PASCAL Blaise
Publié le 28/11/2018
Extrait du document


«
tés
antagonistes que Pascal doit sa remarquable mobilité
stylistique.
Elles s'équilibrent enfin dans un discours
qu'on nomme à juste titre« classique ».
La multiplicité des dons et des intérêts fait de Pascal
le plus brillant des autodidactes.
S'il aborde un pro
blème, c'est presque toujours en amateur, en dilettante.
Mais dans tous les domaines il se présente soit comme un
initiateur ouvrant de nouvelles perspectives, soit comme
celui qui épuise un sujet.
Cette universalité fut cependant
aussi un facteur de dissipation.
Sollicité sans cesse par
autre chose, Pascal n'eut guère le temps de parfaire ses
ouvrages ou de s'occuper de leur publication.
A sa mort,
il laissait très peu d'œuvres imprimées, mais une masse
d'ébauches ou de fragments plus ou moins développés,
dont un grand nombre s'est perdu.
Un personnage énigmatique
Alors que la vie de Blaise Pascal nous est relativement
bien connue, sa personne reste un mystère.
Pascal est-il
ce missionnaire qui, ayant à peine « goûté à la religion »
à l'âge de vingt-trois ans, entreprend la conversion de sa
famille et poursuit avec un acharnement peu commun
l'« hérésie» d'un Jacques Forton? Ou est-il ce critique
lucide qui, dans De l'esprit géométrique, analyse les
fondements de l'art de raisonner? Est-il cet esprit
orgueilleux qui aime à confondre ses adversaires : les
molinistes, ou ce jésuite de Montferrand qui avait osé
contester sa contribution personnelle aux recherches
concernant le vide (Lettres à M.
de Ribeyre, 1651)? Est-il
cette âme charitable qui loge chez lui une famille d'indi
gents et léguera la moitié de sa fortune aux pauvres, cet
ami fidèle, ce directeur de conscience désintéressé que
connurent le duc de Roannez et sa sœur Charlotte (Let
tres à M11' de Roannez, 1656)? Est-il un esprit mondain,
causeur désireux de s'imposer, ou est-il ce «grand
mathématicien qui ne savait que cela [ ...
], qui n'avait ni
goût ni sentiment », dont le chevalier de Méré parle dans
De l'esprit?
Il y là trop de visages pour qu'on puisse aisément se
décider.
Pascal lui-même semble avoir eu conscience de
cette diversité lorsqu'il choisit ses pseudonymes : AMOS
DETI'ONVILLE pour certains ouvrages de mathématiques;
L OU IS DE MONTALTE pour les Provinciales, SALOMON DE
TULTIE pour les Pensées - pseudonymes qui sont des
variantes d'une unité jalousement gardée secrète.
Car le
seul document vraiment personnel, le Mémorial -
témoin d'une expérience mystique-, restera soigneuse
ment caché dans la doublure de son vêtement.
Et l'écri
vain refusera toujours de parler de lui-même.
Le« moi >>,
glorifié par Je théâtre cornélien et par la métaphysique
cartésienne, lui semble négligeable, même «haïssable»
(Pensées, 597).
Et ce qu'il reproche à Montaigne, son
auteur préféré, c'est « le sot projet qu'il a de se peindre >>
(780), c'est« qu'il faisait trop d'histoires et qu'il parlait
trop de soi» (649).
Très nombreux -et contradictoires -apparaissent
les portraits faits par des tiers; le plus important est celui
de sa sœur, Gilberte Périer, qui trace l'image d'un frère
charitable, ascète et dévot à frôler la sainteté.
Excès
d'admiration et de bigoterie ou souci de défendre son
frère contre des portraits plus mondains et plus anecdoti
ques tels que les firent Tallemant des Réaux (Histo
riettes, 1657) et Marguerite Périer, fille de Gilberte? De
même que son œuvre, la personne de Pascal exerce une
séduction qui provoque des jugements excessifs et tou
jours passionnés.
Rares sont en effet les pascaliens, anti
pascaliens et pascalisants qui n'aient pas cédé à la tenta
tion de 1' hagiographie ou de la détraction.
Il serait vain de vouloir retrouver Je vrai visage de
Pascal.
