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Racine d'après sa correspondance.

Publié le 22/02/2012

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I La facture impersonnelle de l'oeuvre classique ne nous permet pas ordinairement de découvrir, par delà l'auteur, l'homme et les contingences de sa vie quotidienne; son degré de perfection et d'achèvement nous cache les étapes de la création littéraire. Une chance exceptionnelle nous semble au contraire offerte par Racine : ses lettres. A vrai dire, cette zone de clarté n'atteint pas directement sa production dramatique. Il nous reste, d'une part, la correspondance du jeune homme des années d'apprentissage, susceptible de nous éclairer sur la genèse de son esprit; d'autre part, celle du Racine des vingt dernières années. En revanche, la brillante période allant de 1667 à 1677, d'Andromaque à Phèdre, demeure sans témoignages épistolaires. Les divers correspondants permettent de faire trois grandes liasses : 1) les lettres adressées d'Uzès à son cousin Vitart et à l'abbé Levasseur (1661-1662); 2) les lettres adressées à Boileau (1687-1699); 3) les lettres adressées à son fils Jean-Baptiste (1692-1698). Les autres correspondants (membres de la famille de Racine, La Fontaine, Nicole et le grand Arnauld, Vauban) sont plutôt exceptionnels.
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« Mais outre qu'à jouer on dit qu'il est enclin, Je le soupçonne encor d'être un peu libertin...

La théorie lucrétienne du vide donne matière à un jeu d'esprit qui se poursuit tout au long d'une lettre dontMarguerite de Navarre a fourni le modèle.

Mais que dirait le vieux Racine, volontiers bigot et rigoriste, de cette façonde tourner au burlesque la prière? « Je prierais Dieu volontiers qu'il vous ôtât vos frissons et qu'il vous envoyât desaffaires en leur place.

Vous n'y perdriez peut-être pas et j'y gagnerais.

» D'ailleurs l'abbé Levasseur était plutôt unecclésiastique de la Régence que du Grand Siècle : « Vive et vale, lui écrit Racine, car le Carême ne le défend pas!» Plus tard, une de ses filles manquera de mourir parce que le père lui imposera le jeûne avec trop de rigueur! Enattendant est-ce un reste de gaminerie ou simplement de l'esprit gaulois quand on feint de la dévotion à l'égard desJésuites ou qu'on s'en prend à la paresse des moines? Ici encore Voltaire montre le bout de l'oreille, surtout quandl'Écriture se trouve raillée : « Ma maison est une maison de prières.

» Passe encore pour la galanterie! Mais quand lebadinage s'y mêle, le genre devient parfois bien insipide par sa répétition même : réminiscences littéraires (ipsa,ante alias pulcherrima Dido), métaphores et périphrases se succèdent à qui mieux mieux.

L'antidote est une certainefamiliarité, même un peu brutale parfois : les mœurs du siècle étaient bien telles et la franchise désinvolte d'Alcesten'était sans doute pas une exception : « J'aimerais mieux un soufflet ou un coup de poing de vous, comme celam'était assez ordinaire, qu'un grand merci qui viendrait de si loin! » Cependant badinage et galanterie trouvent leur expression naturelle dans la langue des Précieux.

Et d'abord, lamanière même de la lettre est précieuse : cette façon spirituelle de passer d'un sujet à l'autre et de ménager lestransitions, comme dans la conversation; ce goût de la gentillesse et de la plaisanterie un peu mièvre, cette ragedes citations, tout cela sent « furieusement » les salons et les ruelles.

Être précieux, c'est aussi trouver la pointepar laquelle on peut faire figure de bel esprit et ce que Racine nous confie à propos d'un sonnet : « J'en ai changé lapointe, ce qui est le plus considérable dans ces ouvrages », vaut, bien entendu, aussi pour la lettre.

Ailleurs, cesont les antithèses spirituelles et les oppositions recherchées de termes : « La force de vos raisons ajoutée à cellede ma conscience...

ma reconnaissance ira de pair avec mon ressentiment ».

C'est enfin, toujours et partout, le jeude mots : « Je me suis rangé à la raison et j'y ai rangé aussi mon sonnet...

» Et quand Racine verra les femmesd'Uzès, qu'il ne voudra pas voir, devant faire profession, il confessera : « On peut bien être muet, mais non pasaveugle! » Voilà donc bien des caractéristiques : lettres faites pour être lues et montrées, mélange de prose et de vers,badinage, galanterie, préciosité, qui font de la lettre un genre conventionnel que Racine imite parfaitement.

Mais oùfaut-il chercher le véritable Racine? Où faut-il voir une vie intérieure plus profonde et des qualités plus solides? Où ya-t-il une conception plus sérieuse de la pensée, du sentiment, du style?. »

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