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SOREL Charles : analyse et critique de l'oeuvre

Publié le 14/10/2018

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SOREL Charles (1599-1674). La Vraye Histoire comique de Francion (1623) fut le roman — et peut-être l’œuvre littéraire — le plus souvent réimprimé et sans doute le plus lu au xvnc siècle. Pourtant son auteur. Charles Sorel, est aujourd’hui peu connu. Cela tient au fait qu’il échappe aux catégories usuelles de l’histoire littéraire. Mais cet esprit indépendant fut un novateur, qui a ouvert plusieurs perspectives de la création et de la critique littéraires modernes.

 

Une carrière discrète

 

Un simple regard sur la chronologie de la carrière et de l’œuvre de Sorel suffit pour constater que sa vie reste peu connue; les seuls repères chronologiques un peu détaillés dont nous disposions sont les dates de ses œuvres (et encore utilise-t-il souvent l’anonymat...). Son existence fut délibérément discrète. Scs rares amis ont laissé à son sujet de maigres indications (dans les lettres de Gui Patin notamment) : elles donnent l'image d’un homme de santé fragile, effacé, taciturne. De fait, si son œuvre est abondante, sa carrière fut modeste.

 

Issu d’un milieu bourgeois parisien, formé au collège puis dans le monde de la justice, Sorel se consacra vite à la littérature. En 1635 — suivant une pratique de succession d’oncle à neveu très fréquente dans les milieux lettrés à cette époque —, il reprit à son oncle Charles Bernard une charge d’historiographe de France. Cette profession lui permettait de concilier son goût pour la littérature avec l’obtention d’une pension, peu élevée mais suffisante pour compléter ses ressources personnelles. On ne lui connaît pas d'autre emploi. Il n’était pas riche, et, lorsque sa charge fut supprimée, ses dernières années s’écoulèrent dans la gêne.

 

Il avait pourtant débuté brillamment dans le monde littéraire, se faisant remarquer très jeune; ce qui lui valut d’être appelé à collaborer avec un auteur en renom comme Théophile de Viau et avec un débutant d’avenir comme Saint-Amant, pour le livret d’un ballet de cour. Il fut, dans ces années, protégé par des Grands (Marcilly, Cramail), mais ne mena pas auprès d’eux une carrière animée comme l’étaient celles de ses collaborateurs d’un moment. Il fréquenta les cercles littéraires, les groupes de libertins et Gassendi, plus tard les salons où la galanterie était à l’honneur, le cercle réuni autour de Marolles. Il s’engagea, avec virulence, dans certaines controverses. Ainsi, lorsque Guez de Balzac publia ses Lettres (1624), il le critiqua violemment, sans doute parce qu’il lui gardait rancune de n’avoir pas soutenu Théophile de Viau lorsque ce dernier avait été poursuivi en justice. Plus tard, il polémiqua contre l’Académie et son historien, Pcllisson (Discours sur l’Académie, 1654), et contre Furetière : sa Relation de ce qui s'est passé au royaume de Sophie (1663) est une réponse à la Nouvelle allégorique des troubles survenus au royaume d‘Éloquence de Furetière (1658).

 

Malgré cela, on ne peut le ranger dans aucun clan de l’époque. Même s’il fut l’ami de Théophile, de Gui Patin, de Gassendi, il n’était pas libertin, au moins de façon avouée. Sa discrétion est celle d’un indépendant, et la rançon de son indépendance fut de n’être pas soutenu par une quelconque coterie ou chapelle littéraire.

 

Un polygraphe prolixe

 

Son œuvre est abondante. Elle ne comporte pas moins de quarante et un titres (non compris ceux qui lui ont été attribués sans preuve certaine), dont plusieurs gros volumes in-4°. Les genres les plus divers y sont abordés. La poésie ne l’a guère attiré; c’est toutefois par des vers qu’il se fit connaître d’abord. Par la suite, il composa aussi bien des discours, des œuvres mêlées dans le regis-

« tre galant, des Lettres morales et politiqu es (1641), des ouvrages de scie nce et même d'épistémologie (De la confusion et des erreurs des sciences, 1641) que des livres de morale ch rétienne (Pensées chrétiennes, 1634; la Perfection de L'homme, 1655).

