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Un jeune homme rend visite au châtelain de Ferney. « Ame sensible », il connaît le tourment des aspirations vagues et des dissolvantes tristesses : il se sent désarmé devant les obligations de la vie. Voltaire, au cours d'une conversation que vous reproduirez, commente le mot de Candide : « Il faut cultiver notre jardin. »

Publié le 13/03/2011

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   Deux parties : l'une où le jeune visiteur exposera ses tristesses et son découragement, — l'autre où Voltaire lui donnera des conseils d'énergie et de confiance. Dans l'une comme dans l'autre il n'y aura pas à prononcer le nom de Rousseau. D'une part Rousseau n'a pas enseigné à ses contemporains les dissolvantes tristesses; elles viennent du poète anglais Young, du Werther de Gœthe, etc. D'autre part le visiteur sait que Voltaire déteste Rousseau et il aura le tact de n'en pas parler.

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« hommes; Candide lui dit son étonnement qu'il y ait du mal sur la terre de Dieu.

« De quoi vous mêlez-vous? » répondle saint homme; et Voltaire prend plaisir à faire dire brutalement, par un métaphysicien professionnel, que Dieu aautre chose à faire qu'à s'occuper des misérables créatures humaines, ce qui implique une réciproque pour toutesprit réfléchi : l'homme a autre chose à faire qu'à s'occuper de...

métaphysique.

Après cette visite brutalementécourtée, Candide et sa compagnie sont reçus par un pauvre métayer à qui ils ont demandé des nouvelles de lapolitique byzantine et qui les traite royalement après leur avoir dit qu'il ne s'occupe jamais de politique : « Jeprésume qu'en général ceux qui se mêlent des affaires publiques périssent quelquefois misérablement, et qu'ils leméritent; mais je ne m'informe jamais de ce qu'on fait à Constantinople.

» Il leur sert des cédrats confits, des limonsdoux, des sorbets, du bon café de Moka.

D'où vient donc sa prospérité? « Je n'ai que vingt arpents, répondit leTurc; je les cultive avec mes enfants; le travail éloigne de nous trois grands maux : l'ennui, le vice et le besoin.

»Nantis de ce viatique, Candide et ses compagnons reviennent dans leur métairie en se proposant d'imiter le bonTurc.

Dès que Pangloss débite des litanies de faits et de dates historiques afin d'étaler son érudition et de prouverqu'il sait tout (comme son nom l'indique), Candide l'interrompt donc fermement mais doucement avec ces mots : «Je sais aussi [...] qu'il faut cultiver noire jardin.

» Pangloss réitérant, Martin précise : « Travaillons sans raisonner[··.] c'est le seul moyen de rendre La vie supportable.

» Maisl'incorrigible Pangloss n'a pas encore compris.

Il Faudra que Candide répète, et ce seront les derniers mois du roman: « Cela est bien dit [...], mais il faut cultiver notre jardin.

» Quelle règle de vie Voltaire voulut-il nous suggérer enformulant celle maxime? quel sens pouvons-nous lui donner? Voilà les deux problèmes que nous nous proposonsd'étudier.

Le point de vue de Voltaire. Voltaire professa d'abord une philosophie optimiste.

Choyé par ses professeurs du collège Louis-le-Grand en raison de sa brillante Intelligence, aimé de ses camarades aristocrates qui, saluant soncaractère frondeur et indiscipliné, consentaient à ignorer la balustrade de bois doré qui les séparait de la roture, ilmena, au sortir du collège, une vie de plaisirs en compagnie des nobles les plus cotés : le duc de Vendôme, le ducd'Orléans...

Certes, il dut subir un affront de la part du chevalier de Rohan, sans pouvoir obtenir réparation par lesarmes.

