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Saint-Simon : Mémoires

Publié le 05/03/2011

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saint simon

   La guerre de 1688 eut une étrange origine, dont l'anedocte, également certaine et curieuse, est si propre à caractériser le Roi et Louvois, son ministre, qu'elle doit tenir place ici. Louvois, à la mort de Colbert, avait eu sa surintendance des bâtiments. Le petit Trianon de porcelaine, fait autrefois pour Mme de Montespan, ennuyait le Roi, qui voulait partout des palais. Il s'amusait fort à ses bâtiments. Il avait aussi le compas dans l'œil, pour la justesse, les proportions, la symétrie ; mais le goût n'y répondait pas, comme on le verra ailleurs. Ce château ne faisait presque que sortir de terre, lorsque le Roi s'aperçut d'un défaut à une croisée qui s'achevait de former, dans la longueur du rez-de-chaussée. Louvois, qui naturellement était brutal, et de plus gâté jusqu'à souffrir difficilement d'être repris par son maître, disputa fort et ferme, et maintint que la croisée était bien. Le Roi tourna le dos, et s'alla promener ailleurs dans le bâtiment. Le lendemain il trouva Le Nôtre, bon architecte, mais fameux par le goût des jardins, qu'il a commencé à introduire en France et dont il a porté la perfection au plus haut point. Le Roi lui demanda s'il avait été à Trianon ; il répondit que non. Le Roi lui expliqua ce qui l'avait choqué, et lui dit d'y aller. Le lendemain même question, même réponse ; le jour d'après, autant. Le Roi vit bien qu'il n'osait s'exposer à trouver qu'il eût tort, ou à blâmer Louvois. Il se fâcha, et lui ordonna de se trouver le lendemain à Trianon lorsqu'il y irait, et où il ferait trouver Louvois aussi. Il n'y eut plus moyen de reculer. Le Roi les trouva le lendemain tous deux à Trianon. Il y fut d'abord question de la fenêtre. Louvois disputa ; Le Nôtre ne disait mot. Enfin le Roi lui ordonna d'aligner, de mesurer, et de dire après ce qu'il aurait trouvé. Tandis qu'il travaillait, Louvois en furie de cette vérification, grondait tout haut, et soutenait avec aigreur que cette fenêtre était en tout pareille aux autres ; le Roi se taisait et attendait, mais il souffrait. Quand tout fut bien examiné, il demanda à Le Nôtre ce qui en était, et Le Nôtre à balbutier. Le Roi se mit en colère et lui commanda de parler net. Alors Le Nôtre avoua que le Roi avait raison, et dit ce qu'il avait trouvé de défaut. Il n'eut pas plus tôt achevé, que le Roi, se tournant à Louvois, lui dit qu'on ne pouvait tenir à ses opiniâtretés ; que, sans la sienne à lui, on aurait bâti de travers, et qu'il aurait fallu tout abattre aussitôt que le bâtiment aurait été achevé. En un mot, il lui lava fortement la tête. Louvois, outré de la sortie et de ce que courtisans, ouvriers et valets en avaient été témoins, arrive chez lui furieux. Il y trouva Saint-Pouenge, Villacerf, le chevalier de Nogent, les deux Tilladets, quelques autres féaux intimes, qui furent bien alarmés de le voir en cet état. « C'en est fait, leur dit-il, je suis perdu avec le Roi, à la façon dont il vient de me traiter pour une fenêtre. Je n'ai de ressources qu'une guerre qui le détourne de ses bâtiments et qui me rende nécessaire ; et par... ! il l'aura. « En effet, peu de mois après il tint parole, et, malgré le Roi et les autres puissances, il la rendit générale.    COMMENTAIRE COMPOSÉ    INTRODUCTION    Les « Mémoires « comme genre littéraire    La personnalité du duc de Saint-Simon comme mémorialiste.

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