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SCHEHADÉ Georges: critique et analyse de l'oeuve

Publié le 13/10/2018

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SCHEHADÉ Georges (1907-1989). Né à Alexandrie (Égypte) de parents libanais orthodoxes, Georges Schehadé a passé la majeure partie de sa vie à Beyrouth. Sa langue maternelle est le français. Après des études de droit, il a été secrétaire général de l'École supérieure des lettres de Beyrouth, qu’ont dirigée longtemps ses amis Gabriel Bounoure et Gaétan Picon. Il a ensuite été chargé des questions artistiques à la Mission culturelle française au Liban. Georges Schehadé a obtenu le Grand prix de la Francophonie en 1986.

 

Poète, qui l'est plus? Poète, qui l'est mieux?... De par cette grâce, ou cet \"état de grâce\" dont il est fait mention dans le langage de toutes sectes. Poète jusqu'à se perdre lui-même dans le poème qui l'engendre.

 

Venu de ces contrées où toute architecture s'ordonne, simple et pure, autour d'une chambre très poreuse, infiniment vacante et nue. Issu de ces familles humaines où l'on ne sait des roses que l'essence, et de la perle que l'orient.

 

Ainsi débutait, en 1953, un hommage du grand Saint-John Perse à Georges Schehadé, qui se souvient d’avoir connu au Quai d’Orsay le poète d’Anabase au temps où celui-ci était secrétaire général des Affaires étrangères. Venu de Beyrouth, le jeune Schehadé rendait alors visite à ceux qui, de loin, Pavaient « découvert » ; Saint-John Perse, Paul Éluard, Jules Supervielle, Max Jacob, André Breton...

« Un e le ç o n d e cho ses Publier ses poèmes n'a pas toujours été le souci de Schehadé.

Il les co mpo sait dans sn tête, les récitait à ses am is, les mêlant à ses récits de la vie quotidienne, tou­ jours fabule use.

Se s séa n ces chez le coiffeur de Beyro uth ou dans les .restaurants de Saint-Germain-des-Prés, les courses de chevaux ou les parties de poker, les journées d e guerre ou de révolution (qui, dans son pays, n'ont pas manqué) sont pour lui matière d'épopées qui trahissent ses origines orientales .

Minc e et agile comme un person­ n age des Mille et Une Nuits , récitant de vieille race - ce lle qui inventa l'alphabet-.

Georges Schehadé aurait pu être, à d'autre s époques, un conteur de place publique.

Sa na issance au sein d'une famille de grand e bourgeoi­ sie, le particularisme chré tien du Moyen-Orient et, sur­ tout, so n appartenance exclusive à la l angue française en ont décidé autrement.

C'est peut-êtr e pour se défendre d'un entraînement verbal auque l le p rédisposa ient son pa ys et sa géné rosité native, mais aussi sous l'influence des poètes qu'il aimait, de Mallarm é à Élu ard, qu'en choisissant 1' écri­ ture, Schehadé a su filtrer les mots ct les images comme perso n ne.

Aucun effort intelle ctuel n'apparaît cepe nda n t au cœur de cette alchimie, de cette préciosité dont la rhéto r ique est abse nte.

La réalité, la vis .i o n du mon de q ue tradui sent ses poèmes sont aussi naturelles que les qua tre éléments, non plus séparés mais réconciliés.

Ses affirma ­ tions les plus subjectives nous paraissent aussi incontes­ tables qu'u n e « leçon de choses».

Ai nsi : D'abord, derrière les roses il n'y a pas de sing es Il y a un enfant qu i a les yeux tourmen tés.

Ou encore, plus gravement: - Pour nous la mort est une fleur de pensée.

Soudaine cristalli'sation des mots, naissance spont anée de la métaphore, affleurement du rêve dans la vie éveil­ lée : la « poésie » de Schehadé n'est comparable à nu lle autre, dans la mesure oi) elle abolit les distances entre ce qu'on nomme l 'inspiration et la syntaxe, c'es t-à-dire l'organ isation co nformi s te du langage .

Elle joue sur les deux tableaux de l'économie des moyen s et de la sponta­ néité intérieure, que, sous des cieux plus brumeux, on nommerait l'inc onscient.

Bien que tr ès contemporaine - et saluée comme telle par les amis surréa listes de Schehadé -, cette poésie a sa part de sagesse ancienne, voire « primitive », quand, par exemple, elle se fait pro­ verbiale : «Le bonheur du cœur est une petite cuillère, un objet de tous les instants».

Ou lorsqu • elle é n once un précep te: «Mets à ton cou l'œil des cygnes» .

So n lyrisme est aff irmatif; ses éla n s, iro niques.

Elle porte en tout la marque d'une rrafc he pudeur.

L e c re u so t m é dit erran ée n Aussi ne s'étonnera -t-on pas que Je héros de la pre­ mière pièce de théârre de Georges Schehadé, Monsieur Bob ' le, soit un sage qui illumine de ses aphorismes, dignes du bouddhisme zen, la petite ville imagin aire de Paola Scala, ni qu e le protagoniste de la Soirée des pro ­ verbes, Argengeorges, parte à la recherche de cette sagesse perdue à l'auberge des Quatre-Diamants ...

