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Poèmes épiques, romans picaresques (Exposé – Art & Littérature – Collège/Lycée)

Publié le 14/11/2018

Extrait du document

L'auteur et le style

Longtemps les poèmes épiques ont été perçus comme l'expression plus ou moins anonyme d'un «peuple», au moment où celui-ci intègre la conscience historique de lui-même et s'efforce donc de chanter un passé reconstitué à la lumière de son présent.

Mais la cohérence de ces oeuvres relève très nettement de la création d'un auteur. Cette création a pu être modifiée au cours du temps et au fil des récitations orales, sous une forme qui a longtemps été tenue pour un genre poétique supérieur, que la Renaissance puis l'époque romantique se sont efforcées de réactualiser.

Le poète épique se pose comme un intermédiaire privilégié entre un temps reculé, qui accueille le merveilleux, et le présent de ses auditeurs/lecteurs, auxquels il rend sensible son intrigue en maniant également des procédés réalistes.

MÉSAVENTURES ET EXPLOITS

 

En France, depuis le XVe siècle, on qualifie d’« épique» ce qui est relatif à l'«épopée» - ce qui, par le biais de l'étymologie grecque, renvoie à la fabrication d'un récit et, plus précisément, à un long poème en vers qui passera progressivement en prose. Les poèmes épiques relatent tous de hauts faits héroïques, ce qui les oppose au roman «picaresque», genre littéraire plus tardif (on s'accorde à fixer sa naissance en Espagne au xvie siècle) qui, lui, rapporte les errances tragi-comiques de personnages sans noblesse, sur un registre vulgaire, c'est-à-dire non noble.

LES ÉPOPÉES

Le MONDE INDO-EUROPÉEN

• Les épopées indo-européennes ont repris les héros des mythologies : ainsi, le Mahabharata, dont la rédaction commence en Inde au IVe siècle avant notre ère, met en scène les aventures d'une dynastie royale, analogue aux divinités védiques et prévédiques. Conflits de pouvoir, intrigues entre dans et guerres de dimension quasi cosmique s'achèvent par des réconciliations dans le domaine des immortels, témoignant d'une vraie préoccupation religieuse quant aux fins dernières de l'homme.

D'autres épopées indiennes voient le jour, jusqu'à la Padmavat, au xvi' siècle, que certains poètes donnent explicitement pour allégoriques, quand les ethnologues et mythologues, tel Georges Dumézil, les déchiffrent plutôt pour y retrouver les grands invariants d'une civilisation.

La même analyse éclaire le Livre des rois (Chah-namè) iranien, composé au Xe siècle par Ferdowsi.

• Fondatrices du patrimoine littéraire européen, L'Iliade et L'Odyssée, epiques, romans picaresques écrites par Homère, laissent davantage de place aux héros humains, même si interviennent aussi les divinités favorisant soit les Grecs, soit les Troyens.

• L'Énéide, épopée romaine rédigée par Virgile et publiée en 19 av. J.-C., s'inspire non seulement de ces œuvres, mais aussi de récits mythologiques et historiques sur les origines de Rome : le héros Énée est lui aussi aidé par les dieux dans sa tâche fondatrice.

• Le domaine germanique dispose de récits épiques d'avant le christianisme, comme les longs poèmes de Snorri Sturluson ou de Saxo Grammaticus (xii-xiiie siècle), et d'épopées plus médiévales, comme la célèbre chanson des Nibelungen (xiiie siècle), dans laquelle les aventures merveilleuses et la mort du héros Siegfried tissent l'histoire des Burgondes.

• Les récits épiques en vieil irlandais reprennent les schémas communs au patrimoine indo-européen, en les incarnant tout particulièrement dans les exploits du héros Cuchulain, entre le IXe et le xiiie siècle, tandis

L'ILIADE ET L'ODYSSÉE

L'Iliade, la célèbre épopée homérique, se fonde sur un événement historique : le siège de la ville de Troie, dite aussi Ilion. Les Grecs, menés par Agamemnon, viennent récupérer Hélène; mais une querelle oppose Achille au

« analytique.

