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Présence et absence de l'auteur dans Le Chevalier de la charrette de Chrétien de Troyes

Publié le 23/12/2019

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La violence gestuelle qui naît de l'orgueil prive l'homme de toute dignité, et le rabaisse à l'animalité. Incapable de limiter ses pulsions, l'orgueilleux assouvit son instinct de violence à la manière des bêtes, sans le contrôle de la raison. Chrétien suggère cette animalisation par le mot «rage», dont il se sert en particulier pour qualifier Méléagant (v. 7069). Elle entraîne la «colère» (v. 7081 ), la «folie» (v. 7084), et toute forme d' «égarement» (v. 3829) qui sont autant de symptômes d'une violence irresponsable. Aveuglé par sa fureur, Méléagant refuse de cesser le combat lorsque la reine Guenièvre le demande, et doit être «éloigné» (v. 3842) de force, maîtrisé comme un animal rebelle. Bien plus, au cours de son dernier duel avec Lancelot, Méléagant, qui a déjà perdu une main et plusieurs dents, ne daigne pas implorer la grâce du vainqueur (v. 7083) : la violence mal employée se retourne contre celui qui l'exerce. 

Le viol 

La violence sexuelle traduit, elle aussi, une pulsion mal contrôlée. C'est une réalité qui parcourt la société médiévale: dans ce monde essentiellement masculin et guerrier, la femme est à la merci de l'homme, qui trouve en elle le moyen de satisfaire son désir. Le beau rêve courtois, où la dame exerce sa domination, ne parvient pas à masquer la 

brutalité du réel, dont Chrétien nous donne un aperçu dans Le Chevalier de la charrette. Le prétendant orgueilleux contre qui Lancelot protège une jeune fille considère celle-ci comme un objet: il en revendique la possession «sans autre contrainte» (v. 1589). Si la présence de Lancelot empêche ici le prétendant d'exercer sa violence, il n'en est pas de même dans l'épisode où le héros doit assister, malgré lui, au viol de la demoiselle qui lui a offert l'hospitalité : 

« le rôle final que jouera la sœur de Méléagant : ce serait en effet «rendre difforme» le récit, et l'empêcher de suivre «un droit chemin» (v.

6247-6251).

Mais le romancier déroge habilement à cette règle en confiant à ses personnages la mission d'annoncer la suite de l'histoire.

Des annonces discrètes Le premier nain que rencontre Lancelot prédit la scène du cortège de la reine, dont le héros sera témoin : tu pourras savoir d'ici demain ce que la reine est devenue.

(V.

358-359).

De même, la querelle qui oppose le prétendant orgueilleux à son père dans la prairie des jeux (v.

1673-1814) préfigure le conflit entre Méléagant et Bademagu à la cour du royaume de Gorre.

Par ces annonces discrètes et éparses, Chrétien ne livre qu'une révélation fragmentaire et progressive de l'intrigue.

Il procède touche par touche, comme le feront, au x1x0 siècle, les peintres« pointillistes » 1 .

Mais, bien souvent, des taches d'ombre demeurent dans le roman.

LE SUSPENSE L:"anonymat du héros Lorsqu'au début du roman, Gauvain rencontre Lancelot dans la forêt, il semble déjà le connaître, puisqu'il ne lui pose aucune question.

Pourquoi Chrétien ne révèle+il pas le nom du héros avant le vers 3660? Tout d'abord, l'anonymat per­ met d'attiser la curiosité du lecteur.

En outre, il permet de différencier « le chevalier de la charrette» et « Lancelot» : le romancier met en scène un personnage en train d'évo­ luer, et non fixé par la tradition.

Ainsi, tout en réutilisant une 1.

Le pointillisme est un procédé qui consiste à peindre en juxta­ posant des points de couleurs différentes.

115. »

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