Il faut plutôt reconnaître en lui un auteur qui,
consciemment, a voulu s'effacer derrière son œuvre.
Entièrement
consacré à sa tâche et en même temps sou
cieux des exigences et objections du destïnataire de ses
écrits, il nous apparaît nécessairement comme un pen
seur contradictoire.
Et ses changements, tous provisoires
et relatifs, correspondent à des attitudes adoptées par un
écrivain dans Je propos de faire accepter ce qu'il juge
être la vérité: «S'il se vante, je l'abaisse.
S'il s'abaisse,
je le vante, et le contredis toujours jusqu'à ce qu'il com
prenne qu'il est un monstre incompréhensible » (1.30).
Enfant prodige ou élève modèle?
On ne saurait assez insister sur !'influence exercée par
la famille et surtout par le père, Etienne.
Appartenant à
la haute bourgeoisie, dans laquelle se recrutait 1' élite
intellectuelle de l'époque, celui-ci quitta Clermont après
la mort de sa femme et s'installa à Paris, où il s'adonna
à ses trois passions principales, dont la première était
celle du «monde>> .
Connu des cercles littéraires et
scientifiques, il fréquenta les salons, dont celui de Mme
de Sainctot, où il retrouva Jacques Le Pailleur, un mathé
maticien quelque peu libertin, lié avec Saint-Amant et
d'autres poètes.
Il n'hésita pas à y pousser ses enfants,
en particulier Jacqueline, dont le talent poétique, admiré
par Benserade, Scudéry et Corneille, attira 1' attention de
la Cour.
Et c'est au contact de ces salons que se déve
loppe aussi le Pascal « mondain » : un esprit subtil et
vaniteux, habile à se faire valoir.
La deuxième passion d'Étienne était celle des scien
ces.
Jouissant d'une solide réputation de savant, il fut un
des premiers membres de l'académie fondée par le père
Mersenne en 1635.
Il y rencontra notamment Desargues
et Roberval, avec lequel il avança, en 1636, une explica
tion de la pesanteur en proposant d'y voir un phénomène
analogue à celui du magnétisme.
Les conceptions ultra
modernes de Blaise physicien refléteront parfaitement
J'esprit positif et pragmatique du cercle Mersenne, alors
en correspondance avec les savants du monde entier.
Mais le jeune Pascal devait attendre encore un certain
temps avant de connaître cette illustre académie.
Car son
père -telle était sa troisième passion -avait décidé
d'éduquer personnellement ses enfants.
La pédagogie
d' Étienne Pascal, à la fois humaniste et rationnelle,
s'inspirait des préceptes de Montaigne et de Rabelais.
S'opposant nettement à celle qui était pratiquée dans les
collèges jésuites, elle se fondait sur la maxime qu'il
fallait toujours tenir l'enfant «au-dessus de son
ouvrage».
Selon le témoignage de Gilberte, le pro
gramme paternel, débutant par des discussions sur les
effets de la nature, comportait l'étude des langues
anciennes, un enseignement de grammaire générale,
l' histoire, Je droit civil et canonique et enfin la lecture
de la Bible et des Pères de l'Église.
Blaise répondit à cet
enseignement en composant, à l'âge de onze ans, un
Traité des sons.
Cette éducation originale avait des lacunes.
Mais cel
les-ci se révélèrent favorables à l'évolution du génie de
Pascal.
Alors que Descartes, élève des Jésuites, avait dû,
pour trouver sa voie, se libérer de tout un pesant bagage
scolaire, 1' originalité de Pascal put s'affirmer sans heurt
ni obstacle.
Sa formation peu orthodoxe lui permit d'en
trer d'emblée dans les voies de l'esprit nouveau qui s'an
nonçait alors dans les sciences et en théologie.
Elle expli
que également Je détachement avec lequel il considérait
«l es diverses agitations des hommes >> (136), ce regard
libre et critique qui, une génération plus tard, s'affirmera
chez un Molière et un La Bruyère.
Enfin, n'ayant pas eu
à se plier, comme Descartes, à la rhétorique, il put inven
ter sa propre éloquence, un discours dont l'élégance et
l'ag ilité serviront plus tard de modèle.
Cependant, il serait faux de tout mettre au compte de
cette éducation, dont Blaise, âgé de douze ans, boule-.
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