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Michel BUTOR, La Modification, incipit

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

Vous avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre, et de votre épaule droite vous essayez en vain de pousser un peu le panneau coulissant. Vous vous introduisez par l'étroite ouverture en vous frottant contre ses bords, puis, votre valise couverte de granuleux cuir sombre couleur 5 d'épaisse bouteille, votre valise assez petite d'homme habitué aux longs voyages, vous l'arrachez par sa poignée collante, avec vos doigts qui se sont échauffés, si peu lourde qu'elle soit, de l'avoir portée jusqu'ici, vous la soulevez et vous sentez vos muscles et vos tendons se dessiner non seulement dans vos phalanges, dans votre paume, votre poignet et votre bras, mais dans votre épaule aussi, dans toute la moitié du dos et dans vos vertèbres depuis votre cou jusqu'aux reins. Non, ce n'est pas seulement l'heure, à peine matinale, qui est responsable de cette faiblesse inhabituelle, c'est déjà l'âge qui cherche à vous convaincre de sa domination sur votre corps, et pourtant, vous venez seulement d'atteindre les quarante-cinq ans. Vos yeux sont mal ouverts, comme voilés de fumée légère, vos paupières sensibles et mal lubrifiées, vos tempes crispées, à la peau tendue et comme raidie en plis minces, vos cheveux, qui se clairsèment et grisonnent, insensiblement pour autrui mais non pour vous, pour Henriette et pour Cécile, ni même pour les enfants désormais, sont un peu hérissés et tout votre corps à l'intérieur de vos habits qui le gênent, le serrent et lui pèsent, est comme baigné, dans son réveil imparfait, d'une eau agitée et gazeuse pleine d'animalcules en suspension. Éditions de Minuit, 1957

« B.

L’emploie du présent.

• Insertion du lecteur a l’histoire : le lecteur «vit » la scène.

Renforcement de l’idée identification au perso.

• Abolition de la distance créée par le vous.

Transition : Cette modalité d’énonciation III.

Un incipit dramatisé.

Cet incipit est une véritable mise en scène de l’entr ée du personnage dans le roman.

A.

La dimension métaleptique de l’incipit :  En recourant ainsi au VOUS, aux verbes de mouvements et aux sensations physiques, l’auteur tend à projeter le lecteur au cœur même du récit.

• Le temps des verbes : l’auteur recourt essentiellement au passé composé et au présent pour évoquer des actions courtes :  Elles semblent se dérouler en même temps que la lecture, ce qui facilite la fusion lecteur/ personnage • le voyage, thème du roman opère comme une métaphore de l’activité du lecteur.

 Le déplacement en train appartient à l’intrigue mais il s’agit aussi du voyage du lecteur dans l’espace du récit.

 Le voyage est aussi aventure de l’écriture romanesque.

Ex : champ lexical du voyage et du train .

 un voyage romanesque d’un genre nouveau : « une échappée » pour le personnage, mais aussi une échappée pour l’auteur hors des sentiers battus du roman.

• le motif du voyage = renouvelé/ il permet aussi comme une mise en abyme de l’aventure de l’écriture et de la lecture B.

Entrée en scène d’ un antihéros, d’un personnage d’un type nouveau • Ce protagoniste n’a rien d’un héros : - « faiblesse inhabituelle » - banal, à la mesure de sa « valise assez petite » « yeux mal ouverts » - l’âge domine son corps/ opposition entre son âge et la difficulté de ses mouvements.

Il a du mal à avancer avec sa valise « si peu lourde qu’elle soit ».

Portrait d’un homme déjà vieillissant lignes 16 à 22.

- il se cache, il dissimule/ voyage clandestin « car il ne fallait pas que quelqu’un sût » • La syntaxe contribue à la construction d’un antihéros. »

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