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RACINE

Publié le 02/09/2013

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racine

 

1639 -1699

Mon Dieu, quelle guerre cruelle ! je trouve deux hommes en moi.

S I l'on veut essayer de comprendre Racine, il est essentiel de tenir compte, avant tout, des liens qui l'attachent irrésistiblement à Port-Royal, liens d'autant plus solides et impérieux que Port-Royal ne cessa d'être persécuté. Racine reçut de Port-Royal deux enseignements : l'amour infini de Dieu dont il ne se départit jamais, et une extrême et maladive sensibilité devant l'esprit de persécution.

A côté de cet attachement à Port-Royal, il semble important de savoir que Racine était orphelin. Il avait treize mois quand il perdit sa mère, et moins de quatre ans à la mort de son père. Racine, c'est d'abord Eliacin.

Après avoir été élevé par sa grand-mère, Marie des Moulins, de Port-Royal, avec les Vitart, gens de confiance de Port-Royal, après avoir été au collège de Beauvais, collège recommandé par Port-Royal, Racine fait ses humanités à l'École des Granges, grâce aux maîtres de Port-Royal. Lancelot lui enseigne le grec, Hamon, le droit, Antoine le Maître lui sert de « Papa «.

Il baigne dans cette atmosphère de sainteté au milieu de ces « anges mortels « que sont les religieuses de Port-Royal; sa tante Sainte-Thècle veille sur lui. C'est dans cette maison de piété absolue qu'il reçoit la première révélation de la Nature et ses odes, ses premiers pas poétiques pourraient être de la main d'Eliacin. Il commençait sa vie comme il devait la finir, en jouant Esther et Athalie.

Lorsque, le Ier octobre 1658, ayant terminé ses humanités, Racine se rend à Paris pour y faire sa philosophie au collège d'Harcourt, il ne se doute pas du détour que désormais il sera obligé de faire avant de pouvoir revenir en ce lieu solitaire et saint.

La retraite silencieuse et pure des chastes et saintes religieuses fait place au cabaret bruyant où l'on va « deux et trois fois le jour «. On n'est pas sans aventures. On est poète. On compose des vers selon les circonstances. On cherche à les placer. On se laisse aller à intriguer un peu auprès de Chapelain, de Perrault. On écrit des odes pour le Roi. On parle de belle mignonne de quatorze ans, et l'on se persuade de plus en plus que « l'Amour est celui de tous les dieux qui sait le mieux le chemin du Parnasse «. Et, en dehors des concours poétiques auxquels on participe pour se faire remarquer, on se met à penser au théâtre, au théâtre et particulièrement aux comédiennes.

Un beau jour, Racine part pour Uzès. Encore tout frémissant des deux inoculations contradictoires que Port-Royal d'une part et Paris de l'autre lui avaient injectées, il va avoir pendant deux ans l'occasion de les digérer, de les assimiler, dans cette région reculée et quasi étrangère du Languedoc.

racine

« En revanche, ce pays l'inspire particulièrement sur le plan poétique.

Les amours n'y sont pas médiocres; les passions y sont démesurées.

Le climat surtout, la beauté antique de la Nature frappent définitivement ce savant helléniste : Et nous avons des nuits plus belles que vos jours.

Port-Royal avait enfanté un premier Racine, que nous avons appelé Eliacin.

Paris, à l'époque du collège d'Harcourt, en avait enfanté un second, une sorte de poète mondain mais passionné et farouche.

A Uzès, la nature aidant, c'est ce dernier qui se confirme.

Le véritable poète se précise.

Lorsque Racine revient à Paris en l 633, le « monstre naissant » est mûr pour écrire les Frères ennemis.

C'est cette année-là qu'il fait la connaissance de Boileau, « le meilleur ami et le meilleur homme qu'il y eût au monde », le meilleur des conseillers, le plus précieux des hommes.

« Une belle amitié est ce qu'il y a au monde de plus doux.

» Peu d'hommes auront été liés aussi étroitement.

Avec Boileau, c'est Pylade qui entre en scène.

Molière, de dix-sept ans son aîné, accueille et monte la Thébaïde.

En conséquence, la tante Sainte-Thècle se redresse et envoie sa malédiction : «J'ai appris avec douleur que vous fréquentiez plus que jamais des gens dont le nom est abominable à toutes les personnes qui ont tant soit peu de piété, et avec raison, puisqu'on leur interdit l'entrée de l'Eglise et la communion des fidèles, même à la mort...

» Entre Racine et Port-Royal, l'orage fatal se prépare.

La rupture pénible est proche.

Quand il fait répéter sa deuxième tragédie, Alexandre, à la fois chez Molière et à !'Hôtel de Bourgogne, donnant finalement sa préférence à ce dernier théâtre, sans aucun égard pour celui qui lui avait fait faire ses premiers pas, il se conduit comme un goujat.

Le second Racine, le fauve, est arrivé à terme.

Il est bien décidé à la révolte : cette révolte, c'est son ancien maître, Nicole, qui va la déclencher.

Nous sommes en 1666.

Racine a vingt-sept ans.

Dans ses Visionnaires, Nicole condamne la comédie avec la plus grande sévérité, et traite les poètes de théâtre d' « Empoisonneurs publics ».

Racine se sentant touché ainsi que tout ce qu'il aime publie deux lettres adressées à l'auteur des Visionnaires, dont la lecture fait encore frémir.

L'insolence y est parfaite.

Si l'on veut bien se reporter à cette époque, à l'éducation que Racine avait reçue, à la situation pénible de Port-Royal et à l'importance sociale des conséquences d'une telle rebellion, on s'aperçoit de la violence d'une telle révolte et de l'intensité extraordinaire du tempérament qui s'insurge.

Tout ce qu'on peut dire de cette conduite, c'est que Racine ne se maîtrise plus.

Il est habité.

Il est irresponsable.

Boileau lui-même ne peut plus le retenir.

Le Fauve a goûté le sang.

Il est possédé.

Par ce coup de force, il vient de rompre les dernières amarres qui le rattachaient à son éducation première.

Délibérément, il obéit à cette vocation.

Cela va durer dix ans, de 1667 à 1677, période qui va rapporter au patrimoine dramatique français huit de nos plus grands chefs-d'œuvre.

Que fait-il d'abord? Eh bien l'innocent Eliacin de son enfance, il va, à son tour, le persécuter! Il part en guerre contre lui.

Qu'est-ce que le sujet d'Andromaque, sinon la tête d'un enfant mise à prix, au nom de la Passion.

Eliacin se nomme à cet instant Astyanax.

L'année suivante, il se nomme Britannicus.

Le sujet est toujours l'immolation de l'enfance innocente au profit des farouches passionnés.

En fait, il semble que ce soit son propre double dont Racine veuille se débarrasser : Tant qu'il respirera,je ne vis qu'à demi.

Avec Andromaque, avec Britannicus, Racine s'est donc précipité dans une plongée infernale et géniale, dont il ne remontera, pour reparaître à la surface, que dix ans plus tard.

La Duparc meurt, le laissant lui-même« à moitié mort de chagrin ».

Tel est Paris (le Paris de tous les temps), qu'on l'accuse de l'avoir empoisonnée.

En fait, elle est morte en couches ...

de qui? Dans sa plongée, il continue de descendre.

Un soir il assiste à une des représentations d' Andromaque au cours de laquelle une jeune actrice tient le rôle d'Hermione, à la place de la Des. »

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