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On lit dans les Poésies complètes de Théophile Gautier ces vers connus sur le moyen âge

Publié le 15/02/2012

Extrait du document

gautier

Quand je vais poursuivant mes courses poétiques,

Je m'arrête surtout aux vieux châteaux gothiques.

J'aime leurs toits d'ardoise, aux reflets bleus et· gris,

Aux faites couronnés d'arbustes rabougris,

Leurs pignons anguleux, leurs tourelles aiguës,

Dans les réseaux de plomb leurs vitres exiguës,

Légendes du vieux temps où les preux et les saints

Se groupent dans l'ogive en fantasques dessins.

Leurs ponts-levis tremblants, leurs portails blasonnés,

De monstres, de griffons bizarrement ornés;

Leurs larges escaliers aux marches colossales,

Leurs corridors sans fin et leurs immenses salles,

Où comme une voix faible erre et gémit le vent,

Où recueilli dans moi, je m'égare en rêvant,

Paré de souvenirs, d'amour et de féerie,

Le brillant moyen âge et la chevalerie.

Cet amour pour le moyen âge se retrouve souvent chez les pré-romantiques et surtout chez les romantiques. Pourriez-vous citer dans le roman, le théâtre, l'histoire, la poésie lyrique et la poésie épique du xixe siècle, des oeuvres importantes inspirées par le moyen âge?

Donnez une idée de ces oeuvres. Depuis quand et pour quelles causes le moyen âge est-il devenu une source d'inspiration pour les écrivains ?

Jusqu'à quel point la peinture qu'ils en ont faite est-elle exacte ?

En quoi ce retour vers le passe a-t-il été utile à la Littérature et aux arts ?

gautier

« encore, it a une histoire magnifique, avec des hommes prestigieux : Char- lemagne, Saint Bernard, Saint Louis, Bayard, ou des choses uniques : la Chevalerie, les Croisades, le salut de la France par Jeanne d'Arc.

Il a une architecture admirable, née de son sol et qui s'y epanouit en merveilleux chefs -d'oeuvre.

Suede, Angleterre, Hongrie, Italie, l'Europe en- Here, l'empruntent a nos batisseurs; et partout se repand cet art ogival qu'un parchemin allemand du mu' siècle appelle sans detour opus francigenum, neuvre francaise.

En architecture, a-t-on dit, la France a etc la Grece des temps modernes.

Basiliques aux volites elancees qui se rejoignent comme des mains en priere, cathedrales qu'aucun kat moderne ne pourrait clever si nombreuses, y consacrat-il, chaque armee, des milliards, vitraux dont le coloris n'a pu etre &gale; chateaux forts et beffrois redoutables et elegants; miniatures exquises.

ornant les manuscrits...

quelle splendeur artistique &core ces siecles lointains! A n'en pas douter, les Francais garderont jalousement cet incomparable heritage, en defendront la moindre parcelle.

Erreur.

Des les premieres an- nees du xvie siècle, a peine connues les oeuvres de l'art grec et romain, Hs se passionnent pour l'art et in poesie des nations qui n'avaient pas leurs idees ni leur foi.

Et brusquement, Hs oublient leur propre histoire, leur propre epopee.

Ne pourraient-ils done pas aimer a la fois les chefs -d'oeuvre anciens et leur art national? Oui certes, mais par un bizarre aveuglement, Hs s'eprennent de la seule Eneide, au point d'oublier Roland; Hs admirent les ruines grecques, au point de rougir de leurs cathedrales.

Les Italiens et leur peintre Vasari jettent a notre architecture medievale l'epithete dedai- gneuse de t gothique 3, et pretendent reveiller chez nous le bon gout en- dormi durant l'absurde moyen age. Et l'on en vient A le prendre pour une époque de tenebres dont l'histoire ne merite pas plus d'être etudiee que Phistoire des loups; et des esprits, tres sages par ailleurs, condamnent en bloc son art et sa 'literature.

Aux yeux de Boileau, rien ne vaut, en ces < siecles grossiers 2, qui abhorraient le theatre lui-meme.

Art et guides, tout est dans les Champs-Elysees s, declare La Fontaine. Voltaire rencherit sus la a grossierete gothique 10.

Comment etit-i1 admire des siecles si chretiens? a C'est un bien plat prejuge, dit-il, de pretendre que in France alt etc quelque chose depuis Raoul et Eudes, jusqu'a in personne de Henri IV et au grand siècle de Louis XIV.

» (A Mme Du Deffand, octobre 1759), Et nul Francais ne proteste : gothique et barbare sont decidement syno- nymes.

Notre 'literature, durant trois siecles, semble refleter une societe idolatre, tant on &lie l'inspiration nationale et chretienne.

La t mignar- disc >> du xvine siecle semble honteuse de nos vieux chefs -d'oeuvre.

« Au moyen Age, avoue-t-on, les Francais furent de vrais barbares, Hs ne surent que corrompre l'architecture romaine et ensuite la remplacer par un sys- teme digne des Goths...

Et si depuis Louis XIV, nous construisons avec gofit, nous le devons A Pantiquite classique dont nous imitons avec plus de rigueur les immortels ouvrages.7? Si encore l'on se bornait aux paroles! mais les architectes completant les devastations des vandales huguenots, s'acharnent A « degothiser 2, nos monuments : Soufflot mutile Notre-Dame de Paris; ailleurs on emmaillote de platre les elegants faisceaux de colonnettes afin d'avoir un gros pilier bien rond.