Mais ses domaines de prédilection sont l'his toire - conformément à so n em p loi d'hi s torio grap he - .

la critique et l'histoire litté­ rai res, el surt out le roman, qui domine très nettement dans la première partie de sa production.

Cette diversité d'écriture est en partie dictée par la mode : Sorel compose de s vers de ballet de cour lo r sque ·ce genre a sa plus grande vogue; de s «Conversations» galan tes une géné ration plus tard, quand les salons apprécient ce type d'ouvrage .

Elle est aussi du e à la formation et aux habitudes des lettrés de l'époq ue, qui, « docte s » par formation, n'en doivent pas moin s déférer aux atte ntes d'un public so ucieux en majorité d'agré ment et de divertis seme nt, tout en donnant des gages aux pui s­ sants don t ils r eçoivent leurs sub sides.

On pourrait croire qu'e n touchant de la sorte un peu à to ut, Sorel n'a donn é jamai s que de s productions supe rfi ­ cielles.

Mais, soit facilité de plume (il déclare, dans l'Avertissement du Francion (1623), qu'il en a rédigé chaque jour l'équiv ale n t de trente pages d'imprimerie), soit conséquen ce d'un énorme travai l (assez peu mon­ dain, il consacrait sans doute de longues heur es à l'étude), ses écrits ne paraissent nullement bâclés ou insignifiants.

Et si ses ouvrag es historiques et scientifi­ ques semblent aujourd'hui bien dépassés, ses rom a n s et ses travaux de critique restent non seulement lisibles, mais d 'un réel int érêt.

Un initiateur du roman moderne A ses déb uts, Sorel com posa des roman s marqué s par Le goO t alors dominant pour l'hér o1sme et le registre pasto ral.

Ma is très vite il se tourna vers un romane sque cout différent et se fit l e promoteur en France de l'anti­ roman et de l'histoire comique.

« Anti-roman » : Je terme apparaît dans l'intitulé de l'Hi stoire dt~ berger Lysés (1633, mais l'attribution à Sorel e n est contestée) et transparaî t à travers Je titre même du Ber ger e:xtravagam (1627), dont la page ini­ tiale annonce qu 'on y « voit les impertine nce s des romans et de la poé sie ».

Ces ouvrages vise nt avant tout à dénoncer les fictions alors en vogue, 1 'héroïsme et les « bergeries >> de convention.

Ils toucha ien t donc directe­ ment au princ ipe du romanesque héroïque, qui éta it la liberté de fiction san s souci du vraisemblable .

So rel co nnut un certain succès avec de tels ouvrages, et le B erger extravagant eut maintes réé ditions.

Cependant, après la parution de ce liv r e, il se détourna de la littéra­ ture de fiction pendant vingt ans (si l'on met à part la Suite de Polyxène , 1634, d'attribution co ntestée).

Il y rev int avec le P olyandre (1648), qui app artient à un genre différent, celui de l'histoire comi que.

C'est avec des histoires comiques que So rel connut son plus grand succès (le Francion) et son plu s rude échec (le Polyandre).

L'hist oire comique (l'adjecti f était destiné à marquer la distinction d'avec l'« h éro ïque ») vise d'abord à la critique, le plus souvent par la gaieté, ma is sans mettre celle-ci au prem ier pla n de façon exc l us ive : La v raye histoire comique, selon les préceptes des meil­ leu rs Aut eurs, ne doit estre qu'aune peinture naïfve de tou· tes les diverses humeurs des hommes, avec des censures vives de la pluspart de leurs défaux , sous la simple appa ­ rence de choses joyeuses.

(K Advertlssement • de Polyandre) Ainsi le roma n > repose su r un principe esthétique op po sé à celui du roman héroïque : celui-ci propose des modèles idéaux de perfection ; ce.lui -là criti - q ue des travers présentés d'une façon. »

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