Tout roman d'apprentissage est-il celui des illusions perdues?

« Le~~~t~~s~ ~u désenchantement La désillusion est progressive, épousant la structure chronologique du roman d'apprentissage: l'arrivée à Paris confronte le héros à la solitude et à la pauvreté.

D'où la nécessité de l'initiateur qui lui fournira les clefs d'un univers inaccessible (Lousteau, Vautrin).

Mais l'entrée dans le monde se paie au prix fort, économique ou moral: les dettes de Victurnien d'Esgrignon, l'acceptation de la corruption ambiante (Lucien prostitue son talent dans le journalisme).

Chaque étape est une mise à l'épreuve qui exige du héros le renoncement à une part de lui-même, entamant ses rêves.

Il -UN BILAN À NUANCER Des conti:e~.~~~'!lJ>I.~.s Si Claude, le peintre de Zola, se suicide, Sandoz réussit à créer !'oeuvre dont il rêvait.

Il est le seul du groupe, mais il prouve que l'échec n'était pas fatal.

Nulle désillusion chez lui, mais la soumission à un bonheur bourgeois et à une vie consa­ crée au travail créateur.

De même, Étienne Lantier: il sort certes vaincu de la grève, mais il n'est plus seul.

Son apprentissage est réussi: il a appris un métier, il a découvert l'amour avec Catherine, il sort de !'épreuve avec une conscience nouvelle.

~'!l~i~.i_iït~-~-~-1' ex_p!:~S,~ion « illusion~ ...

J>~!~u-~~ » Elle semble impliquer une déception, mais elle peut signifier aussi une expé­ rience positive: celle d'une lucidité nouvelle, d'un abandon des chimères de l'ado­ lescence.

Julien Sorel découvre à la fin du roman le bonheur et l'amour: «l'ambition était morte en son coeur, une autre passion y était sortie de ses cendres ».

Le Rouge et le Noir est le roman d'une désillusion créatrice, le passage du mensonge à l'authenticité.

Ill -ROMAN D'APPRENTISSAGE ET RÉALISME «La forme de la virilité mûrie » Comme l'a montré Lukacs, le roman se sépare de l'épopée: dans celle-ci l'individu n'est pas séparé de la communauté, vivant au sein d'une totalité; dans celui-là, l'homme découvre un monde où le sens de son existence est devenu pro­ blématique.

Et le roman d'apprentissage décrit ce divorce douloureux entre l'idéal et le réel.

Aussi le roman d'apprentissage va-t-il décrire l'inévitable conflit entre les aspi­ rations individuelles et la réalité du monde social, «le conflit entre la poésie du cœur et la prose des relations sociales »(Hegel).

~1:1~.!~.Ç~!_l-~e réalisme Pour douloureux qu'il soit, ce conflit est le moyen d'une maturation du person­ nage, devenu plus lucide sur la société et sur lui-même.

Ainsi Julien Sorel découvre-t-il la vanité de son ambition et accède à une forme de sagesse qui lui per­ met d'affronter la mort.

Bien plus, les épreuves qui jalonnent l'apprentissage sont le moyen pour le per­ sonnage de faire ses preuves, d'actualiser ses qualités et ses possibilités.

L'échec de Frédéric Moreau tient à son incapacité d'agir.

La réussite de Rastignac est la consé­ quence de son énergie.. »