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L'humanité c'est nous, que ça nous plaise ou non. Samuel Beckett

Publié le 22/02/2012

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• Cette phrase s'intègre dans la pièce de théâtre intitulée En attendant Godot, de Samuel Beckett. Cet auteur irlandais, né près de Dublin, écrit et publie en anglais jusqu'à l'âge de quarante ans et choisit alors de poursuivre son oeuvre en français. Quand il compose En attendant Godot, en 1948, il est déjà l'auteur, en français, d'un roman, Mercier et Camier, qui ne sera publié qu'en 1970, ainsi que d'une pièce de théâtre, Eleutheria, écrite en 1947, en français également, et toujours inédite; avant 1948, il avait publié, en anglais, des romans, Murphy (1938), Watt (1942), notamment. En 1969, le prix Nobel de littérature lui est attribué.
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« solution héroïque cède le pas à la solution opposée : ne rien faire, se croiser les bras, ce qui, aux yeux de Vladimir,ne serait pas moins faire « honneur» à la condition d'homme, car, argumente-t-il, la précipitation irréfléchie du tigrele pousse à porter secours à ses congénères dans le danger.Une telle réaction, commandée par l'instinct du tigre, mérite-t-elle d'être adoptée par l'homme et ferait-elle honneurà l'espèce humaine qui, comme chacun sait, se distingue de l'espèce animale? Il ne faut pas exclure, d'ailleurs, quele tigre prenne la fuite.

« Mais la question n'est pas là», rectifie Vladimir.

La seule question à se poser, dont laréponse est évidente, c'est, conclut Vladimir, d'attendre la venue de Godot. « VLADIMIR.

- Ne perdons pas notre temps en vains discours.

(Un temps.

Avec véhémence.) Faisons quelque chose,pendant que l'occasion se présente! Ce n'est pas tous les jours qu'on a besoin de nous.

Non pas à vrai dire qu'on aitprécisément besoin de nous.

D'autres feraient aussi bien l'affaire, sinon mieux.

L'appel que nous venons d'entendre,c'est plutôt à l'humanité tout entière qu'il s'adresse.

Mais à cet endroit, en ce moment, l'humanité c'est nous, queça nous plaise ou non.

Profitons-en, avant qu'il soit trop tard.

Représentons dignement pour une fois l'engeance oùle malheur nous a fourrés.

Qu'en dis-tu? (Estragon n'en dit rien.) II est vrai qu'en pesant, les bras croisés, le pour etle contre, nous faisons également honneur à notre condition.

Le tigre se précipite au secours de ses congénèressans la moindre réflexion.

Ou bien il se sauve au plus profond des taillis.

Mais la question n'est pas là.

Nous avons lachance de le savoir.

Oui, dans cette immense confusion, une seule chose est claire : nous attendons que Godotvienne. ESTRAGON: C'est vrai.

»(2e acte) Subordonnée à la venue de Godot, la présence de Vladimir et d'Estragon en un même lieu apparaît comme uneexigence irrécusable, même s'il est prévisible que l'attente de Godot, toujours annoncée, n'aboutira pas.

Jour aprèsjour, les partenaires se retrouvent après s'être séparés pour la nuit; nuit après nuit, Estragon est battu sans savoirpourquoi ni par qui; Pozzo et Lucky font leur apparition quotidienne, tout comme le jeune garçon qui renouvellel'annonce, pour le lendemain, de la venue de Godot.L'expérience acquise n'entame donc pas la croyance que Godot viendra : le constat de l'échec ne donne prise àaucune tentative de remise en cause de l'espoir mis en Godot.

Ce mécanisme fonctionne indépendamment descirconstances extérieures ou de la volonté des intéressés, à la manière de la fatalité antique.Si le souhait de se pendre à l'une des branches de l'arbre ponctue l'attente frustrée de Vladimir et d'Estragon, aucundes deux ne met son projet à exécution.

A la fin de la pièce, à défaut d'une corde disponible, « Estragon dénoue lacorde qui maintient son pantalon.

Celui-ci, beaucoup trop large, lui tombe autour des chevilles», note Beckett.

Afind'éprouver la solidité de la corde, les deux clochards tirent chacun un bout.

La corde casse : «ESTRAGON.

— Je ne peux plus continuer comme ça.VLADIMIR.

— On dit ça.ESTRAGON.

— Si on se quittait? Ça irait peut-être mieux.VLADIMIR.

— On se pendra demain.

(Un temps.) A moins que Godot ne vienne.ESTRAGON.

— Et s'il vient?VLADIMIR.

— NOUS serons sauvés.(Vladimir enlève son chapeau — celui de Lucky — regarde dedans, y passe la main, le secoue, le remet.)ESTRAGON.

— Alors, on y va? VLADIMIR.

— Relève ton pantalon.ESTRAGON.

— Comment ?VLADIMIR.

— Relève ton pantalon.ESTRAGON.

— Que j'enlève mon pantalon?VLADIMIR.

— RElève ton pantalon.ESTRAGON.

— C'est vrai.Il relève son pantalon.

Silence.VLADIMIR.

— Alors, on y va?' ESTRAGON.

— Allons-y.Ils ne bougent pas.

» Quand Vladimir s'interroge pour donner un sens éventuel à ses actes, ou, tout spécialement, à un acte que réclamede lui Pozzo, il ne conteste pas, d'entrée de jeu, la nécessité d'agir.

Pourtant, il n'agit pas.

De même, sous leprétexte de faire usage de son libre-arbitre (peser le pour et le contre), il opte pour l'absence de choix, si l'on peutdire (ni pour, ni contre).La réflexion, propre à l'humanité, est supposée interférer pour suspendre l'action et empêcher tout acte précipité.

Ilest pourtant incontestable que la seule réaction humanitaire conforme à la raison était, en la circonstance, d'agirimmédiatement, dès lors que se faisait entendre avec urgence l'appel de Pozzo.

Bref, le discours de Vladimir sesubstitue à l'action, il n'est plus qu'une vaine agitation destinée à occuper le temps vide de l'attente.

Il en va demême des tentatives de suicide auxquelles se livre Estragon (il s'est jeté dans la Durance, apprendra-t-on): la cordede son pantalon, qui fait office de ceinture, est inadaptée à la fonction prévue; bien plus, au lieu de lui permettre des'élever — ne serait-ce que dans l'arbre —, elle le rabaisse en le dépouillant de sa dignité (le pantalon tombe).Et, bien entendu, Estragon a beau être harcelé par la pensée de quitter Vladimir ou de se suicider, il se révèle. »

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