Il est aussi exemplaire, par ses qualités physiques et morales, comme par ses défauts, et apparaît souvent comme un personnage civilisateur, voire fondateur, gagnant peu à peu la maîtrise de l'espace, qu'il sait faire fructifier, contre des ennemis de toutes sortes.

Sa force et son intelligence pratique lui garantissent la gloire lors de ses fréquents combats contre des personnages humains et divins, dotés parfois de pouvoirs magiques L'auteur et le style Longtemps les poèmes épiques ont été perçus comme l'expression plus ou moins anonyme d'un «peuple», au moment où celui-ci intègre la conscience historique de lui-même et s'efforce donc de chanter un passé reconstitué à la lumière de son présent.

• Mais la cohérence de ces œuvres relève très nettement de la création d'un auteur.

Cette création a pu être modifiée au cours du temps et au fil des récitations orales, sous une forme qui a longtemps été tenue pour un genre poétique supérieur, que la Renaissance puis l'époque romantique se sont efforcées de réactualiser.

• Le poète épique se pose comme un intermédiaire privilégié entre un temps reculé, qui accueille le merveilleux, et le présent de ses auditeurs/lecteurs, auxquels il rend sensible son intrigue en maniant également des procédés réalistes.

• En vers ou en prose, le style soutenu, voire sublime, multiplie les variations.

On parle parfois de «souffle épique» pour définir la démesure générale qui caractérise ces poèmes : les espaces parcourus y sont très vastes; la nature, de dimension volontiers cosmique, est susceptible de se déchaîner de manière impressionnante, écrasant les forces humaines; les souffrances sont fréquentes et violentes; les personnages, nombreux; les rebondissements, multiples; l'histoire s'étend sur une longue durée.

• les textes eux-mêmes sont longs (différence fondamentale avec la légende), ce qui, ajouté à la nature orale des premières épopées, explique l'utilisation de procédés mnémotechniques dans la composition des poèmes épiques (fondements de l'intrigue assez simples, récurrence de certains épisodes, de certains motifs ...

qui participent à un rythme aux aspects homme sans honneur, qui raconte sa vie à la première personne, avec une grande cohérence -illême si l'œuvre est restée inachevée.

Le personnage, dont le nom renvoie symboliquement au patron des Lépreux, va de maître en maître, au gré de ses errances, donnant lieu à de nombreuses caricatures visant l'Église ou la noblesse, sur un ton où le comique l'emporte, alors que ses successeurs paraissent plus désenchantés.

• Entre 1599 et 1604, Mateo Aleman publie deux volumes de La Vie de Guzmcin d'Aifarache, l'un des chefs­ d'œuvre du genre picaresque.

Le personnage principal lutte contre sa condition misérable tout en réfléchissant sur lui-même, ce qui confère au roman une dimension plus clairement moralisatrice et philosophique; la conversion de Guzman est d'ailleurs annoncée ...

mais toujours reportée.

Les mésaventures, à la fois drôles et cyniques, se succèdent, intercalées dans des commentaires de portée générale, moins satiriques que quasi théologiques parfois : si la question de l'argent demeure un problème fondamental, c'est à la lumière du péché et du déterminisme qu'elle est abordée.

De nombreux plagiats témoignent du succès de ce roman, lui aussi inachevé.

• Francisco de Quevedo publie son Histoire de don Pablo de Ségovie en 1626 : le récit, d'un style brillant, est accommodé de scatologie et doit choquer le lecteur.

Seul le personnage de Diego Coronel représente une véritable noblesse, ce qui ne laisse plus guère de place aux réclamations et aux dénonciations du gueux.

• De même que ces grands romans canoniques, quelques-unes des Nouvelles exemplaires de Cervantès (1613), comme L' JII ustre Souillon et Rinconete et Cortadillo, voire Le Mariage trompeur et Le Colloque des chiens, relèvent du picaresque ou, du moins, lui empruntent certains éléments ­ mais en sauvant toujours la morale.

