QUERELLE DES FEMMES, QUERELLE DES AMIES
Publié le 28/11/2018
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QUERELLE DES FEMMES, QUERELLE DES AMIES (xvie siècle). Le débat qui est resté dans l’histoire littéraire sous le nom de « querelle des Femmes » n’est guère compréhensible si on le limite à un affrontement entre les défenseurs des femmes et leurs censeurs : nous ne dirons pas entre « féministes » et « antiféministes », car ces conflits du xve et xvie siècle ont fort peu de rapport avec ceux de notre époque, ne serait-ce que parce qu'ils ne furent pas menés par des femmes.
De quelles femmes, d’ailleurs, pouvait-il s’agir? Les exemples invoqués sont tirés aussi bien du mythe que de l’histoire : les Saintes Écritures, les historiens et mytho-graphes grecs et latins, les annales et chroniques médiévales — tous objets pratiqués par l'imaginaire des clercs. Quand dans les listes laudatives figurent des modèles contemporains, ce sont les grandes princesses vertueuses, ou autres dames de qualité. Pour tout le reste, c’est « la Femme », Ève et Pandore, aussi bien que l'image peu à peu construite par la médecine (si tourmentée lorsqu'elle développe ce domaine) et le droit (si travaillé par l’établissement d’une nouvelle juridiction du mariage). De fait, « les femmes » semblent bien souvent n’avoir été qu’un biais par lequel on abordait des enjeux riches et complexes, d’ordre religieux, politique et social, sollicitant au niveau européen tous les intellectuels. La mobilité de ces enjeux, du xve siècle à la fin du xvie, ne facilite pas l’étude du simple fait littéraire.
«
vales
-tous objets pratiqués par l'imaginaire des clercs.
Quand dans les listes laudatives figurent des modèles
contemporains, ce sont les grandes princesses vertueu
ses, ou autres dames de qualité.
Pour tout le reste, c'est
«l a Femme», Ève et Pandore, aussi bien que l'image
peu à peu construite par la médecine (si tourmentée lors
qu'elle développe ce domaine) et le droit (si travaillé par
l'établissement d'une nouvelle juridiction du mariage).
De fait, «les femmes» semblent bien souvent n'avoir
été qu'un biai� par lequel on abordait des enjeux riches
et complexes, d'ordre religieux, politique et social, solli
citant au niveau européen tous les intellectuels.
La mobi
lité de ces enjeux, du xve siècle à la fin du xvt•, ne facilite
pas l'étude du simple fait littéraire.
Les moments de la Querelle
Quoique les très nombreux textes à verser au dossier
s'étalent à peu près continOment sur toute la période, il
est convenu de distinguer deux moments, centrés l'un
sur la jointure des deux siècles, l'autre sur les années
1540 et suivantes, et qui prendra plus spécifiquement le
nom de querelle des Amies.
Le premier est plus huma
niste, le second s'exprime davantage par la poésie.
Les
premiers textes ont souvent été écrits dans toute l'Eu
rope, et en latin; les seconds, plus dépendants de l'apport
nouveau italien, se sont surtout développés en France,
dans des lieux plus limités -Lyon et Paris essentielle
ment.
Les premiers ont cependant continué à alimenter
les seconds, notamment par leurs traductions en français;
c'est le cas des ouvrages déterminants d'Érasme et de
Cornélius Agrippa.
Quelle que soit la période, en tout
cas, il ne faut attendre quelque renseignement sur la
condition réelle des femmes que dans les ouvrages qui
leur sont favorables, et l'on perçoit assez bien aujour
d'hui qu'il serait imprudent d'imaginer les femmes de la
Renaissance plus choyées, plu� libres ou plus respectées
que les femmes du Moyen Age.
ou de croire que la
Querelle ait pu directement créer une situation nouvelle.
Deux grandes figures de reines.
Anne de Bretagne
d'abord, Marguerite de Navarre ensuite, ont.
semble-t-il,
voulu diriger le débat, mais leurs intentions politiques
sont aussi complexes que les autres enjeux du temps.
