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Questions d'interprétation de Dom Juan

Publié le 12/01/2015

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On reconnaîtra qu'entre les deux options en présence, il existe un antagonisme fondamental. Mais ce point de vue ne se soutient que si l'on admet une fois pour toutes que Molière a inscrit dans son oeuvre une message définitif, définitivement clos. Pourquoi ne pas supposer au contraire que ce duel entre la raison libertine et la foi conjugale et religieuse n'est ici qu'un matériau du jeu théâtral? Au lieu de défendre une thèse, Molière a peut-être préféré développer entre des thèses contradictoires une confrontation qui reste toujours ouverte. Une confrontation toujours ouverte On peut envisager, en effet, que l'apologie de la foi passe par d'autres voies que celles des certitudes dogmatiques. Le duel ne met pas aux prises le doute méthodique et l'évidence d'une vérité surnaturelle qui, en exigeant le repen¬tir du pêcheur, attend surtout un aveu de soumission devant une puissance qui le dépasse. Molière a confronté deux systèmes de force inégale, comme ils l'étaient de son temps, mais également intolérants, égale¬ment figés dans une logique de domination. Ces deux discours d'exclusion, en se niant réciproquement, se dévoilent. Si l'on estime que l'auteur n'est ni d'un côté ni de l'autre des protagonistes de cette lutte obstinée, le discours de la foi, au lieu d'apparaître comme l'affirmation sans appel d'une doctrine, se révèle une composante d'un ensemble dont le sens n'est pas donné a priori, mais se construit à travers un questionnement qui se creuse. Pourtant cette direction, pas plus qu'une autre, n'est à écarter, en tant que possibilité interprétative qui dépasse l'enjeu théâtral du texte ou l'enjeu circonstanciel de cette représentation problématique, aventureuse, audacieuse de ce 15 février 1665, une possibilité qui porte sur le sens à donner à la condition humaine. Dom Juan s'enferme dans un parti pris marqué par les limites de la vie individuelle. Dom Juan n'est pas inconstant, il est fidèle, fidèle à son inconstance, si l'on veut, fidèle par l'exigence de vérité, par refus du mensonge qu'il décèle dans la durée, dans la répétition, dans l'habitude. Dom Juan est cruel par lucidité. Il défie bravement ce qu'il considère comme les illusions de la foi. Mais il se heurte de toutes parts à des obstacles qui le renvoient à un aveuglement, à un enfermement beaucoup plus pervers que ceux qu'il dénonce. L'évidence qu'il refuse n'est pas celle du pouvoir supérieur, d'un ordre général auxquels il doit se soumettre, elle est celle de sa propre vérité existentielle, celle de sa solitude, qu'il tente de conjurer en se projetant dans une ébauche impar¬faite de double, Sganarelle. Dom Juan fait le pari de chercher l'absolu dans l'instant et il ne trouve que le néant. Ainsi, même si l'on admet que la mise à mort de Dom Juan n'est que la mise en scène carnavalesque de la superstition, la représentation scénique d'un théâtre mental, Dom Juan par ses échecs, par la déperdition progressive de ses chances, révèle a contra¬rio l'existence objective d'une sphère spirituelle, d'un ordre cosmique qui trouve son plus juste reflet dans l'intériorité d'Elvire. L'erreur de Dom Juan est de ne se fier qu'aux apparences. Maître des discours, maître des masques, il triomphe dans les instances humaines, mais s'effondre devant le seul règne qui compte, celui de la vérité intérieure. Ce grand démystifica¬teur est le plus grand mystifié, car il ne s'accroche qu'à des certitudes palpables et ne récolte que du vent.
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« 354 I Molière.

Œuvres majeures Il importe donc, de distinguer dans cette interprétation qui, dès la première représentation, entoura Dom Juan d'une odeur de soufre, la part due à la malveillance des ennemis de Molière et la part des arguments s'appuyant sur une lecture objective de la pièce.

Une remarque de Madame de Sévigné, qui, tout en étant croyante, n'était pas «dévote», résume, semble-t-il, l'opinion la plus courante: « ...

vous souvient-il», écrivait-elle, Je 6 août 1680, «quand on défendait Tartuffe et qu'on jouait publiquement Le Festin de Pierre, et de ce que dit Monsieur le Prince? C'est que l'une ne voulait que renverser la religion, mais l'autre offensait les dévots.

» Madame de Sévigné reprenait, en le déformant et en l'ap­ pliquant à Dom Juan et à Tartuffe, un mot du Prince de Condé sur Tartuffe et Scaramouche ermite, que Molière avait cité pour sa défense dans l'un de ses placets au Roi.

Tout en expliquant l'ostracisme qui frappa Dom Juan, ce jugement prouve que Molière n'avait pas réussi à donner le change en se protégeant derrière le châtiment exemplaire infligé à son héros.

Cette donnée fondamentale du mythe fut perçue comme une fiction pour déjouer la censure.

Les dis­ cours de Dom Juan en faveur de l'athéisme paraissaient plus crédibles qu'un dénouement moral de convention dont le caractère pathétique était fortement atténué par l'ultime in­ tervention de Sganarelle réclamant ses «gages».

Le courage de Dom Juan, revendiquant sa liberté face à la figure répres­ sive du Commandeur pouvait, d'ailleurs, évoquer le combat héroique des libertins qui les conduisait souvent au bûcher.

Il est vrai que la s.cène du pauvre ne se termine pas à l'avantage de Dom Juan.

puisque Je pauvre résiste victorieu­ sement à la tentation du blasphème.

C'est pourtant cette scène qui, d'emblée, a été un sujet de scandale: on obligea Molière à la couper dès la deuxième représentation et elle a été également amputée de la première édition de 1682.

En mettant ce dialogue au centre de son œuvre, Molière entendait en souligner l'importance.

Cette scène offre ainsi, par une sorte de mise en abîme, un raccourci du débat entre la foi populaire et la raison positive qui constitue la trame idéologique de la pièce.

Il faut croire que la conclusion de ce passage emblématique.

pas plus que la punition finale du. »

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