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Taine a dit d'Alfred de Musset : « On ne l'a point admiré, on l'a aimé. C'était plus qu'un poète, c'était un homme. » Que pensez-vous de ce jugement ?

Publié le 14/02/2012

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musset

Ce jugement d'Hippolyte Taine risque d'être mal interprété si on le prend au pied de la lettre. L'historien et critique semble, en effet, affirmer que Musset ne fut point admiré; en réalité, il veut seulement faire entendre qu'il a été beaucoup plus aimé qu'admiré. Il paraît aussi lui refuser le titre de poète, ou au moins n'y attacher qu'une médiocre importance; tandis que, usant du même procédé elliptique, il signifie par là que l'auteur des Nuits a fait passer dans son oeuvre toute son humanité. Les deux propositions de Taine s'expliquent l'une par l'autre et peuvent se formuler ainsi : «Musset a été beaucoup plus aimé qu'admiré parce qu'il était un homme avant d'être un poète.«

musset

« toujours : nous n'en pouvons ecouter un autre; tous, a cote de lui, nous semblent froids ou menteurs.

» Taine exagere, evidemment.

A nous d'etablir dans quel sens et dans quelle mesiire Musset fut un poete admire et un homme aline. Malherbe estimait qu'un bon poke n'est pas plus utile a 1'Etat qu'un bon joueur de gullies.

D'autres, au contraire, exaltent la fonction du poke; Lamartine, Hugo, Vigny le considerent volontiers comme la voix univer- selle du genre humain, le flambeau destine a eclairer le monde.

Musset n'eut jamais de pareilles pretentious; il a du poke une tres haute idee, comme le prouvent les vers cites, mais it ne voit pas en lui un mage, un prophete, un guide des nations.

Il refuse le titre de poke a l'ecrivain capable de concevoir de beaux vers, corrects et elegants, sonores et grandiloctuents, sans avoir eprouve a aucun moment dans les profondeurs de son ame ces sentiments, as fremisse- ments, ces dechirements auxquels on reconnait l'homme.

L'art du poke comporte, en effet, une technique des procedes auxquels recourt celui qui manque d'inspiration.

Quand l'art domine, l'homme disparait.

A plus forte raison si celui-ci s'asservit a une ecole, a un cenacle oil tout est convention et mode.

L'influence de ces coteries est presque toujours 'Waste; elle corn- prime la nature, diminue humanite 2.

du poke. Musset, reconnaissons-le, fut poete avant d'être homme.

De 17 a 20 ans, it n'est guere qu'un rimeur plein d'esprit, l'enfant terrible de « la boutique romantique b.

Il fait de l'extravagant, du saugrenu, du sepuleral, du lunaire. Il s'amuse et il nous amuse.

Il jongle avec des rimes opulentes coud a des rythmes finales.

A 20 ans, ii secoue le joug des cenacles, tourne en ridicule les credos poetiques, rompt avec le clinquant romantique, rejette « l'historique, le moyenageux, l'oriental ) et s'ecrie : Sachez-le, c'est le cceur qui parte et qui sou pine... Toutefois ilest encore poke plus qu'homme jusqu'a la crise senti- mentale, jusqu'au roman tragique qui partage en deux sa vie : Avant Venise, apres Venise (1810-1833; 1833-1857).

Desormais il realise 11(160 qu'il s'est fait du poke, affranchi de tous les jougs, dedaigneux de tous les artifices, ne mettant plus rien dans ses vers que sa personnalite, les emotions de son cceur, les fantaisies de son caprice.

Il est l'amant douloureux des Nuits, qui confesse sans deguisement ses pitoyables faiblesses, qui chante les tortures de son « dur martyre 2.; il est le heros de Fantasio, qui s'ennuie spirituellement, le pensionnaire de 1' « hotel des haricots 2., qui plaisante comme Marot jadisses mesaven- tures.

Homme, it ne laisse pas d'etre poke, il est meme le type du poke pur, tel qu'il l'a revel Plus poete, certains egards, que Lamartine de qui on a pu dire : c'est plus qu'un poke; c'est la poesie meme.

Lamartine a voulu jouer un role politique, it s'est drape dans la toge du tribun, il a ate, durant quelques jours, l'arbitre des destinees de son pays; il a pretendu etre « la voix de ceux qui n'en ont pas ), it s'est penche sur les maux de la societe et a eprouve en son ame tous les maux de ses fares, a preche la reconciliation des peuples et la fraternite universelle.

Plus poke que V.

Hugo, lui aussi male aux luttes de son temps, homme de parti, poursuivant de ses haines tenaces ceux qui avaient a ses yeux le grave tort de ne point evoluer en meme temps que lui : L'homme absurde est celui qui ne change jamais... toujours en proces avec ses libraires et edifiant methodiquement, hour- geoisement, une immense fortune. Musset, lui, n'aspire a aucun poste en vue, ne se croit point investi d'une mission, ni mis au monde pour s'enrichir.

