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littérature comparée : Le Bourru de Ménandre

Publié le 07/04/2023

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« Le Bourru de Ménandre Ménandre tenant un masque de comédie Bas-relief romain - Début Ier s.

apr.JC Princetown university Art museum Ménandre auteur comique grec du IVème siècle av.

J.-C (-342 av JC), est avec Philémon l'un des plus grands représentants de la "Comédie Nouvelle" grecque.

Nous pouvons dire que si la tragédie est l'expression et la définition d'une Athènes héroïque, alors la comédie quand à elle, va devenir l'expression idéale du nouvel Athénien, de ses émotions et de sa psychologie.

Le but alors n'est plus l'exaltation des valeurs héroïques de force et de bravoure, mais d'une l'éthique humaine.

Avec sa pièce de théâtre, le Bourru, appelée aussi Dyscolos, Ménandre nous propose cinq actes respectant une division tripartite : Protase, épitase et catastrophe qui est en fait le dénouement par la reconnaissance de la vérité.

L'histoire présente Cnémon, un vieillard bourru, solitaire : un misanthrope qui déteste tout être humain qu'il transformerait bien en statue.

Un jeune homme voudra épouser sa fille et devra alors affronter ce père violent et rustre qui fait régner autour de lui la peur et le rejet.

Même si l'intrigue tourne autour de ce mariage, le cœur de la pièce se focalisera sur ce personnage détesté et détestable qui refuse de vivre parmi les hommes.

Notre commentaire portera sur la scène finale acte V scène VI dont la problématique sera : Comment Ménandre utilise le comique, le rire et la présence d'une divinité pour illustrer la misanthropie et ses dangers ? Nous découvrirons dans un premier temps en quoi cette scène est comique, puis nous verrons en quoi la misanthropie est une faute et qu'est ce que Ménandre nous propose comme solutions.

Puis nous aborderons la présence et la victoire du dieu Pan dans l’œuvre et précisément dans cette scène finale. Nous avons vu dans l’introduction de notre cours, que le genre théâtral peut se définir par trois paramètres : le mouvement, la parole et la dissimulation ou le mensonge, de fait apparaissait la question de la place d'un tel personnage comme le misanthrope au cœur d’une scène de théâtre, lui qui incarne l’immobilité, le silence et la sincérité.

Mais ça serait oublier que des opposés peuvent donner matière à rire et que la caricature bien menée peut à la fois faire réfléchir mais aussi rire.

Et dans cette pièce de théâtre Ménandre nous apporte matière à rire avec un comique de gestes et de situation.

En effet, La scène a des allures de chorégraphie, ainsi grâce au mouvement des acteurs, aux invites à la danse et au rythme de la scène, on voit se dessiner un véritable ballet final.

Le début de la scène s’ouvre sur « l’enlèvement » (didascalie) par les deux serviteurs : Gétas et Sicon, du « vieillard solitaire » endormi, ils le sortent de chez lui (porte de gauche) et le trimbale à l’opposé « A droite » traversant ainsi toute la scène et passant devant la grotte du dieu Pan où se déroule la fête.

Cette entrée en matière, sans grand discours frappe le spectateur et fait sourire, voir Cnémon tel un nouveau-né docile qui pour une fois se laisse faire (puisqu’il est endormi) est pour le moins étonnant et drôle.

Puis, Gétas ligne 910 interpelle le joueur d’aulos et lui ordonne de tenir « la cadence » pendant que lui va tambouriner à la porte de Cnémon tout en l’appelant presque en chantant : « Petiot ! Mes petits ! (…) Mes beaux petits, petit, petiot.

Petiot, mes petits ! ».

C’est une entrée en matière de façon musicale, qui donnera à toute la scène un rythme et une énergie impulsée et portée par les deux serviteurs qui déplacent Cnémon, tapent à la porte, partent, reviennent, interpellent inlassablement Cnémon et finalement l’emportent au sein même de la fête.

Les deux serviteurs tels des bacchants dansants, outre leur envie de vengeance, exportent la fête pour mieux emporter et y embarquer le récalcitrant.

Par trois fois ils l’invitent à danser: « allons (…) viens danser, joins tes pas aux nôtres ! », « Joins plutôt tes pas aux nôtres » et encore « Danse donc, toi ! » avec cette détermination qui n’est plus une invite mais devient ordre. Commandement auquel, Cnémon ce « rustre » v 956, va devoir finalement à son corps défendant se soumettre en partie et participer à la fête en réintégrant symboliquement la société des hommes.

