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Marguerite de Navarre, Heptameron, GF-Flammarion Commentaire de la 34ème nouvelle

Publié le 21/12/2012

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On ne
peut s'empêcher de penser, au regard de cette nouvelle, que si cet art littéraire a évolué au fil des siècles, les ressorts du rire eux, n'ont pas changé. Cette 34ème nouvelle aurait pu être reprise, voire écrite par un Molière ou plus près de nous par un Louis de Funès ou un Woody Allen et on a du mal à s'empêcher d'imaginer, en la lisant, Laurel et Hardy ou WC.Field dans le rôle du gros cordelier.  C'est la parole, dans cette histoire, qui engendre l'action et qui porte la nouvelle à son dénouement, mais c'est la situation grotesque des protagonistes sur lesquels sont plaqués certains comportements, qui fait naître le rire, un rire qui semble éternel.  C'est aussi par le rire que se traitent le mieux les problèmes les plus graves de nos sociétés et ici, Marguerite de Navarre s'inscrit bien dans son temps, dans son époque, un temps où commence à s'affirmer un nouveau christianisme qui revendique un retour à une religion moins 

« fois" qui introduit la plupart des contes, et le terme "un jour advint" qui lui aussi est récurrent dans tous les contes.

Ces termes donc, placent le récit sous le signe du conte et de l'oralité même s'il s'en éloigne un peu à cause de ces précisions sur le lieu où se déroule l'histoire (village de Gript, entre Niort et Fors), mais on sait que ces précisions qui ne servent pas l'économie de la nouvelle sont essentiellement destinées à donner un semblant de vérité à l'histoire de Nomerfide (et nous avons vu que c'est une condition que pose Marguerite de Navarre dans son prologue pour que les nouvelles puissent être contées). Par ailleurs, l'économie dramatique de ce récit présenté par Nomerfide est basé sur des paroles rapportées ou entendues et mal comprises.

Dans cette histoire, le ressort "dramatique" est provoqué par la parole.

C'est elle qui conduit l'action, qui pousse les personnages à prendre des décisions, à agir, c'est elle qui dénoue les situations et en amène de nouvelles. La première prise de parole des personnages de l'histoire, déclenche la première action.

Le boucher prévient sa femme qu'il faut tuer dès le lendemain matin, un des deux cochons de la porcherie, mais il emploie un mot qu'il n'aurait sans doute pas utilisé s'il avait su qu'il était écouté, et c'est ce mot "cordelier" qui a, pour lui et sa femme une signification précise, qui installe la dramatique de l'histoire. L'oreille collée de l'autre côté de la cloison, les deux cordeliers écoutent cette conversation privée.

Ils entendent très bien puisque entre leur chambre et celle de leur hôte, il n'y a que des "ais bien mals joints".

En revanche, si les paroles leur parviennent clairement, ils ne les comprennent pas, en tout cas ils comprennent mal le propos du boucher.

Cette parole mal interprétée entraîne deux prises de décision : la première n'aboutira pas : le plus âgé des cordeliers, le plus gras, donc celui qui se sent le plus en danger qui veut se confesser à son compagnon, mais cette parole ne sera pas dite et finalement, les deux cordeliers décident de se sauver par la fenêtre.

C'est donc la parole qui a entraîné la première action de la nouvelle. Au matin, le boucher arrivé devant la porte de la porcherie crie bien fort "saillez dehors, maître cordelier, saillez dehors, car aujourd'hui j'aurai de vos boudins" et cette phrase est encore une fois perçue à travers une cloison puisque le cordelier est caché derrière sa porte.

Comme dans la première prise de parole du boucher, il s'agit là encore d'un rituel presque "privé" qui n'est pas destiné à être entendu par un étranger. Simultanément, cette seconde prise de parole est doublée de hurlements du cordelier qui crie miséricorde et qui sort de son tect.

La parole encore une fois, est mal comprise et encore une fois, elle provoque l'action dramatique de la nouvelle, ici, ce sera la scène comique de l'histoire.

Mais contrairement à la première prise de parole du boucher la veille au soir, où l'un des protagonistes parle et l'autre écoute, ici, il s'agit d'une parole miroir.

En effet, il n'y a pas deux personnes qui se parlent ou une personne qui parle et l'autre qui écoute, mais une double parole, deux paroles qui se superposent, qui se juxtaposent et qui ne sont destinées à être entendues et comprises que du public.

C'est cette parole parallèle, une parole qui n'est pas un acte de communication qui crée le comique, mais nous y reviendront tout à l'heure. Lorsque les cris et les demandes de miséricorde cessent de part et d'autre au bout d'un quart d'heure, le cordelier raconte au boucher sa version de l'histoire et la situation se rétablit par le rire.

Pendant ce temps, le plus jeune des cordeliers qui s'est enfuit, raconte sa version des événements au Seigneur de Fors.

Après avoir envoyé un de ses hommes au village de Gript pour savoir ce qu'il en est, le Seigneur de Fors apprend la vérité, "laquelle sue, dit Nomerfide, ne se trouva point matière de pleurer, mais ne faillit à le raconter à sa maîtresse la duchesse d'Angoulême" (306).

Quant à la duchesse d'Angoulême elle raconte à son tour cette histoire aux dames de la cour.

Et c'est ainsi qu'elle arrive dans l'Héptaméron,. »

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