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Objet d’étude : L’autobiographie.

Publié le 18/01/2020

Extrait du document

 CORPUS 

TEXTE A. Nathalie Sarraute, Enfance, 1983.

TEXTE B. Marguerite Duras, L'Amant de la Chine du Nord, 1991.

TEXTE C. Charles Juliet, Lambeaux, 1995.

, TEXTE D. Sophie Calle, « Le portrait », Des histoires vraies + dix, 2002.

ÉCRITURE

I. Après avoir lu tous les textes du corpus, vous répondrez à la question suivante.

Question (4 points)

Dans les quatre textes du corpus, chaque auteur parle de lui-même. Analysez l’énonciation de chacun des extraits en commentant l’intérêt des choix opérés.

II, Vous traiterez ensuite, au choix, l’un des sujets suivants.

1. Commentaire (16 points)

Vous commenterez le texte de Marguerite Duras à partir de : « Elle descend dans les coursives » (ligne 20) jusqu’à la fin.

2. Dissertation (16 points)

Le souci de vérité dans l’écriture autobiographique interdit-il mise en scène, détour, masques littéraires ?

3. Invention (16 points)

L’éditeur de Sophie Calle a été intrigué par la présence du tableau flamand dans son autobiographie. Dans une lettre, elle lui répond pour en justifier la nécessité. Vous rédigerez cette lettre.

Les paratextes

Les textes sont accompagnés de quelques notes et, pour deux d'entre eux, d'un chapeau introducteur.

Les notes qui accompagnent les textes A et B sont des notes lexicales qui facilitent la lecture littérale des extraits. Par ailleurs, les passages retenus ne présentent pas de difficulté de lecture pour un élève de Première disposant d'un vocabulaire satisfaisant.

Le chapeau introducteur qui accompagne la page de Marguerite Duras permet de situer le passage dans le contexte de l'œuvre et de donner son sens à l'avant-dernière phrase du texte : « Elle la retrouve cette fois encore endormie dans ce sommeil d'immigrée à la recherche d'une terre d'asile. » Les expressions « enfance » et « adolescence » éclairent le substantif « enfant » employé à plusieurs reprises bien qu'il soit question d'un « amour avec le Chinois de Cholen ». L'« enfant » du texte est donc plus une adolescente qu'une petite fille mais l'on veillera à bien conserver l'idée de grande jeunesse exprimée par le mot choisi.

La brève introduction explicative qui accompagne le passage de Sophie Calle mérite aussi toute votre attention. La première information concernant l'année de naissance (1953) évite un contresens sur la première phrase du texte : « J'ai neuf ans. » Le présent employé n'est pas un présent de l'énonciation mais plutôt un présent de narration.

On peut s'étonner peut-être de voir que certaines informations n'ont pas été données aux candidats. En effet, rien ne vient indiquer que Enfance est une œuvre autobiographique dont la principale originalité tient à la résonance de deux voix qui s'interrogent mutuellement. Évidemment, les élèves, sans doute très nombreux, qui auront lu Enfance ou au moins un extrait répondront plus aisément à la question concernant l'énonciation. On ne saurait donc insister suffisamment sur la nécessité de se constituer une culture en lisant des ouvrages ou des extraits variés. Vos professeurs et vos manuels vous y invitent. Et cette remarque n'est pas, bien évidemment, réservée à l'objet d'étude que constitue l'autobiographie !

Pour le texte B, savoir que L'Amant de la Chine du Nord est une seconde version de l'œuvre plus connue L'Amant est un atout intéressant, surtout si l'on sait également que pour Marguerite Duras la vérité autobiographique passe nécessairement par le détour de la fiction. Mais il va de soi que les candidats ne sont pas censés savoir cela. C'est la lecture et l'analyse du texte qui peut les conduire à formuler des hypothèses en ce sens.

La problématique du corpus

Les années de parution (entre 1983 et 2002) des œuvres dont sont extraits les quatre textes inscrivent la problématique du corpus dans la perspective d'un renouvellement du genre autobiographique. Les auteurs parlent d'eux-mêmes d'une manière originale qui s'écarte délibérément du modèle initial que peuvent constituer Les Confessions de Rousseau. Les travaux d'écriture, qu'il s'agisse de la question ou des sujets, mettent en avant cette problématique. La question met l'accent sur les différents choix opérés quant à l'énonciation. L'invention souligne l'originalité de la démarche de Sophie Calle mêlant texte et image. La dissertation élargit la question du renouvellement des formes en la liant à l'enjeu premier

Une petite conclusion vient souligner les choix originaux des auteurs en les rattachant aux enjeux de l'écriture autobiographique.

Le corpus réunit les extraits de quatre œuvres autobiographiques contemporaines : une page d’Enfance de Nathalie Sarraute publiée en 1983, un passage de L’Amant de la Chine du Nord de Marguerite Duras paru en 1991, un extrait de Lambeaux (1995) de Charles Juliet et, datant de 2002, « Le portrait » de Sophie Calle tiré de Des Histoires vraies + dix, une œuvre dans laquelle l’artiste associe image et écriture. Chacun de ces auteurs parle de lui et nous allons montrer comment l’énonciation de chacune de ces pages contribue à renouveler l’écriture de soi.

