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THIERS Adolphe (vie et oeuvre)

Publié le 08/11/2018

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thiers

THIERS Adolphe (1797- 1 877). Sa longévité, tout « foutriquet » qu'il ait été de sa personne, fait que Thiers présente plusieurs personnages si contrastés que lui trouver une unité n'est guère facile. Retiendra-t-on les tendresses d’une adolescence au giron, ou l'impitoyable détermination du fusilleur de la Commune, les fièvres du jeune Méridional dont Talleyrand peut brocarder la réussite d'un « il n'est pas parvenu, il est arrivé » ou les marmoréennes vertus auxquelles la République naissante recourt pour amadouer Bismarck puis consacrer « le régime qui nous divise le moins »?

 

Thiers a le verbe etla plume faciles. Avocat maussade à Aix après les Cent-Jours, il apaise son impatience à l'égard d'une vie sans grandes causes en publiant toutes sortes d'opuscules, pièces légères, mémoires philosophants, divertissements, susceptibles, au surplus, de lui faire un nom sur la place.

 

Mais tandis que les cercles aixois lui concèdent quelque renom, 1' été 1821 voit l'Académie couronner son ami Auguste Mignet pour De la féodalité, l'ouvrage auquel ce dernier a, durant ces années grises, consacré obscurément son énergie. Appelé à Paris, Mignet s'y met aussitôt à la mode, et il attire son protégé et ami.

 

Dans l'ombre d'un Mignet rapidement célèbre, Thiers devient au Constitutionnel ce que son ami est déjà au Courrier français : l'éditorialiste caustique de la presse d'idées persécutée par le régime. Mais c'est à notoriété égale déjà qu'ils participent, avec Armand Carrel, à l'entreprise du National, journal au titre insolent qui tout à la fois provoque les Bourbons, affine l'alternative orléaniste et pilote la révolution de 1830, celle des Trois Glorieuses. Pour Thiers, le jour de gloire est arrivé.

 

A trente-trois ans il entame une fulgurante carrière ministérielle, devient député des Bouches-du-Rhône, noie le légitimisme dans le ridicule qui accueille l' équipée de la duchesse de Berry, et l'insurrection populaire dans le sang du cloître Saint-Merri. Le publiciste Jibéral qu'il était organise le muselage de la presse. Apre à gouverner comme il était ardent à polémiquer, il indispose les orléanistes eux-mêmes; écarté en 1840, il prend figure d'opposant, et, en 1848, apparaît comme un recours, entre un passé déchu et l'aventure entrevue. Le tacticien qui, en 1830, a amené Louis-Philippe au trône, pressent en Louis Napoléon un autre «crétin que l'on mènera ». Plus catégoriquement déçu par le nouveau souverain, il sera aussi un opposant plus précoce et plus incisif. Aussi lorsqu'un scénario comparable permet la création d'un troisième régime, la IIIe République, la position de Thiers est désormais suffisamment établie pour lui permettre d'incarner cette légitimité qu'il a chaque fois paru nécessaire de greffer sur le régime nouveau.

 

Durant cette seconde moitié de sa longue existence, Thiers élabore une grande œuvre oratoire, toute modelée par la posture qu'il se donne dès que le pouvoir tourne chez lui la fougue en morgue, et plus encore lorsque la perte de ce pouvoir a rendu la fougue à sa morgue : celle d'un sage amer, caustique et narquois. Son style est posé, disert, sans véritable souci d'éloquence. L'originalité de Thiers, à cet égard, est de déplacer son discours, depuis le registre émotionnel que touche ordinairement la rhétorique des assemblées du temps, vers le niveau de l'explication descriptive. Affectant, une fois parvenu, de négliger les commodités d'un verbe qu'il maîtrise à plaisir, il impose les vertus d'un mode oratoire technocratique avant la lettre, développant tous les sujets avec un soin pédagogique redoutable. Il y gagne, en chaque période d'incertitude, de désarroi ou d'irrésolution, le privilège d'incarner la force de conviction.

 

Tout différent est le caractère de l'œuvre d'historien et de publiciste par laquelle il s'est d'abord fait connaître.

 

L'Histoire de la Révolution française, qu'il donne en 1823-1827, tient le juste milieu entre la faconde de ses premiers écrits et la réflexion plus acérée qui donne ses arêtes à la presse libérale d'avant 1830. L'Histoire du Consulat et de l'Empire, rédigée de 1845 à 1862, tout en poursuivant cette veine, y incorporera toutes les visées d'un pouvoir politique achevant sa maturation.

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« Mignet, engagé dans le même projet avec un tout autre soin, se révèle aussi le souci de verser au doss ier du mouvement libéral un document roboratif.

A l'heure où l' image de la Révolution, confondue d'ailleurs par les ultras avec celle de Napoléon, est universelle ment défi­ gur ée, sur fond de guil lotine et de massa cres guerri ers, Thiers fait voir une intention généreuse et pacif ique , triomphant ensanglantée de l'adversité .

La Révolution qu 'il dépeint est simultanément une épopée picaresque, l'e ncha înemen t des journé es et des épisod es, et le chemi­ nement des principa ux acquis de la Raison voltairienne.

Sa ns que cette connexion soit le moins du monde pensée, ce tte signif ication d'ens emble est cousue aux périp éties de cette période, quelque incohérent que parai sse l'en­ cha înement de celle-ci au rega rd même de cette signi­ fi ca tion.

Il revient donc au ton épique de la narrati on, à la forme descriptive de la phr ase, d'apporter par sugges­ tion, grâce à l'unité de style, l'idée d'une cohérence entre pla n sur lequel se déploie l'idéologie et les scènes viva ntes qui se succèdent.

Au contrair ·� du procédé qui, dan s l'arène politique, fa it résid er la force de Thiers dans sa capacité à pa rler con crètement des problèm es, c'est dans l'opération de subli mation rhétorique que tient tout entière la capacité de conv aincre je l'ouvra ge.

Thiers offre à cet égard une figure extrêmement inté­ re ssa nte de la pensée politique du XIXc siècle dans la mes ure où, conjointement, il orga nise les noces de l'in­ fo rmati on histo rique et de l'idéologie par l'entr emise d' un style historien à la fois narratif et entraînant, et expér imente le réa lism e sans phras es dans le disco urs pa rlementaire .

Cynisme gest ionnaire et emphase de la mémoir e révo­ lutionn aire const ituée en idéologie se révèlent pouvoir fo rmer un tout, s'équili brer l'un l'aut re, et ne se distin­ guer dans leur fonctionnement que par la spécia lisa tion de deux lang ues dont, sous la Révol ution encore, le tronc co mmun serv ait aux deux emploi s.

A travers ch acun de ces deux langage s, Thiers marque en quelque sorte les bornes entre lesquelles s'inscr it le questio nnement de Tocqueville sur la nature du système poli tique qui les unit : celle de l'autorité efficace et celle de l'exaltation communicat ive.

BIB LIOGRAPHIE Œuvre s.

HiHoire de la Révolution française, 10 vol .

in 8 °, Pari s, la Mon archie de 1830, Pari s, 1831; Du droit de prop riété, Paris, 1848; Histo ire du Cons ulat et de l'Em pir e, 20 vol.

in 8 °, Pari s, 1845 1862 (extraits présentés par R.

Girar det, Laffont, 19'72); Hist oire de Law, Pari s, 1858; édition com plète des Disc ours pa rlement air es de M.

Thiers, par M.

Colman, séna teur, académ icien, 16 vol.

in 8°, Pari s, 1879 1889.

À consulter.

P.

Guira1, Thier s, Fayard , 1 , , , ,. »

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