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Pierre de Marbeuf, Recueil de vers, « Et l'amour et la mer... » - Explication linéaire

Publié le 21/02/2012

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[Introduction] Pierre de Marbeuf est un poète français du XVIIe siècle, souvent méconnu ou délaissé à la faveur de ses contemporains, dont les oeuvres semblent bien plus colossales. Il est l'Auteur d'un Recueil de vers, publié en 1628, dans lequel il met en oeuvre, sous une esthétique baroque*, les thèmes de la nature, de l'amour et de la fragilité de la vie. Le poème « Et la mer et l'amour... «, également illustre sous la dédicace de « A Philis... «, qui représente alors dans la poésie de l'époque l'un des noms que l'on attribue généralement à l'amante, témoigne du goût baroque de l'auteur par l'omniprésence du thème de l'eau, symbole même du mouvement, de l'instabilité et de l'insaisissable. Dans ce sonnet, à tonalité élégiaque, le poète associe avec virtuosité le thème de la mer et de l'amour pour chanter l'amour souffrance.    

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« répétitions (qu'elles soient lexicalisées, syntaxiques ou phonétiques) ainsi que la métaphore filée de l'amour et de la mer,tend à renouveler une poésie conventionnelle, en faisant à la fois subordonner son fond lyrique à sa forme mais, a fortiori, enlui apportant plus de vigueur par le jeu poétique auquel se livre l'auteur.

[Notion de forme-sens] Le premierquatrain du sonnet enclenche la comparaison entre la mer et l'amour : l'union de ces deux motifs dans le premier vers, l'unconcret, l'autre abstrait, est marquée par l'emploi de la conjonction de coordination « et » qui les lie l'un à l'autre et renforceleur ressemblance, tous deux « ont l'amer pour partage ».

Le terme amer revêt plusieurs sens : il peut désigner un objet fixeservant de repère en navigation - mais c'est aussi la saveur salée de l'eau de la mer et, au sens figuré, la déconvenue etl'amertume éprouvées en amour.

Ce jeu sur le sémantisme du mot amer devient plus explicite au second vers qui peutêtre vu comme une redite du vers précédent, dans laquelle la reprise anaphorique des deux motifs, introduits au moyen de lapolysyndète, « Et la mer et l'amour » se fait de manière détachée : chacun de ces deux motifs introduisent leur proprehémistiche qui met en évidence la diaphore du mot « amer ».

En parallèle, on distingue la mise en place d'un jeu phonétiquequi, certes ludique, est un moyen de renforcer l'union des deux thèmes tout en instaurant le vertige chez le lecteur : d'abordl'homophonie entre « la mer » et « l'amer » dans le premier vers, puis l'emploi de la paronomase pour associer « la mer »avec « l'amour », qui sont proches phonétiquement et ne se distinguent que d'une voyelle.

Par la suite, le poètepoursuit sa réflexion sur les analogies existantes entre l'amour et la mer : l'emploi du pronom indéfini « on » associé auprésent de l'indicatif qui gouverne ce premier quatrain tend à donner une valeur universelle ou de vérité générale à sespropos : « L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer / Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.

».

Abime : bienqu'il signifie « se blesser », il rappel également les gouffres marins.

Le premier quatrain dresse ainsi une image pessimiste etnoire de l'amour, qui a l'image de la mer n'est point un « long fleuve tranquille » mais au contraire, en proie également auxtumultes relatifs à la passion amoureuse, la mer ayant ses tempêtes, ses orages.

Bouleversement que l'on retrouvesous l'inversion des deux motifs dans l'ordre d'apparition au v.3, d'autant plus qu'ils n'introduisent plus les hémistiches maisles conclus avant de retrouver, au v.

4, leur position et ordre initial du v.1.

Ainsi, l'agencement des mots vient mimer lemouvement des vagues, le flux et le reflux et, par analogie, l'inconstance de l'amour et les troubles qui peuvent s'ymanifester : trouble du poète qui peuvent également se remarquer par la binarité des alexandrins réguliers, iciexclusivement des tétramètres, et dans lesquels l'allitération en [r], [m] et [l], qui gouverne l'ensemble du sonnet, suggère lafluidité, le mouvement cadencé, le glissement.