Tous ces mouvements, ce rythme, cette musique, et ces facéties aux airs d’un cortège Dionysiaque créent un tableau chorégraphique comique propice aux rires. Ces trois personnages présents dans la scène vont par leur jeu créer un final très drôle.

Le caractère de Cnémon aussi fermé que sa porte et son allergie à toutes demandes présentent un moment savoureux.

Le lecteur ou le spectateur prend un malin plaisir à entendre ce dialogue de sourds entre les demandes des serviteurs qui chacun leur tour réclament quelque chose et ce pauvre Cnémon qui ne sait plus où donner de la tête.

Dès le départ Gétas qui fait semblant de découvrir Cnémon « Qu’est-ce que c’est que celui-là ? Tu es ici ? » 913 et Cnémon qui lui demande la raison de sa venue, commence alors un échange marqué par la tentative de chacun à feindre de ne pas comprendre l’autre.

Gétas demande des chaudrons, Cnémon se demande à voix haute qui le mettra debout, face à lui Gétas feint de comprendre que sa réponse est positive et renchérit sa demande.

Puis Cnémon refusera et Gétas fera semblant de lâcher prise pour en fait laisser la place à Sicon. Ainsi Cnémon n’aura pas le temps de reprendre ses esprits pour comprendre ce qu’il lui arrive que déjà le cuisinier flatteur prend le relais pour harceler le Bourru, la trame est la même que pour Gétas : on tambourine violemment à la porte avec une voix forte mais « mielleuse » puis on enchaîne une litanie des demandes qui comme d’habitude mettent Cnémon en hors de lui.

Mais cette fois contrairement au début il n’a pas la force d’attaquer et de violenter ces importuns.

Impuissant il se plaint et appelle sa servante qui ne vient pas puisqu’elle participe à la fête et lui, frustré s’en prend verbalement à elle et menacera même de la tuer.

Le comique de mot est plaisant et drôle, présent dans les formules flatteuses employées comme ligne 912: « Petiot ! Mes petits ! (…) Mes beaux petits, petit, petiot.

Petiot, mes petits ! » sont des expressions infantilisantes et rabaissantes.

Mais aussi ligne 930 :« petit papa, petit père », tendresse feinte et fausse qui camoufle la colère et l’envie de se venger, le spectateur la ressent et s’en délecte.

Ces répétitions se transforment en attaque inlassables contre cette forteresse imprenable que semble être Cnémon et que les serviteurs arriveront à prendre à force de patience et de ruse.

Cette scène finale se terminera avec une prière en l’honneur de « déesse issue d’un noble père et amie du rire », prière exprimée par Gétas personnage certes secondaire mais dont le prénom ressemble étrangement à ceux de deux divinités Gélos (Γέλως,) : esprit du rire et Géras (Γῆρας,) : esprit de vieil âge, symbolisant peut-être en Gétas celui qui se sera « donné de la peine » pour « le vieillard » (966) en lui faisant réintégrer la communauté, tout en honorant par le rire le dieu Pan, en terminant la pièce par cette farce digne des meilleures pitreries dionysiaques. Mais il est vrai que l’attitude des serviteurs peut paraître injuste et irrespectueuse, car on pourrait objecter que Cnémon « ne fait de mal à personne ».

Pourquoi le tourmenter, pourquoi vouloir le sortir de sa solitude et de ce désir d’autosuffisance ? Une partie de la réponse apparaît à l’acte IV, scène V où Cnémon reconnaît clairement avoir commis une erreur (713-714) « Mais il est une erreur sans doute que j’ai commise, seul entre tous, ai-je cru, je ne pouvais me suffire et n’avoir besoin de personne ».

Ainsi, Cnémon lui-même, reconnaît qu’il est dans l’erreur.

Car même si le terme employé pour désigner l’autosuffisance, en grec « autarkes » qui a donné notre mot autarcie, est considéré par Aristote dans l’éthique à Nicomaque comme « le plus haut point de contemplation » et comme un bienfait économique vers lequel il faut tendre, c’est oublier que cela est surtout un idéal sociétal.

Car pour Aristote et de fait pour les grecs, l’homme est un être politique, cela signifie que l'homme est appelé à vivre dans une «polis» (ville), ainsi, au sein d'une société organisée par des lois et des coutumes, l'homme développe son potentiel et réalise sa fin naturelle dans un contexte social.

L’attitude de Cnémon est donc mauvaise car elle le conduit sur un chemin de mort, mort sociale et mort physique que la chute dans le puits symbolisait.

Il se coupe des hommes et hait les femmes, acte V, scène IV, 932 « tu fuis la foule, tu déteste les femmes ».

Il refuse.... »

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