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" Rossignol" de Verlaine, Poèmes Saturniens

Publié le 02/02/2011

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verlaine

Comme un vol criard d'oiseaux en émoi,  Tous mes souvenirs s'abattent sur moi,  S'abattent parmi le feuillage jaune  De mon coeur mirant son tronc plié d'aune  Au tain violet de l'eau des Regrets  Qui mélancoliquement coule auprès,  S'abattent, et puis la rumeur mauvaise  Qu'une brise moite en montant apaise,  S'éteint par degrés dans l'arbre, si bien  Qu'au bout d'un instant on n'entend plus rien,  Plus rien que la voix célébrant l'Absente,  Plus rien que la voix -ô si languissante !-  De l'oiseau que fut mon Premier Amour,  Et qui chante encore comme au premier jour ;  Et dans la splendeur triste d'une lune  Se levant blafarde et solennelle, une  Nuit mélancolique et lourde d'été,  Pleine de silence et d'obscurité,  Berce sur l'azur qu'un vent doux effleure  L'arbre qui frissonne et l'oiseau qui pleure.

1866 : date des Poèmes Saturniens, Ire œuvre du jeune Verlaine. Lié avec Sully Prudhomme, François Coppée et Anatole France, il professe alors une foi parnassienne et désire apporter avec ce recueil — sa contribution au Parnasse Contemporain. Cependant, surtout dans le groupe de poèmes Paysages Tristes, 3e partie de l'ouvrage, des tendances tout à fait personnelles se font jour. Or cette pièce : Comme un vol criard.., est la dernière de l'ensemble. A travers les innovations d'une poétique neuve essentiellement musicale dans ce texte composé d'une seule phrase, au flux poétique continu et délicat, ce sont les frémissements de l'âme du poète qui  sont révélés : rumeurs des souvenirs (dont la voix de l'Absente) et Mélancolie du présent.

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« Qui mélancoliquement coule auprès...

», ensemble flottant, sans une coupe sur 3 vers où ne sait se poser la voix.

C'est alors que l'arythmie du vers suivant : « S'abattent, // et puis la rumeur mauvaise» —› ...vient désagréger de façon presque grotesque le bercement del'âme qui espérait pouvoir « se laisser aller ».

Mais la « langueur » (mot très verlainien) du poète se dérobe à cescoups de butoir.

Les souvenirs ne sont plus qu'une glu molle qui en 3 vers apporte un simulacre de paix, traduite parla parfaite symétrie du dernier vers de l'ensemble : ...« la rumeur mauvaise (Régularité) —› Qu'une brise moite en montant apaise, (Arythmie) —› S'éteint par degrés dans l'arbre // si bien (Régularité) —› Qu'au bout/d'un instant/on n'entend/plus rien,...

». L'âme est devenue toute « languissante », silencieuse et recueillie, comme ce qui l'entoure, et la répétition (3 fois)de « Plus rien » et même de tout l'hémistiche (2 fois) : « Plus rien que la voix...

», la régularité absolue du rythme lefont bien enten dre.

Avec l'imprécision du rêve, le « Premier Amour », symbolisé par l'oiseau (le poème a en réalité un titre, supprimé dans l'épreuve, et c'est : Le Rossignol), vient chanter dans le souvenir, et malgré la douleur de sonrejet dans le passé, il apporte la note de pureté, car il demeure inaltéré, « encore comme au 1er jour ». * * Mélancolie, nostalgie...

: tout se trouve alors baigné dans la demi-teinte de son état d'âme et non, véritablement,celle du paysage.

C'est d'un véritable paysage intérieur que ce poème est tissé.

Comme le souvenir, la mélancolieengendre les images ; l'âme avec ses regrets, ses nostalgies, devient elle-même paysage.

Qu'elle est doucementtriste, l'âme de ce poète « Saturnien » ; né sous « une influence maligne », il affirme — et ce n'est point par jeu — avoir reçu des astres: « Bonne part de malheur et bonne part de bile ». Aussi, tous ces Paysages Tristes sont-ils de crépuscule et d'automne, qui « Blessent [son] coeur D'une langueur Monotone » (Chanson d'automne). C'est parce qu'il « [se] souvien[t] Des jours anciens », qu'il pleure « mélancoliquement ». La place recherchée de cet adverbe : Qui mélancoliquement coule...

» le fait saillir, grâce au rythme du vers ainsi obtenu, au point de dominer le poème entier.

De plus le reprennent enleitmotiv des adjectifs abstraits, exprimant une sensation morale, accolés à des substantifs concrets : « la rumeurmauvaise », la « splendeur triste », la «nuit mélancolique» : pas ou peu de pittoresque dans ce décor.

C'est Melancholia ( 1) qui règne sur cette nuit lourde.

On ne sait plus si le paysage est réel ou si ce crépuscule lunaire est celui de l'âme : les deux sans doute...

Mais tout se laisse bercer « languissamment ».

Après une sorte de pied de nez à la Musset (cf.

« La Lune/Comme un point sur un i» dans Ballades à la Lune), dans cette présentation d'une lune « blafarde et solennelle » — ironie adressée sans doute contre lui-même, — comme s'il ne voulait pas se laisser tout à fait gagner par l'émotion du Nevermore, du jamais plus de ce 1er Amour disparu, ensuite le rythme devient définitivement doux, attendri, régulier : « ...

Une Nuit mélancolique et lourde d'été, Pleine de silence et d'obscurité, Berce sur l'azur qu'un vent doux effleure L'arbre qui FRISSONNE/et l'oiseau qui PLEURE.

». »

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