Les œuvres
Il faudrait au moins remonter jusqu'au Roman de la
Rose de Jean de Meung (XIIlc siècle), sévère sur le
mariage, et au:< Quinze Joies de mariage (publiées pour
la première fois en 1480) qui le moquent dans une veine
plus gauloise.
pour comprendre que c'est un nouveau
statut social et moral de celui-ci que visent les humanis
tes comme Érasme et Vivès, l"un dans de nombreux
textes -mais surtout dans le Mariage chrétien (1526)
-, 1 'autre dans l'Institution de la femme ch rétie nne
( 1524) : leur but est d'établir entre 1 'homme et la femme
un contrat solide, fondé sur la loyauté et donc la fidélité
réciproques, et garanti par la pensée chrétienne.
Des
juristes comme Névizan ( 1521 ), Tiraqueau ( 1513)- son
ami Rabelais reprend ses idées dans le Tier s Livre (1546)
- œuvrent dans Je même sens de l'institution d'un
mariage de type bourgeois, alors que leurs textes sem
blent, au contraire des premiers, hostiles aux femmes.
Marguerite de Navarre, avec mille nuances, ne cherche
pas autre chose dans l' Heptaméron.
Ce sont les modali
té de la réformation du mariage qui ont divisé ces
auteurs, plus que le mariage lui-même.
Les réformés
- Calvin, Paradin, Daneau -raidiront simplement à
l'extrême leurs exigences.
C'est la période où les rois
publient des édits pour interdire les mariages sans
consentement des parents ( 1556).
On
comprend que lorsque interfère avec cette question
primordiale du mariage chrétien et bourgeois la concep
tion nouvelle -platonisante derrière Ficin -de
l'amour, le débat ne se simplifie pas; d'autant que Ficin
n'est guère soucieux des femmes, et que ses interprètes
français (Champier, dans la Nef des dames vertueuses
d'abord, puis tous les tenants des «amies parfaites>>
derrière Héroët) ne s'occupent que d'elles.
En fait, le
débat s'est déplacé sur les mœurs de la Cour de France,
imprégnées dorénavant de l'idéal italien de résistance au
mariage en milieu de cour, exprimé au mieux par le
Courtisan de Castiglione.
Alors que Marguerite de
avarre est partagée, font œuvre en faveur des « amies >>
honnêtes ou en faveur des femmes nombre d'écrivains
proches d'elle: Dolet, Héroët (la Parfaicte Amye, 1542).
Taillemont, Fontaine, Billon, Habert etc., et même Pos
tel, dans une voie mystique qu'avait tracée dès le début
du siècle Cornélius Agrippa dans sa Déclaration de la
noblesse et préexcellence du sexe féminin (dont l'argu
mentation est reprise tout au cours du siècle).
Ont pris
position contre les femmes, ou en faveur des « amies >>
cyniques, Gratien du Pont, Benoît Court, qui profitèrent
de la Querelle pour régler des comptes strictement inter
nes au monde des intellectuels, La Borderie (avec l'Amye
de court de 1541), d'une manière plus élégante, et
Angier.
Devant tout ce bruit, les femmes (Hélisenne de
Crenne, Louise Labé, Pernette du Guillet) se sont sou
vent contentées de protester de leurs intentions morales.
et de louer un siècle qui leur permettait d'étudier et
d'écrire.
BIBLIOGRAPHIE Pour les textes.
on se repo rtera aux auteurs cit és .
Les recueils
du xvt• siècle qui en ont rass emb lé plusieurs.
en particulier Opus·
cules d'amour.
par Héroër.
La Borderie.
er autres divins poètes.
Lyon.
J.
de Tournes, 1547, et le Mespris de la Court ...
, Paris,
1544 (éd.
en 1545.
1546.
1549.
1550.
1551.
1556.
1568), n'o n t
pas d'édition moderne.
On trouvera de nombreux renseignements bibliographiques
dans les ouvrages suivants qui traitent de la Querelle : Abel
Le franc.
Grands tc ri vains de la Renaissance, « le Tiers Livre et
la querelle des femmes », Paris, 1914.
p.
251 et suiv.; Richmond
La urin Hawkins.
Maistre Charles Fontaine parisien, 1916.
Reprint.
New York, 1966.
ch.
v; Ferd ina nd Gohin.
notice en tête
de l'édition de Héroët, Œuvres poétiques, Genève, Droz, 1943;
E.Y.
Telle.
l'Œuvre de Marguerite d'Angoulême et Ja Querelle
desfemmes, Toulouse, Privat.
1937 (t ra v a il essentiel sur le su je t) .
M.·M.
FONTAINE.
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