Livre VII des Fables de La Fontaine

« les valeurs guerrières. II.

UNE MORALE SOCIALE La satire de l'opinionDans « Un animal dans la lune » apparaissait l'idée que le roi peut ramener les élucubrations de l'opinion à une plusjuste appréciation de la réalité.

Cela nous conduit loin du zèle guerrier mais aussi loin de la connaissance du vulgaireillustrée par « Les devineresses » (VII, 14), fable qui est une satire de l'opinion aveugle, source de désordre.L'opinion aime en effet à se faire manipuler : « Chez la devineuse on courait, / Pour se faire annoncer ce que l'ondésirait » (v.

13-14). Contre la démesure La démesure apparaît elle aussi comme un principe de désordre.

Démesure liée d'abord à nos prétentions (VII,4, « Le Héron » et « La Fille ») ; mais surtout à l'amour-propre et à une fausse image de soi-même commedans « Le coche et la mouche » (VII, 8).

La démesure aboutit enfin à des comportements asociaux dansl'intimité de la vie (« Le mal marié », VII, 2) comme dans les rapports au sein de la cité (« Le rat qui s'est retirédu monde », VII, 3).

Quant à la démesure liée à l'imaginaire et qui nous emporte dans un autre monde (« Lalaitière et le pot au lait », VII, 9) et qui rassemble : « Picrochole, Pyrrhus, la laitière, enfin tous » (y.

32), elletraduit une vision paradoxale de La Fontaine dans la mesure où elle est à la fois critiquée par le récit et louéedans la réflexion personnelle qui suit le récit. L'image discrète de l'amitié Dans « L'homme qui court après la fortune et l'homme qui l'attend » (VII, 11) nous avons une brève image del'amitié (le schéma annonce « Les deux pigeons », IX, 2) ; l'exemple de l'ami qui dort tandis que la Fortune setrouve assise devant sa porte est une source d'enseignement pour celui qui a couru le monde inutilement ; auxtribulations vécues dans le monde et à travers les mers, peut succéder le thème du repos et les joies futuresde l'amitié retrouvée.

Forme supérieure de l'entente sociale, l'amitié vraie se révèle solide et constante ;autant de traits qui l'opposent à la Fortune, par essence inconstante et capricieuse. LES CAPRICES DE LA FORTUNE L'ironie du sort contre le matérialisme Puissance qui distribue de manière aléatoire le bonheur et le malheur, La Fortune n'est rien d'autre que lehasard sur lequel il ne faut jamais spéculer.

Or l'imagination humaine ne cesse de spéculer sur les biens àamasser : aux yeux de Perrette (VII, IX) le lait se monnaie en « veau, vache, cochon, couvée (v.

23) ; auxyeux du curé (VII, 10), le mort qu'il va enterrer est un « trésor » : « Monsieur le mort, j'aurais de vous/Tant enargent, et tant en cire » (v.

21-22). L'ironie du sort se traduit par le renversement des positions et des valeurs.

Perrette trébuche, le lait tombe ; elledoit s'excuser devant son mari, « en grand danger d'être battue » (v.

27).

Le curé paillard, qui pensait offrir à sachambrière des cotillons avec l'argent de l'enterrement, se retrouve « la tête cassée » dans l'accident.

Cesrenversements ironiques signalent paradoxalement un certain retour à l'ordre. La position du sage Le sage n'ignore pas les fausses informations livrées par ses sens et les plaisirs de l'imagination (VII, 9, v.

33-34 ; ),mais il les corrige par la raison.

Il préfèrera la tranquillité domestique (VII, 5 ; VII, 11, v.

74-87) plutôt que defréquenter le pouvoir politique gouverné par l'arbitraire, la force aveugle et la fortune (VII, 1 ; VII, 6 ; VII, 7 ; VII,11, v.

35-50 ; VII, 15).

Le sage doit s'attacher à ce qui dépend de lui (VII, 5 ; VII, 11), et non pas compter sur laFortune (VII, 11 ; VII, 13). Conclusion : De ce livre se dégage l'idée que le sage parvient à se ménager une tranquillité d'esprit qui lui assurel'exercice de la raison.

Il garde le goût de la mesure, s'accommode de la position où la Fortune l'a placé et necompte que sur ses propres qualités et ses propres forces.. »