Nathalie Sarraute choisit de donner à son autobiographie Enfance la forme d’un dialogue intérieur entre deux voix qui, en se contredisant, conduisent l’introspection vers une vérité plus grande encore. Le « je » qui ouvre l’extrait devient un peu plus loin un « tu » (« pour une fois que tu as cette chance de posséder, toi aussi... ») et les tirets matérialisent cet échange intérieur. Une des deux voix emploie la première personne alors que l’autre n’utilise que la deuxième personne, de sorte que le lecteur comprenne bien que l’unique objet du récit et de l’analyse est bien un seul et même « je ». A deux reprises (« mais après tout », « mais ils n’étaient pas faits pour moi ») la conjonction de coordination « mais » exprime cette tension entre les deux voix, tension qui donne tout son sens à la quête de 1’ « enfance ». Le présent de narration, que l’on retrouve aussi dans les autres textes du corpus, rend l’événement raconté plus proche de l’auteur et contribue à nouer un lien entre le « je » personnage et le « je » narrateur. Au début du texte, le récit introduit, avec « les objurgations de maman », une seconde situation d’énonciation ; la scène a lieu quand l’auteur est enfant, sur le chemin de Kamenetz Podolsk, le locuteur est la mère de la narratrice (« Arrête-toi maintenant ») et le destinataire est l’enfant plongée dans son livre de la bibliothèque rose. Les deux niveaux d’énonciation emboîtés nous rappellent que le « je » est à la fois narrateur et personnage et que l’autobiographie est récit et analyse. Le choix original des deux voix, celle qui dit « je » et celle qui dit « tu », nous montre que l’autobiographie est pour Nathalie Sarraute davantage la quête d’une vérité par l’écriture que la transcription d’une réalité préexistante.

Seul le chapeau introducteur nous permet de savoir que le personnage désigné dans le texte de Marguerite Duras comme « l’enfant » est en réalité l’auteur elle-même. On ne relève dans ce texte aucun indice personnel de l’énonciation, et le récit progresse comme coupé de la situation d’énonciation bien qu’il s’agisse d’un récit autobiographique. Ce choix original de la troisième personne pour parler de soi montre une volonté d’accentuer la distance qui existe inévitablement entre l’auteur (une femme âgée de 77 ans) et son personnage (une toute jeune fille). Mais le fait que le lecteur soit amené à lire cette page comme il lirait un roman laisse à entendre que Marguerite Duras choisit le détour de la mise en scène littéraire pour parler d’elle-même. C’est peut-être en se travestissant (un « elle » au lieu d’un « je ») que l’auteur pense exprimer au mieux la vérité de son adolescence. Comme Nathalie Sarraute, Marguerite Duras a recours au présent de narration qui étouffe la distance creusée entre la jeune fille et la femme âgée. Le choix de la troisième personne et le jeu des temps (le présent, un passé composé

« Sujets du bac 2007 TEXTE A Nathalie Sarraute (1900-1999), Enfance, 1983, Gallimard.

Je suis assise près de maman dans une voiture fermée tirée par un cheval, nous cahotons sur une route poussiéreuse.

Je tiens le plus près possible de la fenêtre un livre de la bibliothèque rose, j'essaie de lire malgré les secousses, malgré les objurgations 1 de maman: «Arrête-toi maintenant, ça suffit, tu t'abîmes les 5 yeux ...

» La ville où nous nous rendons porte le nom de Kamenetz Podolsk.

Nous y passerons lété chez mon oncle Gricha Chatounovski, celui des frères de maman qui est avocat.

Ce vers quoi nous allons, ce qui m'attend là-bas, possède toutes les qualités qui 10 font de« beaux souvenirs d'enfance» ...

de ceux que leurs possesseurs exhibent d'ordinaire avec une certaine nuance de fierté.

Et comment ne pas s'enorgueillir d'avoir eu des parents qui ont pris soin de fabriquer pour vous, de vous préparer de ces souvenirs en tout point conformes aux modèles les plus appréciés, les mieux cotés? J'avoue que j'hésite un peu ...

15 -Ça se comprend ...

une beauté si conforme aux modèles ...

Mais après tout, pour une fois que tu as cette chance de posséder, toi aussi, de ces souvenirs, laisse-toi aller un peu, tant pis, c'est si tentant.

..

-Mais ils n'étaient pas faits pour moi, ils m'étaient juste prêtés, je n'ai pu en goûter que des parcelles ...

20 -C'est peut-être ce qui les a rendus plus intenses ...

Pas d'affadissement possible.

Aucune accoutumance ...

-Oh pour ça non.

Tout a conservé son exquise perfection : la vaste maison familiale pleine de recoins, de petits escaliers ...

la« salle», comme on les appe­ lait dans les maisons de la vieille Russie, avec un grand piano à queue, des glaces 25 partout, des parquets luisants, et tout le long des murs des chaises couvertes de housses blanches ...

La longue table de la salle à manger où à chacun des bouts sont assis, se faisant face, se parlant de loin, se souriant, le père et la mère, entre leurs quatre enfants, deux garçons et deux filles ...

1.

objurgations: paroles pressantes par lesquelles on essaie de dissuader une personne.

80. »

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