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STENDHAL AU SERVICE DE NAPOLEON

Publié le 14/03/2011

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stendhal

Stendhal arrive à Berlin juste à temps pour y assister à l entrée triomphale de Napoléon, et de là il est envoyé à Brunswick. Il transmet des ordres, rédige des rapports, se renseigne sur l'état des casernes, veille aux approvisionnements. Mais sa besogne ne saurait l'absorber tout entier. De même qu'à Milan il avait essayé d'apprendre la clarinette, il se met maintenant à l'étude du piano. Il va dans le monde, se fait présenter au roi de Prusse, fait les yeux doux à de blondes Allemandes, et offre son cœur à qui en voudra. Il porte un bel habit brodé et signe Henri de Beyle. Il circule en pays conquis, pour son service ou pour son agrément, séjourne à Bamberg, Altona, Harburg, chasse le cerf au fond des forêts. « Je suis ici un personnage, écrit-il à Pauline ; les Allemands me disent Monseigneur, les grands personnages français m'appellent Monsieur l'Intendant ; les généraux qui arrivent me font des visites; je reçois des sollicitations, j'écris des lettres, je me fâche contre mes secrétaires, vais à des dîners de cérémonie, monte à cheval, et lis Shakespeare. « Ce qui ne l'empêche pas de regretter le temps de sa bohème parisienne, le temps où il vivait « avec une seule paire de bottes trouées, sans feu au cœur de 1 hiver et souvent sans chandelle «; car il lui faut toujours autre chose que ce qu'il a.

stendhal

« envoyé.

Démarches sans succès.

Mais à Paris, où il s'en revient avec les vainqueurs de Wagram, une joie inespéréel'attend: il est nommé auditeur au Conseil d'Etat, et par surcroît « attaché à l'intendant général de la maison del'empereur, pour l'inspection et la vérification des différents objets de comptabilité et d'administration du garde-meuble ». Le titre est un peu long, mais quels horizons il croit voir s'ouvrir devant lui ! Ne sait-il pas, ne disait-il pas à Paulinequelques années plus tôt, qu'un auditeur peut « devenir ministre » ? Pourquoi Henri de Beyle ne deviendrait-il pasministre? En attendant, il est riche, riche comme jamais il ne l'a été ni ne le sera.

Près de 10.000 francs detraitement î C'est la grande vie.

Il s'offre un élégant appartement rue Neuve-du-Luxembourg, une voiture à deuxchevaux et un cocher, des déjeuners et soupers dans les restaurants à la mode, et, pour couronner le tout, uneactrice de l'Opéra-Buffa.

Il n'a plus rien à envier à ces bourgeois, à ces parvenus dont il parlait avec tant de haineet de mépris.

Pour cette fois, il s'écrie : « Rien ne me manque ! » En quoi il se trompe, et, quoiqu'il s'étudie sans cesse, c'est assez son habitude de se tromper sur son proprecompte.

Il est si loin de se tenir pour satisfait qu'il prend un congé et se sauve à Milan.

Il y retrouve la Pietragrua,l'Italienne qui, naguère, l'avait qualifié de « Chinois », mais qui demeurait sa princesse lointaine.

Elle se montre on nepeut plus accueillante et, son congé fini, il ne s'arrache de ses bras qu'en pleurant.

Il essuie ses larmes, reprend àParis son même train de vie fastueux, s'en lasse de nouveau, et dès qu'éclate la guerre avec la Russie, il demande às'en aller là-bas, quoique personne ne l'y oblige, pour rien, pour le plaisir, pour voir d'autres aspects de la vie. Chargé de mission, il ne tarde pas à rejoindre Daru en territoire russe, entre dans Smolensk qui brûle, puis à Moscou,qui va brûler, et de là il écrit le 4 octobre à son ami Félix Faure : J'ai laissé mon général (Daru) soupant au palais Apraxine.

En sortant et prenant congé de M.