Des récits moins brillants ont perpétué la tradition, en Espagne, parfois autour de personnages féminins (les picaros).

parfois litaniques).

Le style épique vise f--------------1 le charme, la mémoire et l'adhésion de l'auditoire ou du lectorat.

LE ROMAN PICARESQUE LA NAISSANCE ESPAGNOLE • Le roman picaresque apparaît dans l'Espagne du XVI' siècle, période de grande misère : des écrits sur la mendicité se répandent, contant sur un ton parfois burlesque, parfois sérieux et moralisateur, les aventures et les modes de vie de personnes itinérantes qui inquiètent les plus favorisés.

• Lozari/Jo de Tormes (1554), attribué à Diego Hurtado de Mendoza, est issu de ces petites histoires ou de ces fabliaux, ce qui peut expliquer une apparente fragmentation, mais il fonde surtout le genre en choisissant pour héros un FRANCISCO GOMEl DE QUEVEDO Y VILLEGAS (1580-1645) Ce grand poète du siècle d'Or espagnol, aristocrate, reprend de manière magistrale les éléments du genre picaresque, dont il signe aussi, d'une certaine manière, la fin.

Ne se souciant plus de thèses moralisatrices, il pousse en effet ses personnages dans leurs extrémités, faisant d'eux des pantins monstrueux, à l'image d'une humanité méprisable.

Ses dons de satiristes brillent aussi dans Histoire de don Pablo de Ségovie, chef-d'œuvre de la littérature espagnole baroque célèbre aussi sous les noms d'El Busc6n (le filou) ou El Gran Tacano (le grand ladre).

AUTRES LITitRATURES NATIONALES • Selon Maurice Molho, si le genre reste profondément ancré dans la culture de l'Espagne baroque, on peut en reconnaître la structure, les thèmes et les motifs dans des littératures étrangères et plus tardives.

• Les Aventures de Simplicius Simplicissimus (1668), de l'Allemand Grimmelshausen, met en scène un personnage pris dans les tourments de la guerre de Trente Ans et ballotté par la fortune, qui finit en ascète et ������� �� ��� échappe ii- donc, lui, au déterminisme de la naissance.

• La France a été sensible à l'influence espagnole, que l'on peut deviner dans La Vraie Histoire comique de Francion (1622-1633), de Charles Sorel, ou dans Le Page disgracié (1642) de Tristan t:Hermite, davantage transparaître une mentalité typique de l'Ancien Régime : si le héros trompe, vole, organise de basses besognes, il garde un bon naturel et finit anobli.

La psychologie, l'étude de mœurs, la foi dans le progrès, l'éloignement des problématiques religieuses rendent le nouveau picaro plus bourgeois; Marivaux y ajoute les sentiments, par exemple dans Le Paysan parvenu (1734-1735).

Le genre rencontre également le conte philosophique, comme en témoigne du marquis de Sade.

Jacques Je Fataliste et son maïtre (1778- 1780), de Diderot, voire certains romans • t:Angleterre du XVII' siècle a produit peu d'œuvres assimilables au picaresque, mais on peut en revanche considérer comme telle Mol/ Flanders (1722), de Daniel Defoe: l'héroïne, pauvre et vaniteuse, qui subit maintes tribulations, sait réfléchir à ses propres expériences au sein de l'Angleterre puritaine -et le romancier la récompense par une fin heureuse, ce qui déroge à la tradition picaresque.

Le Tom lones (1749) de Henry Fielding lui emprunte aussi quelques éléments, mais le narrateur est omniscient et se montre plutôt optimiste et nuancé dans sa critique sociale.

De façon générale, l'évolution de la littérature picaresque se trouve concurrencée, au XVIII' siècle, par le roman réaliste (d'ascension sociale, d'apprentissage), plus positif dans ses présupposés.

