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Molière déclare dans son Avertissement au lecteur, en tête de L'Amour médecin (1665) : « On sait bien que les comédies ne sont faites que pour être jouées et je ne conseille de lire celle-ci qu'aux personnes qui ont des yeux pour découvrir dans la lecture tout le jeu du théâtre. » Vous commenterez cette affirmation en montrant, à l'aide d'exemples précis, ce que la représentation d'une pièce de théâtre ajoute à sa lecture.

Publié le 18/02/2011

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amour

L'Amour médecin n'est, de l'aveu même de Molière, qu' « un simple crayon «, « un divertissement «, « fait, appris et représenté en cinq jours «, mais joué devant le Roi avec des « ornements «, des airs et des symphonies de Lulli, des ballets, dont l'agrément peut paraître plus grand que l'intérêt d'une intrigue bien mince et de personnages sans profondeur. Aussi ne sommes-nous pas surpris que Molière affirme : « On sait bien que les comédies ne sont faites que pour être jouées et je ne conseille de lire celle-ci qu'aux personnes qui ont des yeux pour découvrir dans la lecture tout le jeu du théâtre. « Mais pouvons-nous donner à cette affirmation une valeur générale? Qu'est-ce qu'ajoute le jeu du théâtre? La lecture d'une pièce ne présente-t-elle pas aussi son intérêt ?

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« prouve, non seulement par ses divertissements et comédies-ballets; une pièce comme Dom Juan, contemporaine deL'Amour médecin, est significative à cet égard.

D'abord Molière n'observe pas l'unité de lieu et chaque acte estl'occasion d'un changement de décor.

L'action se déroule successivement dans un palais en Sicile, puis au bord de lamer (II), dans une forêt où se dresse un tombeau qui s'ouvre (III, 5) et où l'on voit un superbe mausolée et lastatue du Commandeur; enfin, après un acte qui se déroule dans l'appartement de Dom Juan (IV), on se retrouvedans la campagne, aux portes de la ville.

La pièce satisfait encore le goût du public pour le spectacle dans ledénouement, par l'apparition du spectre (V, 5) qui se présente comme une femme voilée, puis figure le Temps avecsa faux à la main et s'envole lorsque Dom Juan veut le frapper.

Enfin le merveilleux intervient : le tonnerre tombeavec un grand bruit et de grands éclairs sur Dom Juan; la terre s'ouvre et l'abîme; et il sort de grands feux del'endroit où il est tombé.

Ajoutons que les jeux de lumière et la musique peuvent contribuer à créer l'atmosphère oùl'imagination procure au spectateur une part importante de son plaisir.Toutes les indications scéniques de Molière ne prennent pleinement leur sens pour nous qu'en présence d'une miseen scène réelle (même si certaines éditions nous donnent quelques photographies de mises en scènes comme cellede Jouvet à l'Athénée (19(i8), celle de la Comédie française (1951), ou celle du T.N.P.

(1953) avec Jean Vilar etDaniel Sorano). B.

L'incarnation du personnage. Beaucoup plus essentielle est l'incarnation du personnage.

Alors que pour le lecteur le personnage n'est qu'un nom,l'acteur en fait un être réel, aussitôt présent aux yeux et révélant, indépendamment des paroles qu'il prononce,parfois presque instantanément, le caractère du personnage.

Désormais, pour le spectateur, l'image du personnagerestera inséparable de celle de son interprète. a) Le personnage, c'est d'abord l'apparence physique de l'acteur, telle que l'imposent sa stature et son costume.

Cecostume peut, évidemment, avoir une signification sociale et distinguer le maître de son serviteur, le grand seigneuret le paysan.

Mais malgré la valeur réaliste que pourrait présenter le costume de Dom Juan tel que Pierrot nous ledécrit (II, 1), ou tel que le portaient Jouvet ou Vilar, il s'agit moins d'illustrer l'histoire du costume que de susciterune impression esthétique.

La couleur suffit parfois pour annoncer l'intention comique de l'auteur (cf.

l'homme « auxrubans verts » du Misanthrope, ou le béret jaune et vert que portait Sganarelle).

