Proust et la critique biographique
Publié le 13/09/2015
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Nul doute que pour Sainte-Beuve, comme pour la critique moderne, la littérature ne soit d’abord affaire de langage : de langage, ajoutons aussitôt, fait pour être apprécié dans sa saveur unique, reconnu dans son originalité formelle, qualifié dans son intention [...]. Sainte-Beuve diffère-t-il tellement ici de Proust, son futur grand adversaire ? N’eût-il pas aimé telles remarques célèbres sur l’imparfait, sur le et, sur l’adverbe chez Flaubert ? Et y a-t-il si loin du mimétisme beu-vien, cet art de « revêtir» l’auteur traité, à la pratique proustienne du pastiche ? Çà et là il s’agissait bien de se rendre sensible, comme en tout acte véritablement critique, à la posture révélante d’un langage...

«
n'est pas indifférent pour juger l'auteur d'un livre, si
ce livre n'est pas «un traité de géométrie pure»,
d'avoir d'abord répondu aux questions qui paraissent
les plus étrangères
à son œuvre (comment se
comportait-il .•.
), à s'entourer de tous les renseigne
ments possibles sur un écrivain, à collationner ses cor respondances, à interroger les hommes qui l'ont
connu, en causant avec eux s'ils vivent encore, en lisant
ce qu'ils ont pu écrire sur lui s'ils sont morts, cette
méthode méconnaît
ce qu'une fréquentation un peu
profonde avec nous-même nous
apprend: qu'un livre
est
le produit d'un autre moi que celui que nous mani
festons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices.»
~ La position de Proust est la suivante : pour saisir
véritablement
ce qu'il en est de la littérature, il s'avère
essentiel de savoir distinguer
le « moi social » du « moi
créateur».
Le «moi social» est l'écrivain tel qu'il est
possible de
le connaître, de le rencontrer, de l'appro
cher dans la vie quotidienne.
Le
«moi créateur» est, à
l'inverse, l'écrivain tel qu'il existe ou tel qu'il s'invente
lui-même dans le moment de l'écriture.
Or, affirme Proust, en aucun cas le «moi social» ne
permet d'expliquer
le «moi créateur»: le second est
irréductible au premier.
Il faut postuler une sorte de
précipice, de décrochage radical de
l'un à l'autre pour
être en mesure de rendre intelligible
le geste même de
la création.
C'est pour avoir méconnu cette vérité, continue
Proust, que Sainte-Beuve est passé totalement
à côté
des plus grands écrivains de son temps.
Convaincu de
ce que l'homme faisait et expliquait l'œuvre, Sainte
Beuve a commis les plus grossiers des contresens :
«Et pour ne pas avoir vu l'abîme qui sépare l'écrivain
de l'homme du monde, pour n'avoir pas compris que
le moi de l'écrivain ne se montre que dans ses livres,
et qu'il ne montre aux hommes du
monde( ...
) qu'un.
»
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