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Signification de « Manon Lescaut »

Publié le 23/01/2020

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lescaut

Des Grieux

Le narrateur est le personnage central, beaucoup plus que Manon. Non seulement il est toujours en scène et lutte contre un destin que son amante se contente de subir, mais il donne à l’œuvre sa tonalité et son sens. Pas plus que la jeune fille, il n’est décrit. Aucun renseignement précis sur. son visage, sa démarche, son aspect extérieur. Il apparaît comme une créature un peu allégorique. Au début, « vivante image de la douleur », continuellement possédé par la passion, il incarne à la fois la souffrance et l’amour. Nous apprenons qu’il a « une mise modeste », qu’il répond « honnêtement »; c’est « un homme qui a de la naissance et de l’éducation ». Par la suite, quelques renseignements le présentent paré de multiples charmes. Il a beau être « en fort mauvais équipage », l’auteur, à Calais, remarque sa « physionomie trop belle pour n’être pas reconnue facilement ». Manon aime coiffer ses beaux cheveux et M. de G. M. même est sensible à sa grâce. Qu’importe qu’il soit originaire de P(éronne), qu’il appartienne à la petite noblesse de province, que son père et son frère aîné, sympathiques par ailleurs, soient des hommes à principes ! L’essentiel, c’est qu’il est un spectaculaire exemple des ravages que l’amour peut exercer sur une âme sensible.

Son cas serait banal, si sa passion n’avait pas les plus funestes conséquences. Dans sa famille, au collège, une éducation austère étouffa son tempérament sensuel, exalté. Élève modèle, il n’a « aucune peine » à pratiquer la vertu. « J’ai l’humeur naturellement douce et tranquille. » Il réussit brillamment à ses examens, reçoit les félicitations de l’évêque, se destine à la prêtrise. Après sa première fugue, en un temps où le charme de Manon n’a pas encore submergé sa raison, il retrouve, au séminaire de Saint-Sulpice, sans trop de peine, le climat innocent et scolaire de ses jeunes années. Et tous de vanter la « sagesse et la retenue » de sa conduite.

L’influence de Manon va changer sa personnalité ou plutôt le révéler à lui-même. Dès la première rencontre, il est fasciné, « excessivement timide et facile à déconcerter »; il fait la cour à une inconnue, l’enlève, rompant ainsi avec son passé, sa famille, l’être qu’il fut, se résignant à subir « l’ascendant » de sa destinée. Un seul sentiment existe désormais en lui, l’amour, qui lui réserve de courtes joies et de

lui est intolérable. Aussi apparaît-elle inquiétante, et cela dès le début. Avec quelle assurance elle accepte les hommages d’un étranger! Elle avoue qu’elle n’ignore pas l’amour et, malgré son âge tendre, possède une redoutable connaissance de la psychologie masculine. « Elle savait bien qu’on n’est pas trompeur à mon âge 1. » Vite elle montre une rouerie peu commune. « Étrange fille! » s’écrie Des Grieux, qui la traite de « charmante et perfide créature 2 ». Créature à deux visages, elle est tantôt indifférente et cynique, tantôt affectueuse et douce. Il lui arrive de railler Des Grieux pour sa simplicité. Mais séparée de son amour, elle pleure, multiplie les protestations enflammées quand ils se retrouvent, supporte avec courage la prison et l’exil.

En réalité, elle est moins immorale qu’amorale3. Ses pires actions, elle les accomplit avec ingénuité, sans songer à mal. Il suffit de voir son étonnement lorsque son chevalier lui reproche certaine initiative inattendue : elle lui envoie une fille à sa place. Si elle pèche, elle « pèche sans malice ». Et Des Grieux finit par porter sur elle un jugement net comme un diagnostic : « Elle est légère et imprudente, mais elle est droite et sincère. »

• Tiberge

Pour contrebalancer le charme pernicieux de la pécheresse, Prévost a imaginé Tiberge. « Un ami avec lequel j’avais été tendrement uni », dit le narrateur. Affection si forte qu’elle survit au mensonge, à la trahison. Tiberge, personnage austère, incarne la conscience, le devoir, la piété. Mais il a une telle largeur d’esprit, il témoigne au coupable un dévouement tel qu’il apparaît comme le seul personnage intégralement sympathique. Chaque fois que Des Grieux s’est placé dans un mauvais cas, il survient, grave, sermonneur, mais tout prêt à l’aider de sa bourse et de son crédit. Il n’hésite pas à s’embarquer pour l’Amérique, à courir les aventures afin de le sauver. Bien qu’il soit éclipsé par le couple fatal, sa présence est assez forte pour introduire un élément de stabilité dans cette extravagante histoire. Et pourtant, Tiberge est un être

