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Racine (1639-1699), Bérénice (1670) - Acte IV, scène 5

Publié le 22/02/2012

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Racine (1639-1699), Bérénice (1670) - Acte IV, scène 5 Titus: Mais il ne s'agit plus de vivre, il faut régner. Bérénice: Eh bien ! régnez, cruel, contentez votre gloire : Je ne dispute plus. J'attendais, pour vous croire, Que cette même bouche, après mille serments D'un amour qui devait unir tous nos moments, Cette bouche, à mes yeux s'avouant infidèle, M'ordonnât elle-même une absence éternelle. Moi-même j'ai voulu vous entendre en ce lieu. Je n'écoute plus rien, et pour jamais : adieu... Pour jamais ! Ah, Seigneur ! songez-vous en vous-même Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ? Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous, Seigneur, que tant de mers me séparent de vous ? Que le jour recommence et que le jour finisse, Sans que jamais Titus puisse voir Bérénice, Sans que de tout le jour je puisse voir Titus ?

Titus, écartelé entre son amour pour Bérénice et son devoir de souverain, ne peut fuir éternellement un choix dont l'incertitude fonde le tragique de cette tragédie sans meurtre, ni sang versé. Il lui faut affronter son destin, assumer une ambition qui sacrifie son amour, et surtout faire face enfin à celle qui s'épuise à ne pas vouloir comprendre le sens d'une fuite et d'une absence pourtant trop significatives. Ils parlent enfin ; l'empereur annonce sans équivoque : « Mais il ne s'agit plus de vivre, il faut régner. « Il prend soin d'utiliser deux tournures impersonnelles (« il ne s'agit plus «, « il faut «), deux infinitifs (d'où, par définition, toute référence à la personne est exclue), suggérant par là qu'il se soumet à une instance supérieure à laquelle il sacrifie l'expression de son moi. Il invoque la raison d'Etat, Bérénice refusera de l'accepter, démasquant plutôt la trahison du coeur : « Régnez, cruel «, elle redonne au verbe sa personne escamotée par Titus. Il faudra bien que ce dernier prenne à son compte sa propre décision. Il se débarrassera de la Reine de Palestine, pas de la responsabilité de son départ. A la raison d'Etat Bérénice oppose la déraison d'un coeur blessé, elle se révolte et puis, ne pouvant échapper elle aussi à sa destinée, tentera de prolonger, pathétique, l'ultime écho d'un amour condamné à l'exil et aux déserts de l'oubli.

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