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Sujet : Un écrivain peut-il être sincère?

Publié le 27/06/2015

Extrait du document

«,Qui que vous soyez qui voulez connaître tin homme, osez lire les deux ou trois pages qui suivent, vous allez connaître à plein J.-J. Rousseau «, peut-on lire dans le septième livre des Confissions.

«Osez lire « : même défi toujours renouvelé, même injonc­tion à lire en dépassant son courage, même appel à une lec­ture qui est une transgression, comme l'écriture même des Confessions en est une. C'est à ce second niveau qu'apparaît à présent la question de la sincérité.

 

Dès qu'elle occupe le champ de l'écrit, la vérité d'une confession qui cesse d'être une confidence est passible de devenir transgression; le défi lancé par Rousseau à son lecteur répond donc à la conscience qu'il possède d'un mal dont l'aveu est encore, pour la conscience moyenne, un coup de force insupportable : Rousseau triomphe du mal, par une confession hyperbolique et provocante, par l'excès même de l'aveu. La vérité qui-n'est-pas-toujours-bonne-à-dire, il l'écrit, et installe en cette écriture, à la manière d'un « pri­mitif « qui assure son triomphe en exhibant l'amas considé­rable de ce qu'il va donner et que l'on ne pourra, espère-t-il lui rendre en valeur égale, le don de sa sincérité et le défi à quiconque d'en prouver une aussi totale.

« divine, ni Rousseau cherchant à rappeler à lui, par-delà un livre écrit contre la mort, ses traîtres amis et ses traîtres amours, n'échappent à ce trait.

L'acte d'écriture ne semble alors être sincère que comme l'est la quête d'amour qu'il traduit: mais la véridicité du discours sur soi ne souffre-t-elle pas de ce que ce discours soit par sa fonction même un dis­ cours de séduction? La foi de saint Augustin et la bonne foi de Rousseau se ressemblent en ce qu'elles sont à la fois séductrices d'elles­ mêmes (nous dirions aujourd'hui narcissiques) et exhibition­ nistes (c'est-à-dire séductrices d'autrui).

Mais la quiétude d'Augustin, confiant en Dieu et écrivant sur une période lointaine de sa vie, ne nous retiendra pas tant ici que l'inquiétude de Jean-Jacques dontl'écriture elle-même est traversée de déchirements.

C'est en cela précisément que Rousseau nous attache : ce qu'il met à nu avec un acharnement qui ne peut laisser place qu'à la transparence, c'est sa propre misère, ses malheurs les plus intimes et les plus étouffés, comme sa propre gran­ deur : ~ Je me suis montré tel que je fus, méprisable et vil quand je l'ai été, bon, généreux, sublime, quand je l'ai été :j'ai dévoilé mon intérieur tel que tu l'as vu toi-même.

Etre éternel, rassemble autour de moi l'innombrable foule de mes semblables : qu'ils écoutent mes confessions, qu'ils gémissent de mes indignités, qu'ils rougissent de mes mis~res.

Que chacun d'eux découvre à son tour son cœur au pied de ton trône avec la même sincérité,· et puis qu'un seul te dise, s'ill' ose :je fus meilleur que cet homme-là.

» A l'appui de cette protestation de sincérité et de ce défi, on peut convoquer tour à tour les scènes où Rousseau se peint en proie aux tourments charnels de l'adolescence, ou celle des hésitations douloureuses du désir lorsqu'il découvre avoir peur de posséder physiquement Mme de Warens.

Ce dernier passage est particulièrement étonnant, car la sincérité s'y cherche dans l'écriture : « ]'aurais voulu lui dire : non, ma111an il n'est pas nécessaire; je vous réponds de moi sans cela; mais je n'osais,· premièrement parce que ce n'était pas une chose à dire, et puis parce qu'aufondje sentais que cela n'était pas vrai, et qu'en effet il n'y avait qu'rme femme qui puisse me garantir des autres femmes et me mettre à l'épreuve des tentations.

)) Cette retraite apeurée de Jean-Jacques vers sa réserve et -94-. »

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