MAUSS (Marcel)

MAUSS (Marcel), sociologue et anthropologue français (Épinal 1862 - Paris 1950). Neveu de Durkheim, il a maintenu, à travers ses publications et son enseignement, la définition d'une socio

logie générale, à la constitution de laquelle devaient collaborer les diverses sciences humaines, et dont la vocation serait largement anthropologique alors même qu'elle tire ses intuitions et axes de recherches de l'ethnologie. On doit à Mauss le concept de fait social total — particulièrement illustré dans son Essai sur le don (1925), auquel G. Bataille accordait une grande importance : ce concept donne la priorité soit à la totalité de la société et de ses institutions, soit à un très grand nombre d'institutions seulement, mais dans tous les cas, il englobe simultanément le juridique, l'économique, le religieux et l'esthétique. Ainsi, dans les pratiques de don et contre-don institutionnels, l'exécution des danses, des chants ou des parades, les transmissions d'objets, les représentations dramatiques « qu'on se donne de camp à camp et d'associé à associé » ajoutent à l'institution collective une dimension esthétique non négligeable, qui accompagne ses aspects juridique ou économique. En strict sociologue, Mauss affirme que l'individuel, même s'il paraît s'exprimer dans la danse ou le poème, est d'abord inséré dans le collectif.

C'est d'autre part dans son étude sur Une catégorie de l'esprit humain : la notion de personne, celle de moi (1938) que Mauss a montré combien la notion de personne était étrangère aussi bien à toute catégorie innée qu'à une invention personnelle d'abord repérée comme personnage puis juridiquement définie, c'est par le biais de la réflexion philosophique que la personne devient progressivement sujet moral (avec le stoïcisme) et substance (au sens chrétien), avant d'être une véritable catégorie de la pensée avec la philosophie moderne. Une telle mise en perspective, même si elle s'accompagne d'une conception évolutionniste de la société, est d'un grand intérêt pour la juste compréhension des textes littéraires anciens ou extraoccidentaux : elle doit notamment permettre d'éviter la projection d'une psychologie ultérieure sur des récits où les réactions et l'affectivité des personnages sont définies relativement à des cadres de pensée très différents de ceux de l'Europe.