• Le XXI' siècle offre de nouveaux récits picaresques, gardant des origines de ce genre complexe le mode de narration, la figure du picaro, les thèmes et les motifs, en les actualisant : Les Confessions du chevalier d'industrie Felix Krull (1954) et Le Tambour (1959) respectivement (1952), entre autres, en témoignent.

• Un dernier exemple permet d'oser un rapprochement entre épique et picaresque : Voyage au bout de la nuit (1932), de Louis-Ferdinand Céline, présente en Barda mu un picaro à la fois naïf, intéressé, porteur d'une critique sociale, voire d'une philosophie très pessimiste, sur fond d'épisodes parfois repoussants, souvent très violents, que le personnage surmonte au nom d'une armée anonyme d'oubliés ...

UNE tCRITURE DE LA MARCE Le personnage du gueux •le mot picaro, qui apparaît dans le second quart du XVI' siècle, dérive peut-être du vieux gascon picarel signifiant «fripon», par allusion aux mendiants picards souvent de mauvaise réputation au Moyen Âge.

Le terme désigne finalement le "gueux» : un être sans ressource, réduit à demander l'aumône.

Ce mot est donc péjoratif, d'un point de vue social et moral, et qualifie facilement, par glissement, le vagabond sans courage qui refuse de travailler, et qui est volontiers libertin.

• Risible, le picaro des romans inspire la pitié : trompant les autres, il est lui-même régulièrement exploité et victime d'illusions et de malchances -qui peuvent s'expliquer par le hasard, mais aussi par son ascendance honteuse, selon les critères de la morale conservatrice en vigueur.

Car il a en général souffert d'une enfance malheureuse et sans éducation, et ses parents, s'il les connaît, sont les stéréotypes des déclassés.

• Le picaro est en effet l'antithèse de l'hidalgo espagnol, noble chrétien qui n'a pas besoin de travailler et qui est le soutien d'une royauté toujours plus sclérosée.

Évoluant dans un milieu urbain, le picora annonce une société moderne qui peine à émerger; ses errances, selon des itinéraires symboliques, sont révélatrices à la fois d'une aspiration et d'une condamnation du changement.

Avide d'argent, il fait l'expérience de la faim, de la prison; les femmes qu'il rencontre sont le prétexte facile à des satires misogynes.

Le roman picaresque ne prétend pas explicitement au bonheur de pareils personnages, mais fait un appel discret au droit à la dignité, quand celle-ci est méritée.

• t:aspect marginal du picaro constitue un paradoxe du roman picaresque : quelle confiance, en effet, attribuer à un narrateur de basse condition, volontiers tricheur, et qui joue à se mettre en scène? t:une des conséquences est en tout cas le caractère souvent spirituel, à la fois cocasse et cruel, de ce genre littéraire.

Entre satire et conservatisme • la littérature picaresque s'est développée en opposition à d'autres genres fort prisés dans l'Espagne où elle est née, comme les histoires de chevalerie, les pasto rales d'inspiration italienne, où le merveilleux et l'idéalisme sont de rigueur : le roman picaresque prend le contre-pied de ces images parfaites de l'humanité.

En tant que roman, dans un sens assez moderne, il présente des expériences issues d'un quotidien sans gloire obligée, avec des accents souvent folkloriques.

Il propose ainsi un éclairage plus sinistre de l'époque et de l'homme en général, sur un ton plus ou moins moralisateur, et plus ou moins comique, selon les auteurs.

• t:inachèvement des premiers grands romans picaresques fait écho aux incertitudes baroques de l'époque :la narration sous forme d'autobiographie fictive encourage les interprétations d'un récit certes très orienté, mais aussi, finalement, peu fiable.

• les caractéristiques parfois protestataires du genre vont s'émousser avec le temps et les changements sociaux et politiques.

Toutefois, il ne fut jamais pleinement contestataire : ses qualités réalistes et son mépris de la psychologie servent tout autant la satire que l'expression d'une morale religieuse, qui ne se soucie pas de rechercher, par exemple, les causes de la misère.. »

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