Mon rêve familier commentaire
Publié le 25/11/2023
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«
Paul Verlaine, Mon rêve familier
Mon rêve familier
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.
Paul Verlaine, Poèmes Saturniens
MON REVE FAMILIER
Intro : Ce sonnet régulier, extrait des poèmes saturniens, trahit dans son contenu,
relativement « spleenétique »,l'influence de Baudelaire, tout en manifestant déjà une
musicalité, un jeu de répétitions, d'anaphores, et d’assonances proprement
verlainiennes Derrière l'image d'un rêve consolateur, que le poète semble poursuivre
pour tenter de le saisir, un mystère est tapi, qui ne se révèle qu'à la fin du texte :
quelle est donc cette image de rêve, et pourquoi le poète est-il si soucieux de la
saisir ?
I.
LE PREMIER TEMPS : LA RELATION
Les deux premiers quatrains semblent décrire, de manière répétitive, insistante, voire
véhémente, la relation du poète à la femme.
Dans le premier, c'est l'amour qui
semble être dominant (trois occurrences du verbe aimer), Dans le deuxième, c'est la
compréhension, le caractère consolateur de leur relation.
1.
L'AMOUR
1
Paul Verlaine, Mon rêve familier
L'amour, donc.
Amour de rêve, puisque la femme est inconnue, et c'est peut-être ce
caractère insaisissable qui fait la fascination du poète.
Amour où, semble-t-il, la
femme présente une variation, une mobilité (vers 3) qui en fait peut-être tout le prix :
amour qui ne « lasse » pas, qui ne s'use pas, puisque la figure de la femme,
miraculeusement, se renouvelle.
Tout cela serait possible si de nombreux éléments ne venaient contredire ce
caractère « heureux » :
- le rythme houleux, constamment ternaire, qui semble traduire une instabilité
- - les assonances plaintives en « en » et en « ê » (typique de I’élégie),
- les épithètes « étrange » et « pénétrant », qui contredisent le titre, et qui
semblent traduire une incertitude du poète, voire un malaise
- la contradiction interne du vers 3 : « ni tout à fait la même », « ni tout à fait une
autre » sont, du fait de la locution adverbiale « tout à fait », manifestement
contradictoires : n'est-ce pas le signe évident d'un évident mensonge ?
Mensonge que le poète se fait â lui-même, et qui explique l'insistance du verbe «
aimer» : c'est à se persuader que cherche le poète, pris au piège d'une fascination
qu'il veut associer à de l’amour, tout en étant retenu par une incertitude qui, dans ses
mots, le font se trahir.
2.
LA COMPREHENSION
Dans la bascule de l'amour à la compréhension, on a semble-t-il comme un aveu : le
redoublement annoncé par la conjonction « car » donne une valeur rhétorique
intensive, voire justificative, à cette répétition : au moins, elle me comprend… même
si elle ne m'aime pas, semble dire te poète, Mais à nouveau, le trouble s'impose :
l'assonance reste la même, et l'expression de la souffrance semble dominante : «
blême », « moiteurs.
», « pleurant »...
Le poète veut affirmer ici que le lien avec la femme aimée est celui d'une
compréhension parfaite, qui se révèle donc consolatrice pour le poète.
Soit ; elle «
rafraîchit » le poète fiévreux, et, s'il lâche « hélas », c'est qu'il manque d'une telle
présence dans la vie réelle.
Mais est-ce bien le moment de référer à cette vie de
veille ? L'interjection « hélas », encore une fois, n'est-elle pas un signe
d'insatisfaction manifesté à propos du contenu même du discours ?
Les derniers mots font tomber....
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