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Rire et écrire

Publié le 22/02/2012

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Qu'est-ce que le rire ? Dans l'Encyclopédie, Voltaire en a rédigé l'article ainsi : " Le rire est le signe de la joie, comme les pleurs sont le symptôme de la douleur. " Il ajoute qu'il est le résultat de l'étirement vers les oreilles du muscle zygomatique, l'un des treize muscles de la bouche. " Les animaux ont ce muscle comme nous ; cependant ils ne rient point de joie comme ils ne répandent point de pleurs de tristesse. Le cerf peut laisser couler une humeur de ses yeux quand il est aux abois, le chien aussi quand on le dissèque vivant ; mais ils ne pleurent point leurs maîtresses, leurs amis, comme nous ; ils n'éclatent point de rire à la vue d'un objet comique : l'homme est le seul animal qui pleure et qui rie. " Cependant, le vrai rire ne se programme pas. Sa caractéristique, c'est qu'il se produit de manière totalement inattendue, dans une situation souvent saugrenue. A l'origine du déclic, le contraste entre l'image cohérente que nous nous faisons de la réalité et l'irruption soudaine de l'absurde dans ce monde bien ordonné. Cette discordance signifie qu'on est soudain désarçonné dans la démarche qu'on suivait en fonction de modes habituels de percevoir et de penser. Par sa structure même, l'humour inflige donc un déséquilibre momentané à l'ordre des schémas constitués. Il nous surprend, il nous réveille. Né de la perception d'un décalage ou d'un dédoublement de la conscience, le rire est un moment de folie ordinaire. Erasme prétend, au 16ème siècle, que la folie est indispensable à la vie sociale. Elle lui est inhérente. En effet, l'existence est faite du mélange intimement complexe du tragique et du comique. La densité du monde est telle que le danger et la souffrance n'abolissent jamais complètement les petits ridicules du quotidien, le sourire et le rire. Hugo, aussi, l'avait bien perçu en préconisant, pour le théâtre romantique, le mélange des genres et bien avant lui Rabelais, évoquant la joie irrésistible de son géant à la naissance de son fils et sa tristesse infinie à la mort de sa femme. C'est en m'appuyant sur ce principe que j'ai voulu orienter mon atelier d'écriture sur la pente du rire et j'ai fait appel à des textes d'auteurs, des sketches d'humoristes pour en extraire les recettes qui aident le rire à se répandre. Le cadre de l'atelier s'y prête : le rire a besoin d'un écho ; le groupe offre à l'écrivant le retour indispensable à un texte humoristique. De plus, le fait d'appartenir à une même communauté favorise la complicité, l'échange, dans lesquels le rire peut se développer plus aisément. Je me propose donc, ici, de faire une étude sur la relation qui unit l'humour – dans son acception la plus large, c'est pourquoi nous parlerons indifféremment de rire, d'humour et de comique – à la production écrite, afin de construire un atelier d'écriture autour de ce thème. Nous ferons dans un premier temps le tour des divers procédés et des diverses formes de l'humour [I], puis nous en cernerons les limites - que peuvent éventuellement rencontrer ceux qui, de la plume, veulent chatouiller les zygomatiques - et les fonctions [II]. Enfin nous retrouverons, en annexe, les consignes d'écriture que j'ai pu expérimenter avec plaisir, en atelier.

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