’en pesant, les bras croisés, le pour et le contre, nous faisons également honneur à notre condition. Le tigre se précipite au secours de ses congénères sans la moindre réflexion. Ou bien il se sauve au plus profond des taillis. Mais la question n’est pas là. Nous avons la chance de le savoir. Oui, dans cètte immense confusion, une seule chose est claire: nous attendons que Godot vienne.

ESTRAGON

C’est vrai. »

(2e acte)

« VLADIMIR. — La main dans la main on se serait jeté en bas de la Tour Eiffel, parmi les premiers. On portait beau alors.

Maintenant, il est trop tard. On ne nous laisserait même pas monter. (Estragon s’acharne sur sa chaussure.)
Qu’est-ce que tu fais?
ESTRAGON. — Je me déchausse. Ça ne t’est jamais arrivé, à toi ? »

«estragon. — Je ne peux plus continuer comme ça. vladimir. — On dit ça.

estragon. — Si on se quittait? Ça irait peut-être mieux.

VLADIMIR. — On se pendra demain. (Un temps.) A moins que Godot ne vienne. estragon. — Et s’il vient?
Vladimir. — Nous serons sauvés.
(Vladimir enlève son chapeau — celui de Lucky — regarde dedans, y passe la main, le secoue, le remet.) estragon. — Alors, on y va?
vladimir. — Relève ton pantalon. ESTRAGON. — Comment?
VLADIMIR. — Relève ton pantalon. estragon. — Que j’enlève mon pantalon? vladimir. — RE-lève ton pantalon. estragon. — C’est vrai.
Il relève son pantalon. Silence. vladimir. — Alors, on y va?-estragon. — Allons-y. Ils ne bougent pas. »
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« 22 • HUMANITÉ ET FATALITÉ / 169 cirque, les personnages relevant, selon lui, d'une vision clownesque du monde; il y renonce, pressentant que l'ad­ mirable texte de Beckett y perdrait en matière d'humour et de pathétique.

Que Roger Blin ait envisagé de situer le décor sur la piste d'un cirque paraît approprié au propos de Beckett.

Le premier acte contient justement un pas­ sage où Estragon et Vladimir se réjouissent d'assister, en tant que spectateurs, au numéro que vient exécuter Pozzo sous leurs yeux, dans le registre mélodramatique.

Scène de théâtre dans le théâtre, elle déclenche l'hila­ rité des acteurs-spectateurs (Vlamidir: on se croirait au spectacle./Estragon: Au cirque./Vladimir: Au music­ hall./ Estragon: Au cirque.) De nombreux autres passages de cette pièce pourraient être invoqués pour illustrer le caractère mécanique et répétitif, en un mot, stéréotypé, des gestes, des situations, des comportements et même des mots et des phrases qui composent le spectacle.

Pour ne retenir qu'un exemple, la séquence suivante: «Allons-nous en -On ne peut pas -Pourquoi? -On attend Godot ...

» se présente sept fois dans la pièce, sans compter les multiples allusions à la survenue possible du même Godot, leitmotiv majeur de En attendant Godot.

Rien d'autre que cette attente ne justifie la présence sur la scène des deux clochards que sont Vladimir et Estragon, tandem indissociable.

L'impulsion première de la pièce est donnée par ce message que reçoit Vladimir: « Monsieur Godot viendra demain devant l'arbre.» Le rendez-vous avec Godot, manqué une première fois (1er acte), puis une seconde fois (second acte), est voué, suppose-t-on, à être indéfiniment ajourné.

Or le lieu du rendez-vous ( « Route à la campagne avec arbre», signale Beckett) est exposé à toutes sortes de rencontres, ce qui explique le sentiment de panique qui s'empare de Vladimir et d'Estragon, vers le milieu de la 2e journée (ou du 2e acte, puisque la pièce se déroule en deux journées, sans autre subdivision).

Qui venait? Go­ dot? Des brigands? Les deux compères font le guet, puis, ne voyant rien venir, se détendent.

C'est alors que sur­ viennent Pozzo et Lucky, déjà rencontrés la veille mais. »

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