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René Depestre : poème extrait de Minerai noir

Publié le 17/01/2022

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Mon avenir sur ton visage est dessiné comme des nervures sur une feuille ta bouche quand tu ris est ciselée dans l'épaisseur d'une flamme la douceur luit dans tes yeux comme une goutte d'eau dans la fourrure d'une vivante zibeline la houle ensemence ton corps et telle une cloche ta frénésie à toute volée résonne à travers mon sang Comme les fleuves abandonnent leurs lits pour le fond de sable de ta beauté comme des caravanes d'hirondelles regagnent tous les ans la clémence de ton méridien en toute saison je me cantonne dans l'invariable journée de ta chair je suis sur cette terre pour être à l'infini brisé et reconstruit par la violence de tes flots ton délice à chaque instant me recrée tel un coeur ses battements ton amour découpe ma vie comme un grand feu de bois à l'horizon illimité des hommes. De tous temps, les chants ou les poèmes d'amour célébrant l'être aimé ont souvent associé, dans des comparaisons ou des métaphores sensuelles d'une grande beauté, l'image de la femme et celle de la nature. Déjà, dans le Cantique des Cantiques, l'époux chante la beauté de sa bien-aimée en la comparant à la beauté de la terre: « Tes yeux sont des colombes, derrière ton voile ; tes cheveux comme un troupeau de chèvres, ondulant sur les pentes de Galaad. Tes dents, un troupeau de brebis tondues qui remontent du bain. (... ) Tes lèvres, un fil d'écarlate (...). Tes joues, des moitiés de grenade... » Des siècles après, un hymne à l'amour d'une toute autre inspiration, « L'union libre » d'André Breton, reprend ces mêmes motifs : « Ma femme à la chevelure de feu de bois Aux pensées d'éclairs de chaleur A la taille de sablier Ma femme à la taille de loutre entre les dents du tigre... »

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