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Un éditeur contemporain présente ainsi une collection d'ouvrages littéraires : « La modernité n'a rien à voir avec la date de parution. Des textes écrits il y a plusieurs siècles sont résolument modernes. Ils répondent parfois mieux que des oeuvres plus récentes à nos préoccupations et à notre soif de beauté. » Partagez-vous ces opinions ? Vous appuierez votre réponse sur des analyses tirées de vos lectures.

Publié le 17/01/2022

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Quels rapports entretient une oeuvre littéraire avec le temps ? Est-elle de son temps, à la mode, d'avant-garde ou est-ce le propre des chefs-d'oeuvre que de se situer hors du temps ? Un éditeur contemporain affirme par exemple que ( la modernité n'a rien à voir avec la date de parution. Des textes écrits il y a plusieurs siècles sont résolument modernes. Ils répondent parfois mieux que des oeuvres plus récentes à nos préoccupations et à notre soif de beauté. »

« réclamera-t-il une autre expression pour son angoisse métaphysique ? L'oeuvre qui répond exactement à la demandedu public connaît le succès.

Au pire, elle est à la mode, ce qui sous-entend qu'elle se démodera.

Au mieux, ellereprésente une époque ce qui équivaut à dire qu'elle vieillira... Par leur langue, leur style, les circonstances personnelles, politiques, religieuses ou esthétiques qui ont présidé àleur naissance, les oeuvres s'enracinent dans leur époque et sont donc susceptibles de ne pas nous plaireaujourd'hui.

Faut-il en déduire que le chef-d'oeuvre est toujours d'avant-garde ou même qu'il est intemporel ? Selon le jugement de cet éditeur contemporain, la date de composition n'explique en rien le succès ou l'insuccèsd'une oeuvre littéraire.

En quoi des oeuvres objectivement éloignées de nous peuvent-elles répondre à nos «préoccupations » et à notre « soif de beauté «? Ce point de vue est bien évidemment contradictoire à première vue.

Les relations d'argent et d'héritage de L'Avare, l'inceste non consommé de Phèdre, la prétendue immoralité d'Emma Bovary nous semblent bien décalés par rapport à notre mentalité moderne.

Pourtant ces oeuvres, comme tant d'autres, continuent d'être lues et appréciées.

Enréalité, au-delà des détails qui les enracinent dans leur époque, elles mettent en scène les grandes préoccupationsintemporelles de l'homme.

Que nous importe finalement qu'Harpagon porte « une fraise à l'antique » déjà démodée àl'époque ? L'important réside dans la rivalité amoureuse entre le père et le fils, sujet que la psychanalyse traiteraquelques siècles plus tard.

De même, nous sourions devant les passages incriminés par la justice lors du procès deMadame Bovary, mais demeure la peinture de l'ennui, du mariage raté et des adultères de compensation.

Ces quelques exemples montrent que les chefs-d'oeuvre (et c'est peut-être un élément de leur définition) peignent lanature humaine dans ce qu'elle a d'intemporel.

La psychologie demeure, elle, intacte dans ses grandes lignes,ambition d'un Rastignac ou d'un Julien Sorel, ennui de Madame Bovary, du héros de La Nausée, des héros des Choses de Pérec, amour de Frédéric Moreau ou de Colin dans L'Écume des jours.

Les relations humaines qui se tissent entre les êtres sont toujours faites d'amour et de répulsion, d'argent, d'exploitation ou d'altruisme que leshéros soient ceux de Madame de La Fayette, de Racine, d'Aragon (« La première fois qu'Aurélien vit Bérénice, il nelui trouva rien d'extraordinaire », phrase inaugurale d'Aurélien d'Aragon) ou de Zola.

C'est pourquoi au-delà d'une actualité mouvante, les oeuvres de poids répondent à nos préoccupations, témoignent que des individus se sontposé les mêmes questions et ont tenté d'y apporter des éléments de réflexion. Cependant, il ne faudrait surtout pas limiter l'oeuvre à un message ou à un quelconque répertoire de recettes.L'oeuvre vaut par son esthétique.

Plus que « ce qu'elle dit », importe « comment elle le dit ».

Les thèmes finalementne sont pas innombrables.

On célèbre, depuis l'Antiquité, l'amour, la fuite du temps, la femme, l'enfance, la nature,la mort ; depuis un peu moins longtemps, la vitesse, la grande ville, l'ailleurs quel qu'il soit.

Ce qui prévaut est doncl'expression, qui elle, en dépit de son outil unique, la langue de l'auteur, est sujette à de multiples variations.

Onn'en finirait pas d'énumérer toutes les ressources stylistiques des auteurs : sonnets de Ronsard, versets claudéliens,symbolique de Baudelaire, images audacieuses de Rimbaud pour évoquer la nature.

Poètes de l'amour, de la femme,des jardins, de l'enfant, de la ville ; toutes ces anthologies thématiques soulignent combien l'expérience et lesentiment de beauté créé chez le lecteur sont, en revanche, inoubliables.

Eux seuls attestent de l'authenticité del'oeuvre et de l'artiste.Cette problématique de l'oeuvre et du temps permet de définir en partie le chef-d'oeuvre.

Peut-être est-ce uneoeuvre qui résiste au temps parce qu'elle introduit dans sa peinture de l'homme et du monde, de même que dans sonesthétique, une part d'intemporalité.

Le chef-d'oeuvre tend un miroir à l'homme de tous les temps, de tous les lieuxgéographiques et sociaux.

N'est-ce pas ce que revendique le classicisme au sens large du terme ?L'oeuvre artistique s'enracine dans son époque par sa langue, sa mentalité, son esthétique, les circonstances quiprésidèrent à sa genèse.

Pourtant, tout cela peut n'être pas un obstacle si elle contient cette part d'éternité qui lafait connaître et reconnaître de chacun à travers le temps et l'espace.

En fait, l'oeuvre d'art se situe aux antipodesde l'objet produit par la société de consommation.

Elle n'est pas conçue pour plaire à un public donné, elle ne répondpas à une attente auparavant définie (si ce n'est créée) par une étude de marché et elle ne doit pas êtreconsommée rapidement et aisément.

Son rapport au temps est entièrement différent : elle défie les modes, semoque de plaire ou de déplaire, elle anticipe sur les goûts du public et conquiert ses lettres de noblesse en résistantà l'usure du temps.. »

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