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Un voyage picaresque de fuite et de quête (DOM JUAN)

Publié le 05/08/2014

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juan

Un voyage picaresque de fuite et de quête

A les observer tout au cours de leurs journées, à en juger

par leurs conversations, Dom Juan et Sganarelle se posent

comme des oisifs livrés à des occupations stériles. Mais

leur existence, si elle est marquée du sceau de l'inutilité, n'en

est pas calme pour autant. Ils ne coulent pas des jours

paisibles; ils sont loin d'avoir une vie sédentaire. Ce qui est

en effet remarquable, surtout si on les compare aux personnages

des pièces de tradition classique, c'est l'agitation

dont ils sont atteints : constamment en déplacement, ils

sont animés d'une sorte de mouvement brownien apparemment

inexplicable.

Mais en fait, cette attitude n'a rien d'anecdotique : bien

au contraire, natμrnlle chez le maître, plus ou moins imposée

dans le cas du valet qui est obligé de suivre le libertin,

elle est comme la résultante d'une série de facteurs de prime

abord contradictoires.

Un malaise social

Les principes retenus par les deux protagonistes pour

déterminer leurs rapports avec leurs semblables sont, nous

l'avons vu, souvent à la limite de l'incohérence. Leur comportement

face à autrui, les modalités de leur intégration dans

le milieu social se ressentent de cette ambiguïté fondamentale

: cette errance, dans laquelle ils sont entraînés tous

deux, est la conséquence du double mouvement d'attirance

et de répulsion qui divise Dom Juan et, à un degré moindre,

Sganarelle, au niveau des contacts humains.

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La peur des autres

L'explication la plus évidente des départs précipités du

libertin, c'est la nécessité de fuir, le désir d'échapper à ceux

qui le recherchent pour lui demander raison. Et ils sont

nombreux : c'est Elvire qui le poursuit d'un amour importun,

Dom Carlos et Dom Alonse qui veulent venger l'honneur de

leur soeur, Dom Louis qui entend bien remettre son fils dans

le droit chemin, ou même Monsieur Dimanche qui essaye

de recouvrer son argent; ou encore les deux paysannes dont

les récriminations peuvent, à la longue, être bien gênantes.

Lorsque ses ruses se révèlent impuissantes, lorsque les

échappatoires des paroles ne font plus apparence, ou

lorsque les explications risquent de devenir contraignantes.

il ne lui reste qu'à s'éloigner physiquement, puisque l'indifférence

morale ne suffit plus, et à effacer à coups de lieues

l'aliénation que ces fâcheux tentent de lui imposer.

Si Sganarelle participe à cette longue marche, il est

certes contraint de le faire. Mais aspire-t-il réellement au

repos? Est-il vraiment à l'aise dans ses relations sociales? Les

envisage-t-il sans arrière-pensée? En fait, lui aussi a une

conception léonine des partages. S'il attend beaucoup des

autres. il leur accorde bien peu, et sa sollicitude est surtout

destinée à lui donner bonne conscience ou à le convaincre

de son importance. Ces contradictions, jointes à la pression

que Dom Juan exerce sur lui, le placent dans une situation

en porte-à-faux, dans un inconfort intellectuel, dans une

angoisse. dont il ne sort paradoxalement qu'au cours de

ses tête-à.tête avec le libertin. car alors il n'a plus besoin

de jouer.

juan

« La peur des autres L'explication la plus évidente des départs précipités du libertin, c'est la nécessité de fuir, le désir d'échapper à ceux qui le recherchent pour lui demander raison.

Et ils sont nombreux : c'est Elvire qui le poursuit d'un amour importun, Dom Carlos et Dom Alonse qui veulent venger l'honneur de leur sœur, Dom Louis qui entend bien remettre son fils dans le droit chemin, ou même Monsieur Dimanche qui essaye de recouvrer son argent; ou encore les deux paysannes dont les récriminations peuvent, à la longue, être bien gênantes.

Lorsque ses ruses se révèlent impuissantes, lorsque les échappatoires des paroles ne font plus apparence, ou lorsque les explications risquent de devenir contraignantes.

il ne lui reste qu'à s'éloigner physiquement, puisque l'indif­ férence morale ne suffit plus, et à effacer à coups de lieues l'aliénation que ces fâcheux tentent de lui imposer.

Si Sganarelle participe à cette longue marche, il est certes contraint de le faire.

Mais aspire-t-il réellement au repos? Est-il vraiment à l'aise dans ses relations sociales? Les envisage-t-il sans arrière-pensée? En fait, lui aussi a une conception léonine des partages.

S'il attend beaucoup des autres.

il leur accorde bien peu, et sa sollicitude est surtout destinée à lui donner bonne conscience ou à le convaincre de son importance.

Ces contradictions, jointes à la pression que Dom Juan exerce sur lui, le placent dans une situation en porte-à-faux, dans un inconfort intellectuel, dans une angoisse.

dont il ne sort paradoxalement qu'au cours de ses tête-à.tête avec le libertin.

car alors il n'a plus besoin de jouer.

La quête humaine Mais cette fuite apparaît en fait comme une fuite en avant.

Dom Juan poursuivi est aussi poursuivant.

Il n'apprécie pas la vie solitaire.

Il a besoin des autres.

Il lui faut des parte­ naires ou des adversaires à éprouver, pour créer cette atmosphère d'affrontement où il se complaît, qui est néces­ saire à l'exaltation de son flux vital.

Il lui faut des témoins.

pour apprécier le spectacle qu'il donne, pour justifier la théâtralisation de sa vie.

pour applaudir ou siffler l'acteur qu'il veut être.

Il lui faut cette sorte de jury, pour mieux 192. »

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