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Musique et rythmes : les principes fondateurs de la poétique de Senghor

Publié le 14/08/2014

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Pour Senghor, la poésie ne peut s'authentifier que par le rythme, qui seul « provoque le court-circuit poétique et transmue le cuivre en or, la parole en verbe « (Postface, p. 160). Définir les modalités rythmiques et musi­cales des poèmes d' Éthiopiques, c'est donc rendre compte de la spécificité de la poétique senghorienne.

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« E X P 0 S É S F C H E S chaque verset.

[ ...

] Après, j'emploie régulièrement un nombre pair de syllabes, mais, pour obtenir un certain effet, j'emploie, plus rarement, un nombre impair» (lettre à R.

Tillot, 1971 ).

Les effets de rythme Senghor donne ici la définition du« parallélisme asymétrique» emblématique de la parole et du chant nègres, puisque « le rythme négro-africain est fait de répé­ titions qui ne se répètent pas» (conférence, 1987).

C'est ainsi que le même mot, la même expression ou la même proposition peuvent être repris (à l'intérieur du ver­ set, ou d'un verset à l'autre), avec de légères modifications.

Ces unités repérables portent alors un accent d'intensité qui crée un rythme fondé sur l'alternance 2/1.

Caractérisée par la syncope et le contrepoint, cette rythmique reproduit celle du tam-tam et s'accorde au plus près au souffle du poète-chanteur.

Cette rythmique du parallélisme et du décalage structure tout le recueil Éthio­ piques.

Elle trouve une illustration particulièrement nette dans le poème« L'ab­ sente » (Il) : «Ma gloire n'est pas sur la stèle, ma gloire n'est pas sur la pierre Ma gloire est de chanter le charme de l' Absente Ma gloire de charmer le charme del' Absente, ma gloire Est de chanter la mousse et l'élyme* des sables La poussière des vagues et le ventre des mouettes, la lumière sur les collines Toutes choses vaines sous le van, toutes choses vaines dans le vent et l'odeur des charniers Toutes choses frêles dans la lumière des armes, toutes choses très belles dans la splendeur des armes Ma gloire est de chanter la beauté de I' Absente » (pp.

110-111 ).

Les huit versets reposent sur une matrice syntaxique et thématique qui leur donne une cohérence: «ma gloire n'est pas/ma gloire est».

Le parallélisme asy­ métrique s'y observe dans la variation entre la tournure affirmative et la tournure négative, ainsi que dans l'ellipse du troisième verset.

Par ailleurs, cette asymétrie est accentuée par la paronomase* de« chanter/charmer», sous l'accent tonique.

Enfin, ce premier réseau de répétitions en croise un autre: celui de l'énumération qui emplit les versets 5 et 6.

Le cinquième verset est ainsi composé de deux unités de neuf syllabes, dont l'homophonie parfaite n'est rompue que par le monosyllabe « dans », substitué à « sous » pour créer le contrepoint.

La dernière unité de ce ver­ set, composée de six syllabes seulement, achève de créer cet effet de décalage et de variation dans la répétition.

Le verset tel que Senghor l'emploie favorise donc la variété et la liberté en ce qui concerne le choix des coupes et la répartition des accents : les rythmes asymé­ triques les plus heurtés conviennent aux moments de la quête, des épreuves et des souffrances liées à l'absence.

À l'inverse, le verset peut se faire alexandrin pour dire la confiance du poète : «Je sais qu'elle viendrai/la Très Bonne Nouvelle » (p.

113).

Conclusion : La répétition dans la variation, les contrepoints et les effets de cadence constituent donc la matière poétique de Senghor et aussi, peut-être, celle de la négritude : « Que meure le poème se désintègre la syntaxe, que s'abîment tous les mots qui ne sont pas essentiels.

Le poids du rythme suffit, pas besoin de mots-ciment pour bâtir sur le roc la cité de demain » ( « Élégie des circoncis » ).. »

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