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NARCISSE PARLE de VALERY

Publié le 06/04/2011

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Cette page, non seulement révèle une parfaite identité de vues entre le Maître et le disciple, mais encore souligne l'importance du poème Narcisse parle à l'intérieur de l'Album. Sans doute, il serait injuste de dédaigner des pièces comme Hélène, ou Naissance de Vénus, dans lesquelles Valéry rivalise en beauté impersonnelle et plastique avec José-Maria de Heredia et Pierre Louys, mais ces poèmes sont plutôt une survivance du passé qu'une promesse d'avenir. Au contraire, l'image de Narcisse ne cessera de vivre avec Paul Valéry : le premier Narcisse voit le jour dans La Conque, en mars 1891, le second prend place en 1922 dans Charmes sous la forme d'un vaste poème en trois parties : Fragments du Narcisse. Le troisième Narcisse, tout distinct et tout différent, est un drame musical en 7 scènes et à 6 personnages, composé en 1938. Si la vision du Faune pourchassant les nymphes a hanté Mallarmé toute son existence, la fontaine de Narcisse a toujours reflété les traits de Paul Valéry. Ce thème, a dit Valéry lui-même, est une sorte d'autobiographie.   

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« La conclusion de l'églogue, comme celle de l'Après-midi d'un faune, est donc optimiste : la poésie avec ses mélodies,ses correspondances, ses artifices savants, son langage secret, détourne Narcisse de l'action et de la passion; ellefait de lui un être à part, qui méprise le matérialisme de son époque et trouve, provisoirement, l'expression de sonMoi dans la symphonie que constitue un poème. Des divers commentaires suscités par Narcisse parle, le plus curieux est celui que le poète a donné au cours de laconférence citée plus haut.

Examinant la pièce avec un recul de cinquante ans, il en souligne avec objectivité lestraits distinctifs, dans lesquels il retrouve les rêves et les artifices de ses vingt ans, toute la ferveur poétique quianimait les jeunes écrivains symbolistes.

A propos du vers : Je languis, ô saphir, par ma triste beauté! il note avec humour : A cette époque, les poètes disposaient volontiers de tous les trésors du langage deslapidaires.

Ils dispensaient les pierreries dont ils croyaient enrichir leurs ouvrages.

Depuis, la poésie a connu lesrestrictions, nous sommes devenus plus simples, plus pauvres...

Le qualificatif étrange appliqué à la rose : lafunérale rose s'explique aussi par le goût de l'époque pour les adjectifs rares : Nous usions volontiers d'unvocabulaire incertain, toujours recherché.

Le vieux poète ne renie pas cette préciosité juvénile; tout au contraire, illa justifie par cette raison digne de nos Classiques : N'en concluez rien contre nous.

J'estime que si la simplicité estchose des plus désirables, ce n'est pas par elle qu'il faut commencer, c'est à elle qu'il faut tendre.

Il faut apprendrepar expérience que la nullité apparente du langage coûte beaucoup plus cher que tous ces ornements...

Laconclusion se devine : Narcisse parle représente l'idéal poétique de Paul Valéry avant la crise de conscience qui lefit rompre avec les illusions de l'imagination : Narcisse me paraît aujourd'hui un spécimen de ce que j'auraisprobablement fait en matière de poésie si j'avais continué à la pratiquer au lieu de m'en écarter. Si Pierre Louys fait un accueil enthousiaste à Narcisse parle, André Gide, qui partage avec lui l'amitié de Valéry, se montre plus réservé, les critiques alternant avec leslouanges : « Il me faut vous avouer, écrit-il le Ier mars 1891, que je ne l'aime pas sans restrictions comme certainesautres de vos pièces, peut-être parce qu'un tel sujet traité par vous promettait de plus lentes délices et quecertains vers exquis rappelaient ces promesses et faisaient déplorer leur esseulement dans cette pièce : J'entends les herbes d'or grandir dans l'ombre sainteSi la fontaine claire est par la nuit éteinteMes lentes mains dans l'or adorable se lassent — et bien d'autres — et surtout le quatrain Adieu ! reflet perdu sous l'onde calme et close.Narcisse, l'heure ultime est un tendre parfumAu cœur suave.

Effeuille aux mânes du défuntSur ce glauque tombeau la funérale rose. Cela est parfait : il me plaît de les écrire encore, et la perfection de ceux-ci m'encourage aux critiques adjacentes : Ainsi, dans les roseaux harmonieux jeté sent un peu trop Hérodiade au miroir — soit dit en passant.

— En général, ilme semble dans cette longue pièce que les vers sont un peu faits un à un et non point comme il siérait : quatre parquatre...

Le désir d'une perfection plastique et sonore, toujours plus grand, amène à ciseler chaque versspécialement et nuit à l'ondulement de la période entière : c'est par des défauts et des qualités opposés que despoètes comme Lamartine ou Corneille dans l'Imitation arrivaient avec des vers inanes et flous à remplir une strophede 4 ou 6 alexandrins, d'un souffle parfaitement égal d'intensité et d'harmonie.

Ça ne voulait rien dire et chaque versétait séparément incitable, mais en bloc, ça prenait un balancement superbe, parfois...» — André Gide reprochaitdonc au poème d'être inégal, de manquer de mouvement d'ensemble et d'« unité d'éclairage », ce qui nous paraîtbien sévère.

Aujourd'hui, nous serions tentés au contraire d'appliquer ces critiques aux autres pièces de l'Album etde louer la spontanéité et l'unité de Narcisse. L'imitation de Mallarmé ne se manifeste pas seulement dans Valvins et Narcisse parle, mais presque dans tous lespoèmes; elle se reconnaît par l'art de suggérer plutôt que de décrire, par la musicalité résultant non pas du mot,mais du rapprochement insolite des mots et d'une disposition des phrases dirigée par la mélodie plus que par le sens,par l'emploi renouvelé des Anciens de toutes les figures de rhétorique : personnifications, passage de l'abstrait auconcret, usage de l'adjectif pour l'adverbe, chiasmes, métonymies, etc...

Ajoutons des anglicismes, le retour ausens étymologique, et nombre d'expressions particulières du Maître.

N'est-ce pas pour lui rendre hommagequ'apparaît l'azur dans huit poèmes sous son double aspect de couleur et de symbole? L'azur, désir d'évasion,d'absolu, de perfection ! Dès le premier poème, l'azur, comme un cri de ralliement, affirme l'appartenance à l'écolesymboliste : Lasse, ayant bu l'azur, de filer la câline Chevelure...

(La Fileuse) Il accompagne naturellement l'évocation d'Hélène, réconciliant ainsi Parnasse et Symbolisme : Azur ! c'est moi...

Je viens des grottes de la mort Entendre l'onde se rompre aux degrés sonores.... »

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