Ecoutons-le s'exprimer sur ce sujet avec sa desinvolture coutumiere dans un parallele entre le Poete et le Prosateur (1849) « Ne demandez pas au poete de se meler de politique et de raisonner sur telle circonstance qui se passerait meme a deux as de lui : il ignore ces jeux de la fantaisie et ces variations de l'espece humaine; it ne connait qu'un homme, celui de tous les temps.

Le poke n'a jamais songe que la terre tourne autour du soleil; il est indifferent aux affaires publiques, negligent des siennes, c'est assez pour lui, des ouvrages de la nature...

2. toujours : nous n'en pouvons écouter un autre; tous, à côté de lui, nous semblent froids ou menteurs.

» Taine exagère, évidemment.

A nous d'établir dans quel sens et dans quelle mesure Musset fut un poète admiré et un homme aimé.

Malherbe estimait· 9u'un bon poète n'est pas plus utile à l'Etat qu'un bon joueur de quilles.

D autres, au contraire, exaltent la' fonction du poète; Lamartine, Hugo, Vigny le considèrent volontiers comme la voix univer­ selle du genre humain, le flambeau destiné à éclairer le monde.

Musset n'eut jamais de pareilles prétentions; il a du poète une très haute idée, comme le prouvent les vers cités, mais il ne voit pas en lui un mage, un prophète, un guide des nations.

., Il refuse le titre de poète à l'écrivain capable de concevoir de beaux vers, corrects et élégants, sonores et grandiloqpents, sans avoir épro1,1vé à aucun moment dans les profondeurs de son ame ces sentiments, c~s frémisse­ ments, ces déchirements· auxquels on reconnaît l'homme.

L'art du poète comporte, en effet, une techni9ue des procédés auxquels recourt celui qui manque d'inspiration.

Quand l art domine, l'homme disparaît.

A plus forte raison si celui-ci s'asservit à une école, à un cénacle où tout est convention et mode.

L'influence de ces coteries est presque toujours néfaste; elle com­ prime la nature, diminue l' « humanité » du poète.

Musset, reconnaissons-le, fut poète avant d'être homme.

De 17 à 20 ans, il n'est guère qu'un rimeur plein d'esprit, l'enfant terrible de « la boutique romantique».

Il fait de l'extravagant, du saugrenu, du sépulcral, du lunaire.

Il s'amuse et B nous amuse.

Il jongle· avec des rimes opulentes qu'il coud à des rythmes difficiles.

A 20 ans, il secoue le joug des cénacles, tourne en ridicule les credos poétiques, rompt avec le clinquant romantique, rejette « l'historique, le moyenâgeux, l'oriental » et s'écrie : · Sachez-le, c'est le cœur qui parle et qui soupire ...

· Toutefois il est encore poète plus qu'homme jusqu'à la crise senti­ mentale, jusqu'au roman tragique qui partage en deux sa vie : Avant Venise, après Venise (1810-1833; 1833-1857).

Désormais il réalise l'idéal qu'il s'est fait du poète, affranchi de tous les jougs, dédaigneux de tous les artifices, ne mettant plus rien dans ses vers que sa personnalité, les émotions de son cœur, les fantaisies de son caprice.

Il est l'amant douloureux des Nuits, qui confesse sans déguisement ses pitoyabl~s faiblesses, q_ui ch~nte les.

tortl!r.es de son « dur m.artyr~.

»; il est le heros de Fantaszo, qm s'ennme sp1ntuellement, le penswnnaue de l' « hôtel des haricots », qui plaisante -cômme Marot jadis -ses mésaven­ tures.

Homme, il ne laisse pas d'être poète, il est même le type du poète pur, tel qu'il l'a rêvé! Plus poète, à certains égards, que Lamartine de qui on a pu dire : c'est plus qu'un poète; c'est la poésie même.

Lamartine a voulu jouer un rôle politique, il s'est drapé dans la toge du tribun, il a été, durant quelques jours, l'arbitre des destinées de son pays; il a prétendu être «la voix de ceux qui n'en ont pas », il s'est penché sur les maux de la société et a éprouvé en son âme tous les maux de ses frères, a prêché la réconèiliation des peuples et la fraternité universelle.

Plus poète que V.

Hugo, lui aussi mêlé aux luttes de son temps, homme de parti, poursuivant de ses haines tenaces ceux qui avaient à ses yeux le grave tort de ne point évoluer en même temps que lui : L'homme absurde est celui qui ne change jamais ...

toujours en procès avec ses libraires et édifiant méthodiquement, bour­ geoisement, une immense fortune.

Musset, lui, n'aspire à aucun poste en vue, ne se croit point investi d'une mission, ni mis au monde pour s'enrichir.

Ecoutons-le s'exprimer sur ce sujet avec sa désinvolture coutumière dans un parallèle entre le Poète et le Prosateur (1849) : « Ne demandez pas au poète de se mêler de politique et de raisonner sur telle circonstance qui se passerait même à deux ~as de lui : il ignore ces jeux de la fantaisie et ces variations de l'espece humaine; il ne connaît qu'un homme, celui de tous les temps.

Le poète n'a jamais songé que la terre tourne autour du soleil; il est indifférent aux affaires publiques, négligent des siennes, c'est assez pour lui.

des ouvrages de la n.ature, ..

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