Le souci d'exactitude quipréoccupe Voltaire ou Talma, remplaçant le costume « à la française » des acteurs tragiques par un costume àl'antique, fait partie d'une certaine esthétique, reste un moyen plus qu'une fin.

Naturellement le rôle du costume estencore plus étroitement lié à l'action lorsqu'il s'agit d'une scène comme celle où Sganarelle apparaît déguisé enmédecin (III, 1) : n'illustre-t-elle pas l'idée que le costume crée déjà à moitié le personnage, même dans la vieréelle? b) Mais beaucoup plus grande est l'importance de la physionomie de l'acteur : qu'il porte un masque ou qu'il segrime.

Le masque antique qui donne son nom au personnage (persona), campe, en la simplifiant, son image ou sacaricature, en excluant d'ailleurs toute évolution ou toute nuance.

On sait l'importance que lui attachent Brecht etbeaucoup d'acteurs contemporains.

Si Molière y a recours dans L'Amour médecin, c'est dans le but, un peuexceptionnel, de faire reconnaître dans les médecins de sa pièce les traits du visage de ceux qu'il prenait à partie.Le visage que Molière se composait en se grimant, dans le rôle de Sganarelle, qu'il reprend si souvent (ou celui de S.Sorano, au T.N.P.), tend à faire aussitôt reconnaître en lui (par sa silhouette définitive qui en fait une sorte demarionnette), le personnage comique et nous avertit ainsi que les paroles qui sortiront de sa bouche sont destinéesà nous faire rire.

Si les jeux de physionomie échappent parfois au spectateur, ils sont pourtant une forme importantedu langage théâtral.

Diderot a rapporté combien le mime Garrick savait, par ce langage muet, exprimer desentiments variés, en un seul instant (cf.

Paradoxe sur le comédien). c) Mais l'acteur n'est pas immobile; il est toujours en situation et en mouvement, et ses attitudes, ses gestes,contribuent puissamment à éclairer les rapports des personnages ou leurs propres sentiments.

Le texte peutsuggérer parfois ces attitudes, mais la représentation en donne directement conscience.

Comment imaginerions-nous l'attitude d'Hippolyte en présence de Phèdre pendant la scène de l'aveu, ou en présence de Thésée pendant lascène de la malédiction et celle de Thésée pendant le récit de Théramène, malgré les vers où Phèdre suggère lagêne d'Hippolyte (692) et Thésée son « noble maintien » ( io35)? Un simple regard, au début de l'entretiend'Agrippine et de Néron, suffit à faire sentir comment vont se mesurer leurs volontés.

Dans la comédie, les jeux descène, les gestes, ont encore plus de place que dans la tragédie.

On ne saurait oublier les scènes de Tartufe où lefaux dévot, serrant de près Elmire, rapproche sans cesse sa chaise de celle-ci; plus encore celle où Orgon, cachésous la table, entend les déclarations adressées à sa femme; celle où il poursuit Dorine, qui échappe à ses coups ;celle enfin où, placée entre Mariane et Valère.

Dorine court de l'un à l'autre pour les réconcilier après leur dépitamoureux.

Dom Juan nous donne un exemple analogue de ce comique de symétrie, qui éclate mieux à la scène qu'àla lecture, lorsque le séducteur se trouve pris entre Charlotte et Mathurine auxquelles il a également promis de lesépouser.

Mais c'est Sganarelle qui est le plus fréquemment, dans cette pièce, l'occasion de ces jeux comiques : qu'ilreçoive le soufflet que Dom Juan destine à Pierrot, que son raisonnement philosophique (III, 1) se termine par unechute et se casse le nez, sans compter les innombrables lazzis, de l'habit purgatif (III, 5), de la joue enflée ou deslaquais subtilisant les assiettes et les verres.

Toute son attitude en présence de son maître se révèle dans ungeste, lorsque, s'exprimant librement sur sa conduite (I, 2), il bat en retraite dès que Dom Juan fait mine des'impatienter, ou lorsque celui-ci le charge de répondre, à sa place, à Elvire (I, 3).Ces scènes laissent à l'acteur le soin de nous divertir, sans qu'il puisse se méprendre sur l'intention de l'auteur.

Mais. »

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