Z...

dans la cour, nousaperçûmes qu'outre l'incendie de la ville chinoise, qui allait son train depuis plusieurs heures, nous en avions auprèsde nous; nous y allâmes.

Le foyer était très vif...

Nous nous retirâmes à une heure, après avoir lâché force lieuxcommuns contre les incendies, ce qui ne produisit pas grand effet, du moins pour nos yeux... Les domestiques arrangeaient la maison et nous allions enfin respirer, quand M.

Daru, rentrant, nous annonce qu'ilfaut partir.

Je pris la chose avec courage, mais cela me coupa bras et jambes. Je pillai dans la maison, avant de la quitter, un volume de Voltaire, celui qui a pour titre « Facéties ». Nous ne nous mîmes guère en route que vers sept heures.

Nous rencontrâmes M.

Daru furieux.

Nous marchionsdirectement vers l'incendie, en longeant une partie du boulevard.

Peu à peu, nous avançâmes dans la fumée, larespiration devenait difficile; enfin nous pénétrâmes entre des maisons embrasées.

Toutes nos entreprises ne sontjamais périlleuses que par le manque absolu d'ordre et de prudence.

Ici une colonne très considérable de voituress'enfonçait au milieu des flammes pour les fuir.

Cette manœuvre n'aurait été sensée qu'autant qu'un noyau de villeaurait été entouré d'un cercle de feu.

Ce n'était pas du tout l'état de la question; le feu tenait un côté de la ville, ilfallait en sortir; mais il n'était pas nécessaire de traverser le feu, il fallait le tourner. L'impossibilité nous arrêta net; on fit faire demi-tour. En revenant, nous trouvâmes sur le boulevard le général Kirgener, dont j'ai été très content ce jour-là.

Il nousrappela à l'audace, c'est-à-dire au bon sens, et montra qu'il y avait trois ou quatre chemins pour sortir. Nous en suivions un vers les onze heures, nous coupâmes une file, en nous disputant avec les charretiers du roi deNaples.

Je me suis aperçu ensuite que nous suivions la Tverskoi ou rue de Tver.

Nous sortîmes de la ville, éclairéepar le plus bel incendie du monde, qui formait une pyramide immense qui avait, comme les prières des fidèles, sabase sur terre et son sommet au ciel.

La lune paraissait au-dessus de cette atmosphère de flamme et de fumée.C'était un spectacle imposant, mais il aurait fallu être seul ou entouré de gens d'esprit pour en jouir.

Ce qui a gâtépour moi la campagne de Russie, c'est de l'avoir faite avec des gens qu'auraient rapetissé le Colisée et la mer deNaples. Après quoi, il accompagne nos soldats en retraite jusqu'à la Bérésina, parvient à la franchir quelques heures avanteux, et, dès lors, bien installé dans sa voiture ou son traîneau, prenant les devants, précédant même Daru deplusieurs lieues, s'arrêtant seulement à Kœnisberg pour entendre un opéra de Mozart, il s'en retourne tranquillementà Paris, « blasé pour toujours sur les plaisirs de la neige », un peu maigri, mais sain et sauf et, en somme, plusgaillard que jamais. Revenir de Moscou, quand tant d'autres sont restés en route, cela doit lui donner droit à un bel avancement.

Ilaccepterait d'être maître des requêtes ou préfet, et il se flatte en outre d'être prochainement baron, pour peu queson père consente à lui constituer un majorat.

Il ne devient ni baron, ni préfet, ni maître des requêtes, mais estrappelé en avril 1813 à l'armée qui s'apprête à faire face, dans les plaines de la Saxe, à l'Europe coalisée.

Le 21 mai,il écrit sur son carnet, pendant que le canon gronde : Le 19, nous partons à onze heures; en admirant les charmantes collines à la droite de la route, je notais au crayonque c'était une belle journée de « beylisme », telle que je me la serais figurée, et avec assez de justesse, en 1806.. »

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