Car Schehadé est passé tout naturellement de )a poésie au théâtre, et ce la, dès 1939.

bien qu'on ignore , à vrai dire, la date exacte de composition de Mon sieur Bob'le, dont il a toujours su par cœur toutes les répliques .

Jouée en 1951 au théâtre de la Hu chette par Geor ges Vitaly, à une époque où le théâtr e p oéti que allait de soi, cette première pièce laissait penser que la France - ou du moins la langue française- avait tr ouvé son Lor ca.

La tend resse, l'humour tranquille des personnages, la familiarité d'un peti t monde de villageois appartenaient bien au creuse t méditerranéen, avec son é ttJingeté souriante et mélanco­ li que, où la légende rena1t à chaque instant de tous les gestes et de tou s les mots , que ce soit en Grèce ou en Andalousie.

Un peu plus tard, Hi sto irè de Vasco recommençait 1' éternelle aventure de Simplicius Simplicissimus, celle de l'innocent, ici un petit coiffe ur jeté malgré lui dans la guerre.

Le romantique Lieutenant Septembre, Je Mi rador « à la clavicule musicale », les espions déguisés en fem­ mes, un montreur de chie ns e mpaillé s entouraient Vasco, moins pour nous dire les horreurs de la guerre que ses dérisoires incarnations.

Comme devaient le soulignee et le préciser trois autres pièces, le Voyage, l'Émigré de Bri sbane et les Violettes (1960), la vraie patrie de Sché­ hadé reste le rêve, le besoin d'éva sion insatisfait, sans que jamais toutefois ces nostalgies se retournent contre la vie.

Chez; lui, les destins peuven t êtr e contraires, les hommes ne sont jama is méchants ...

Comme il est dit dans la Soir ée des proverbes, il s'agit surto ut de favor i­ ser« l'ém anc ipati on des mots».

Car ce sont les mots, en définitive, qui déc ident du sort des personnages, «tous bohémiens d'une pro fonde image», comme ils avaient décidé de l'aboutissement des Pohie s ou de l'unique récit de Schehadé , Rodogune Sinne.

De son Liban natal Geo rges Sc hehadé aurait vou lu fa.ire u ne ter re de paix.

Il a fa llu qu'y éclate la plus horrible des guerres pour que, apr ès y avoir vécu de longs mois dans la plus grande insécurité, il se réfugie à Paris où s'achèvera sa vie.

Les années passant, trop d'évé nement s contraires on t eu raison de ce jaillissement de mots, de ce qu'il nommait comiquement« le jet d'eau grammatical >t.

Les œuvres de Schehadé se son t espa­ cées.

De temps à autre, un poème s'ajoute à un autre poème pour co nstituer, en 1985, le recueil, mince et parfait, du Nageur d'tm seul amour.

Relative ment brève, son œuvre poétique et théâtrale brille de cet écl~t soli­ taire qu'il prévoyait à l 'orée de son recueil l'Ecolier sultan : «S'il neige, disait un ibi s à 1 'oncle de ma mère, chaque plume de moi est une course dans le Frrmament ».

[Voir aussi LrBAN (litté rature libanai se d'expression française)].

BTBLlOGRAPHlE «Le Petit Théâtre lO, Ca hi ers de la compag nie Madeleine Renaud -Je011 -Louis Barr ault.

IV, 1954 , avec des hommages et études de Saint-John Perse.

Gabriel Bounoure , Gaëtan Picon.

J ules Supervielle, Jacques Lcmarchand, André Pieyre de Man­ d iargues.

Guy Dumu r, Pierre Robin.

Salah Stétié.

Max -Pol Fouchct, André Breton, Jean-Louis Barrault (vo ir égaleme nt les Cahiers XVII et XXXIV): Gaëtan Picon, Panorama de la nou­ velle littdrature française, Gallimard, «Point du jour», 1960; Jean -Pierre Richard, Onze éwdes sur la podsle moderne, Le Seuil, 1964; Leonard Cnbell -Pronko, Théârre d'avan t-garde, Denoë l, 1963; Geneviève Scrreau, Hisroirt.

du nouveau théâtr e, Gallimard, 1966: A.

Debeaux, «l'Ange de Schehadé », N.R.F., avril 1989; P.

Ja cco ttct, «G râce rendue à la grâce (Georges Schehadé) », N .R .F .• 456.

1991; B.

Tristmans, «Territoires et Dérive s sur Georges Schehadé »,Poétique 91, septembre 1992; D .

Combe, « la Poésie élégiaque de George s Schebadé », Plei11e Marge n• 16, 1993 .

On signalera aussi, réalisé par Émile Jennncsson, Lettre du bottt du mond e ( 1969).

portrait télévisé de Georges Schehadé.

G.DUMUR. »

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