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Modes d’expression dans Paroles de Prévert

Publié le 23/01/2020

Extrait du document

En dehors de ces trois longs textes de structure plus ou moins complexe, on note plusieurs morceaux lyriques ou méditatifs, quelques poèmes-invectives, beaucoup de chansons, de courtes histoires, des choses vues et des instantanés ; on pourrait enfin recenser un certain nombre de poèmes inventaires sur lesquels il conviendra de se pencher spécialement puisqu’ils sont à ce point caractéristiques de Prévert qu’on associe désormais comme automatiquement l’idée d’inventaire avec la poésie de Prévert.

DIVERSITÉ DES STYLES

Tout au cours de Paroles, et particulièrement dans les récits et dans les histoires. Prévert manifeste d’incontestables qualités de conteur et un esprit parfois très voltairien, et même ultra-voltairien puisqu’un titre, Les paris stupides, lui suffit pour exécuter - sommairement - Pascal. Il sait manier l’ironie à propos de l’infaillibilité papale limitée aux choses de la religion (cf. C.J.) ou des « trente mille personnes raisonnables, composées d’une âme et d’un corps » qui ont défilé « devant le monument élevé au Pigeon-Soldat » (T.D.D.). C’est avec un humour au vitriol qu’il évoque « les pianos métalliques bien stylés pour qu’on n’entende pas trop les cris des indigènes autour des plantations quand les colons facétieux essaient après dîner leur carabine à répétition » (Ibid,),

D’autre part, il use d’un burlesque démystificateur en ramenant la vie de Jésus à une « triste et banale histoire », tout à fait dénuée de mystère et agencée par Dieu le Père pour assurer de façon quasi publicitaire le lancement d’un certain nombre d’objets du culte catholique.

Cette « faculté d’aplatir » que signalait Georges Bataille à propos des associations de Prévert, elle joue à plein contre les grandes figures historiques ou contemporaines comme Louis XIV ou Napoléon, le Pape ou Mussolini. Elle consiste à les montrer dans une situation propre à l’humanité la plus commune, sur la chaise percée (cf. L'éclipse), en train de se ronger les ongles ou bouffis d’orgueil {Ibid, et dans Composition française).

JEUX ET COMBINAISONS DE SONORITÉS

© Allitérations et paronomases1

Elles ont quelquefois une valeur de pur divertissement, sonore - « la pipe au papa du papa Pie pue » (C.AJ -, étymologique - « Clamart (...) clameurs des enfants qui se marrent » (T.D.D.) - ou imitatif (d’un défaut de prononciation) -« dépêchez-vous de la dépecer » (La pêche à la baleine) -; elles peuvent aussi remplir une fonction plus poétique : « Pluie de plumes plumes de pluie... » (Les oiseaux du souci), « les sept éclats de glace de ton rire étoilé » (Le miroir brisé). L’imitation se charge parfois d’une potentialité psychologique : « Il est terrible / le petit bruit de' l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain » (La grasse matinée). Elle est révélatrice d’une personnalité : « cette atroce voix cariée, cette voix pouacre (...) nécrologique » (C.A.). Caractérisée en outre par un choix d’adjectifs rares agencés en rimes croisées, cette voix « religieuse soldatesque vermineuse néo-mauresque » est rendue avec une remarquable précision.

Dans La gloire, la suite impressionnante des mots en -ion donne une impression de catéchisme. Le nombre considérable des adverbes en -ment relève d’intentions diverses : effet facile de rime intérieure, dérision d’un tic du langage mondain - « véritablement délicieusement charmant » (T.D.D.) -, antithèse à un verbe de sens opposé -« il grince des dents doucement » (La grasse matinée), « torturés tranquillement » (Chanson dans le sang), « enfermée tendrement » (Chanson du geôlier). Entrant dans une paro-nomase, un adverbe en -ment peut en consolider l’effet : « Le monde mental / Ment / Monumentalement » (Il ne faut pas...). En tout cas, une telle abondance semble répondre à une prédilection (cf. aussi leur usage dans la déclaration d’athéisme de C.A.).

« «POUR FAIRE LE PORTRAIT D'UN OISEAU » : UN ART POÉTIQUE Le titre du poème ne doit pas tromper ni la dédicace à Elsa Henriquez : il ne s'agit pas seulem ent de peinture ou de dessin, il s'agit de toute œuvre d'art.

L'esprit.

de l'artiste doit être ouvert à la vie et à la beaut é: c'est le sens de la" porte ouverte»; il doit avoir la patience d'attendre l'inspiration dont ~l a besoin, la saisir vite quand elle vient, l'ex primer avec des couleurs ou des mot s, puis effacer tout e trace de l'effor t artistique qu'il a dû.

faire (« les barreaux ») pour donner à son œuvre l'apparence de la vie ou la vie même (que l'oiseau • chante»).

Si l'œuvre vit , il a réussi, il peut tranquillement « signer ».

DIVERSITÉ DES FORMES Étant donné l'extrême diversité des poèmes qui composent Paroles, il convient, sans revenir sur la composition du recueil, de distinguer les principales formes sous lesquelles ils se présente nt.

Trois seulement peuvent être qualifiés de longs; ils sont d'ailleurs fort différents.

Le premier, T.D.D., entre deux dénombrements (de ceux qui entrent à l'Élysée et de~ceux · pou r qui le soleil ne brille pas), présente le récit d'une récep­ tion à l'Élysée en un sty le de reportage, seu lement interrompu par le discours d'un homme (du peuple?) qui n'était pas invité .

Les Souvenfrs de f ami/le sont écrits dans un style relativement simple, mais contiennent une version désop ilan te de la vie de Jésus et un discours « assez décousu • du père, rapporté au style direct.

La crosse en l'air est sous-titrée " feuilleton », et du feuiile ton ce texte a un peu la composition à tiroirs .

Mais les aventures d'un évêque ivre s'y révèlent bientôt être les rêves d'un veilleur de nuit qui se trouve être .lui-même le personnage d'un documentaire sur « le vrai visage du Vat i"can >>auquel assiste un catholique pratiquant mal à l'aise; cependant on suit le ve.illeur de nuit au-d elà de la séquence où il apparaît et c'est lui qui s'éloigne pour finir.. »

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