Mais, sorti de la Bastille, revenu d'Angleterre où il avait écrit ses Lettres philosophiques, il reprit une viebrillante qui lui réservait bien des voluptés, et il le fit savoir à ses lecteurs sans la moindre honte dans un poèmeintitulé le Mondain : J'aime le luxe, et même la mollesse, Tous les plaisirs, les arts de toute espèce [...] C'est bien en vain que, parl'orgueil séduits, Huet, Calmet, dans leur savante audace, Du paradis ont recherché la place : Le paradis terrestreest où je suis. Mais, après les tremblements de terre qui, le 1er novembre, puis le 21 décembre 1755, firent à Lisbonne des dizainesde milliers de victimes, parmi lesquelles des enfants dont on ne pouvait dire que Dieu les avait punis pour le mal qu'ilsavaient commis, Voltaire ne vit plus les choses de la même façon.

Il était bien forcé de reconnaître que le malheuret l'injustice menacent les êtres humains.

Allait-il sombrer dans le pessimisme? Non, il voulait conserver l'espoir que,dans une certaine mesure, à force de travail, d'attention, de soins, l'homme se construirait un certain bonheur : Un jour tout sera bien, voilà notre espérance;Tout est bien aujourd'hui, voilà l'illusion. Dans la mesure de ses possibilités, c'est cela qu'il entendra faire à Ferney.

Il cultivera son jardin.

Il fera défricher lesmarais, fondera une tannerie, des manufactures d'horlogerie et de bas, procurera des ressources aux misérables etpourra se targuer d'avoir fait, d'un « repaire de quarante sauvages », une « petite ville opulente habitée par douzecents personnes utiles ».

Un point noir pourtant : depuis l'attentat de Damiens contre le roi, quatre jours aprèsl'ouverture de l'année 1757, la police procédait à des arrestations en masse; les censeurs avaient reçu l'ordre de nerien laisser imprimer où l'on pût trouver à redire.

Il devenait dangereux de faire de la politique.

Ne fallait-il pas suivrel'exemple du « bon vieillard » qui ne connaissait le nom d'aucun ministre et ignorait que l'on « venait d'étrangler àConstantinople deux vizirs du banc, et le muphti, et qu'on avait empalé plusieurs de leurs amis »? Installons-nousdans notre domaine — château ou atelier — recommande l'auteur de Candide, exploitons-le en utilisant lestechniques les plus nouvelles — il introduira le semoir mécanique à Ferney — développons l'agriculture, le commerce,l'industrie, profitons de nos relations pour vanter à la cour et à l'étranger les produits que nous fabriquons.N'attendons rien de la confrontation des concepts métaphysiques, ces « ballons remplis de vent », ces billevesées;méfions-nous de la politique si nous n'avons pas un pied en France et un pied à l'étranger au bout de notre jardin.Dans ces conditions, la prospérité s'installera et, avec elle, la joie de vivre.Notre point de vue.

Mais un tel idéal n'est-il pas bien étroit? et toute la vie de Voltaire ne nous montre-t-elle pasqu'il ne cessa de philosopher et de se livrer à la bataille politique? Le « travaillons sans raisonner » de Martin nouschoque.

Si l'homme n'avait jamais raisonné en travaillant, il n'aurait pu perfectionner ses outils, ses techniques, etnous en serions toujours à l'âge de la pierre taillée, à supposer même que nous y soyons puisque c'est l'éveil duraisonnement qui fit, de l'animal primitif, un homo faber.

C'est la réflexion sur le travail qui permit l'essor industriel etagricole, qui créa l'économie politique, les modes d'exploitation capitaliste et socialiste, l'organisation financière etstatistique, le « planisme »..., en somme la civilisation; et, à moins de nous ranger avec Rousseau parmi lescontempteurs de la civilisation, nous ne pouvons guère accepter de travailler sans raisonner.

Les plus grandesusines du monde, en Russie comme aux États-Unis, n'invitent-elles pas les travailleurs, en leur offrant des primes, àproposer une amélioration de leur technique de travail?Si nous réduisons le sens du mot de Martin en retenant seulement qu'il ne faut jamais s'occuper de politique, maiss'occuper uniquement de son labeur professionnel, le mot nous choque encore.

Certes, si Socrate n'avait pas fait de. »

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