Les paysans de Lambour en Bretagne, s'etant revoltes contre Pimp& du papier timbre, on les en punit en detruisant la fleche dentelee de leur eglise. Cette injustice, cette ingratitude durent jusqu'a l'aurore du xix° siècle. Alors se produit une seconde Renaissance, inverse de l'autre, et la rehabi- litation du moyen age est brillante et complete.

Qui en est l'initiateur? Chateaubriand...

« Gofit du moyen Age, du gothique, poesie et genie de l'his- toire...

Chateaubriand donna l'impulsion a ces trains d'idees modernes. (Sainte-Beuve). Enfin, dirons-nous aussi, Chateaubriand vint, u et restaura la cathedrale gothique 2.

(Th.

Gautier).

Mais pour changer les gouts esthetiques et 'lite- rakes d'un peuple, it importait de changer ses idees, sa mentalite.

Il fallait encore, il a une histoire magnifique, avec des hommes prestigieux : Char­ lemagne, Saint Bernard, Saint Louis, Bayard, ou des choses uniques : la Chevalerie, les Croisades, le salut de la France par Jeanne d'Arc.

II a une architecture admirable, née de son sol et qui s'y épanouit en merveilleux chefs-d'œuvre.

Suède, Angleterre, Hongrie, Italie, l'Europe en­ tière, l'empruntent à nos bâtisseurs; et partout se répand cet art ogival qu'un parchemin allemand du x1n• siècle appelle sans détour opus francigenum, l'œuvre française.

En architecture, a-t-on dit, la France a été la Grèce des temps modernes.

Basiliques aux voûtes élancées qui se rejoignent comme des niains èn prière, cathédrales qu'aucun état moderne ne pourrait élever si nombreuses, y consacrât-il, chaque année, des milliards, vitraux dont le coloris n'a pu être égalé; châteaux forts et beffrois redoutables et élégants; miniatures exquises.

ornant les manuscrits...

quelle splendeur artistique décore ces siècles lointains! A n'en pas douter, les Français garderont jalousement cet incomparable héritage, en défendront la moindre parcelle.

Erreur.

Dès les premières an­ nées du xvi• siècle, à peine connues les œuvres de l'art grec et romain, ils se passionnent pour l'art et la poésie des nations qui n'avaient pas leurs idées ni leur foi.

Et brusquement, ils oublient leur propre histoire, leur propre épopée.

Ne pourraient-ils donc pas aimer à la fois les chefs-d'œuvre anciens et 1eur art national'! Oui certes, mais par un bizarre aveuglement, ils s'éprennent de la seule Enéide, au point d'oublier Roland; ils admirent les ruines grecques, au point de rougir de leurs cathédrales.

Les Italiens et leur peintre Vasari jettent à notre architecture médiévale l'épithète dédai­ gneuse de « gothique » et prétendent réveiller chez nous le bon goût en­ dormi durant l'absurde moyen âge.

Et l'on en vient à le prendre pour une époque de ténèbres dont l'histoire ne mérite pas plus d'être étudiée que l'histoire des loups; et des esprits, très sages par ailleurs, condamnent en bloc son art et sa littérature.

Aux yeux de Boileau, rien ne vaut, en ces « siècles grossiers » qui abhorraient le théâtre lui-même.

«Art et guides, tout est dans les Champs-Elysées », déclare La Fontaine.

Voltaire renchérit sur la «grossièreté gothique».

Comment eût-il admiré des siècles si chrétiens? «C'est un bien plat préjugé, dit-il, de prétendre que la France ait été quelque chose depuis Raoul et Eudes, jusqu'à la personne de Henri IV et au grand siècle de Louis XIV.

» (A Mme Du Deffand, octobre 1759).

Et nul Français ne proteste : gothique et barbare sont décidément syno­ nymes.

Notre littérature, durant trois siècles, semble refléter une société idolâtre, tant on évite l'inspiration nationale et chrétienne.

La « mignar­ dise » du xvxn• siècle semble honteuse de nos vieux chefs-d'œuvre.

« Au moyen âge, avoue~t-on, les Français furent de vrais barbares, ils ne surent que corrompre l'architecture romaine et ensuite la remplacer par un sys­ tème digne des Goths ...

Et si depuis Louis XIV, nous construisons avec goût, nous le devons à l'antiquité classique dont nous imitons avec plus de rigueur les immortels ouvrages.

» Si encore l'on se bornait aux paroles! mais les architectes complétant les dévastations des vandales huguenots, s'acharnent à « dégothiser » nos monuments : Soufflot mutile Notre-Dame de Paris; ailleurs on emmaillote de plâtre les élégants faisceaux de colonnettes afin d'avoir un gros pilier bien rorid.

Les paysans de Lambour en Bretagne, s'étant révoltés contre l'impôt du papier timbré, on les en punit en détruisant la flèche dentelée de leur église.

Cette injustice, cette ingratitude durent jusqu'à l'aurore du xix• siècle.

Alors se produit une seconde Renaissance, mverse de l'autre, et la réhabi­ litation· du moyen âge est brillante et complète.

Qui en est l'initiateur? Chateaubriand .... »

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