1. P. 30. 2. P. 56. 3. L. Cellier, Manon et le mythe de la femme. L'Information littéraire, janv. 1953.

Bénédictin tenté par le jansénisme, il pense que l’hontime est faible, qu’il ne peut rien contre les surprises des sens. Le destin les lui impose. Manon revoit Des Grieux à Saint-Sul-pice ; son amant n’hésitc pas à la suivre, il est sans ressort, sans illusion : « Je vais perdre ma fortune et ma réputation pour toi, je le prévois bien. Je lis ma destinée dans tes beaux yeux, mais de quelle perte ne serais-je pas consolé par ton amour? » Fatalité surnaturelle, inspirant l’amour à ceux qu’elle a élus? Prévost semble croire parfois à une sorte de prédestination : certains êtres, trop sensibles, sont nés pour aimer. Ni la raison, ni l’estime n’interviennent dans leur choix. Les passions, il est « aussi impossible à la vertu de s’(en) défendre qu’à la sagesse de les prévoir ». Des Grieux connaît la valeur morale de sa bien-aimée. « Il est certain que je n’estimais plus Manon. Comment aurais-je estimé la plus volage et la plus perfide des créatures? » Toutefois, il ajoute : « Mais son image, les traits charmants que je portais au fond de mon cœur y subsistaient toujours. » Les deux jouvenceaux unissent leur sort : une force secrète les condamne à s’aimer. « Combattre la passion, c’est tenter de changer la nature *. »

Quelle puissance surhumaine les contraint à l’amour? Un dieu jaloux sc.plait-il à mystifier les pauvres mortels? « Par quelle fatalité, se demande Des Grieux, suis-je devenu si criminel? L’amour est une passion innocente; comment s’est-il changé pour moi en une source de misères et de désordres ? » Car l’amour engendre le mal et le malheur, fait, d’une aventure sentimentale, une tragédie qui s’achève dans les larmes et le sang. Comble de perfidie! Quand les amants croient leur bonheur stable et mérité, la Fatalité les accable. Punition infligée par la divinité à la créature que souille le péché originel. « Un coup du ciel? » « Providence impénétrable, qu’est-ce donc que l’homme ? Pourquoi le Ciel prend-il plaisir à ruiner ses félicités les mieux établies ? Est-ce pour lui apprendre qu’il n’en doit pas chercher dans les biens périssables de la terre *? » Prévost l’avoue : la passion est incompréhensible. L’homme la subit sans en connaître les

1. Le Doyen de Killerine, IX. 3. 131.

2. Mémoire, V, I. 266.

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« • Des Grieux Le narrateur est le personnage central, beaucoup plus que Manon.

Non seulement il est toujours en scène et lutte contre un destin que son amante se contente de subir, mais il donne à l'œuvre sa tonalité et son sens.

Pas plus que la jeune fille, il n'est décrit.

Aucun renseignement précis sur.

son visage, sa démarche, son aspect extérieur.

Il apparaît comme une .

créature un peu allégorique.

Au début, « vivante image de la douleur '" continuellement possédé par la passion, il incarne à la fois la souffrance et l'amour.

Nous apprenons qu'il a " une mise modeste '" qu'il répond cc honnêtement ''; c'est " un homme qui a de la naissance et de l'éducation "· Par la suite, quelques renseignements le présentent paré de multiples charmes.

Il a beau être « en fort mauvais équipage ,,, l'auteur, à Calais, remarque sa « physionomie trop belle pour n'être pas reconnue facilement "· Manon aime coiffer ses beaux cheveux et M.

de G.

M.

même est sensible à sa grâce.

Qu'importe qu'il soit originaire de P(éronne), qu'il appar­ tienne à la petite noblesse de province, que son père et son frère aîné, sympathiques par ailleurs, soient des hommes à principes! L'essentiel, c'est qu'il est un spectaculaire exemple des ravages que l'amour peut exercer sur une âme sensible.

Son cas serait banal, si sa passion n'avait pas les plus funestes conséquences.

Dans sa famille, au collège, une éduca­ tion austère étouffa son tempérament sensuel, exalté.

Élève modèle, il n'a « aucune peine • à pratiquer la vertu.

« J'ai l'humeur naturellement douce et tranquille.

• Il réussit bril­ lamment à ses examens, reçoit les félicitations de l'évêque, se destine à la prêtrise.

Après sa première fugue, en un temps où le charme de Manon n'a pas encore submergé sa raison, il retrouve, au séminaire de Saint-Sulpice, sans trop de peine, le climat innocent et scolaire de ses jeunes années.

Et tous de vanter la " sagesse et la retenue " de sa conduite.

L'influence de Manon va changer sa personnalité ou plutôt le révéler à lui-même.

Dès la première rencontre, il est fasciné, « excessivement timide et facile à déconcerter •; il fait la cour à une inconnue, l'enlève, rompant ·ainsi avec son passé, sa famille, l'être qu'il fut, se résignant à subir «l'ascendant" de sa destinée.

Un seul sentiment existe désor­ mais en lui, l'amour, qui lui réserve de courtes joies et de. »

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