Poursuivant la métaphore filée de la mer, la seconde strophe s'ouvre sur une nouvelle généralisation, quoique plus précise,qui introduit par la reprise anaphorique de « Celui qui craint » ses deux premiers vers, qui témoignent d'un parallélisme deconstruction.

Le poète semble conseiller, voire mettre en garde celui qui s'apprête à aimer ou à prendre la mer sur lespotentiels dangers ou souffrances qui l'attendent, et tacitement le danger de mort qui n'est jamais loin de l'amour : l'Eros etle Thanatos.

Cet avertissement ou injonction est marqué par l'emploi d'un subjonctif présent précédé de la conjonctionélidée « qu'il ».

Cependant, la répétition du verbe « craindre » et le dernier vers (« Et tous deux ils seront sans hasard denaufrage ») semble aussi condamner tacitement la lâcheté de ceux qui préfèrent la sécurité plutôt que s'exposer auxpotentiels dangers que représentent les « eaux » et l'amour.

En effet, dans l'esthétique baroque, mais c'est aussi vrai pour lecourant précieux, la passion amoureuse est perçue comme préférable à l'absence d'aimer, et ce, qu'elle soit empreinte desouffrance, de jalousie ou de désespoirs.

La passion serait donc désirable dans le sens où elle permet d'échapper à laplatitude de la vie, dans le sens où elle permet l'aventure tout comme la mer qui est une invitation au voyage.

On retrouveégalement dans ce quatrain des phénomènes d'échos phonétiques, notamment les mots « eaux » et « maux » qui sont tousles deux placés à la césure et qui riment ensemble, ainsi que l'occurrence « enflammer », qui compare la passion amoureuseau feu, et qui rime avec « aimer », ce qui se rattache à une image traditionnelle de la poésie amoureuse.

De la même façon, le« rivage », symbolisant alors le lieu de la sécurité, le lieu le plus à l'écart du danger, vient rimer avec « naufrage » qui a doncson sens concret (le bateau qui sombre) mais qui désigne aussi l'échec amoureux de ceux qui se « laisse à l'amourenflammer », c'est-à-dire qui se laisse prendre au piège de l'amour, qui est perçu comme une prison, comme une privation deliberté.

On retrouve dans les occurrences « Enflammer » et « Aimer », les mots « mer » et « amer » du premier quatrain, aveclesquels ils forment une rime normande ou une rime pour l'oeil.

On constate aussi que ce second quatrain présente uneallitération en [r] qui peut renforcer l'idée d'une violence dans les images évoquées mais aussi de la souffrance du sujetlyrique encore absent.Dans les deux premiers vers du premier tercet, Marbeuf invoque des figures mythologiques grecques et romaines au moyende périphrases, qui est un procédé d'ornementation récurrent dans la poésie baroque : ainsi, « La mère de l'amour eut la merpour berceau » fait référence à Vénus (ou Aphrodite), la déesse de l'Amour et de la Beauté, née nue des écumes de la mer etsi finement représentée par Botticelli dans sa toile La Naissance de Vénus - dont il peut faire référence - ainsi qu'à Cupidon,dieu de l'Amour et fils de Vénus.

La mer est donc l'origine de l'amour possède donc un lien « filial » avec lui.

Le substantif« berceau », quant-à lui, est habilement choisit puisqu'il rappel le mouvement fait de flux et reflux de l'eau - mot qui seretrouve dans sa graphie et qui revient à la rime du vers suivant.

Ce continuel balancement est aussi perceptible à la lecturede ce vers du fait que le rythme régulier qu'impose l'alexandrin césuré en 6/6 est redoublé par sa structure tétra métrique.

Le vers suivant, dont les hémistiches sont fondés sur un parallélisme, est intéressant du fait que l'emplacement desdeux éléments antagonistes que sont le « feu » et « l'eau » - l'un en début de vers, l'autre en fin de vers - préfigurel'opposition dont ils feront l'objet dans les derniers vers du sonnet.

La présence du feu dans un poème traitant de la passionamoureuse n'est pas surprenante en soit, c'est même un topos de la poésie pétrarquiste - en revanche, c'est lamétamorphose qu'opère Marbeuf qui est original - de sorte que l'amour, qui était jusqu'alors rapproché à l'élément fluide dela mer, subit un second rapprochement pour devenir un feu ardent.. »

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