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Max Jacob : « Villonelle », extrait du Laboratoire central

Publié le 22/02/2012

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VILLONELLE Dis-moi quelle fut la chanson Que chantaient les belles sirènes Pour faire pencher des trirèmes Les Grecs qui lâchaient l'aviron Achille qui prit Troie, dit-on, Dans un cheval bourré de son Achille fut grand capitaine Or, il fut pris par des chansons Que chantaient des vierges hellènes Dis-moi, Vénus, je t'en supplie Ce qu'était cette mélodie. Un prisonnier dans sa prison En fit une en Tripolitaine Et si belle que sans rançon On le rendit à sa marraine Qui pleurait contre la cloison. Nausicaa' à la fontaine Pénélope en tissant la laine Zeuxis peignant sur les maisons Ont chanté la faridondaine !... Et les chansons des échansons? Échos d'échos des longues plaines Et les chansons des émigrants ! Où sont les refrains d'autres temps Que l'on a chantés tant et tant? Où sont les filles aux belles dents Qui l'amour par les chants retiennent? Et mes chansons? qu'il m'en souvienne ! Max Jacob, né à Quimper, est mort au camp de Drancy, interné par les Allemands qui étaient venus l'arrêter comme israélite, dans sa retraite quasi monacale de Saint-Benoît-sur-Loire. Ce personnage étrange, à la fois tendre et cynique, candide et mystificateur, a fréquenté à Paris, dans sa jeunesse, l'avant-garde des peintres et des poètes. Ses recherches esthétiques s'apparentent à celles d'Apollinaire. Dans l'oeuvre hétéroclite de Max Jacob se juxtaposent naïveté et raffinement, simplicité populaire et verve baroque. Le Cornet à dés (1917) est un recueil de poèmes en prose où éclatent la fantaisie, l'invention verbale, l'originalité provocante. Le Laboratoire central (1921) associe à des pièces de forme libre des poèmes pleins de virtuosité métrique et rythmique. Ces jeux, ces artifices masquent une sensibilité souvent inquiète ou meurtrie qui, soutenue dans les dernières années par la foi chrétienne, s'épanchera en « méditations » ardentes.

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