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Uzès - André GIDE (article paru dans L'Occident)

Publié le 22/02/2012

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   Du bord des bois normands, j'évoque une roche brûlante — un air tout embaumé, tournoyant de soleil, et roulant à la fois confondus les parfums de thyms, des lavandes et le chant strident des cigales. J'évoque à mes pieds, car la roche est abrupte, dans l'étroite vallée qui fuit, un moulin, des laveuses, une eau plus fraîche encore d'avoir été plus désirée. J'évoque un peu plus loin la roche de nouveau, mais moins abrupte, plus clémente, des enclos, des jardins, puis des toits, une petite ville riante : Uzès. C'est là qu'est né mon père et que je suis venu tout enfant.    On y venait de Nîmes en voiture; on traversait au pont Saint-Nicolas-le-Gardon. Ses bords au mois de mai se couvrent d'asphodèle comme les bords de l'Anapo. Là vivent les dieux de la Grèce. Le pont du Gard est tout auprès...    Plus tard je connus Arles, Avignon, Vaucluse... Terre presque latine, de rire grave, de poésie lucide et de belle sévérité. Nulle mollesse ici. La ville naît du roc et garde ses tons chauds. Dans la dureté de ce roc l'âme antique reste fixée; inscrite en la chair vive et dure de la race, elle fait la beauté des femmes, l'éclat de leur rire, la gravité de leur démarche, la sévérité de leurs yeux; elle fait la fierté des hommes, cette assurance un peu facile de ceux qui, s'étant déjà dits dans le passé, n'ont plus qu'à se redire sans effort et ne trouvent plus rien de bien neuf à chercher; — j'entends cette âme encore dans le cri micacé (2) des cigales, je la respire avec les aromates, je la vois dans le feuillage aigu des chênes verts, dans les rameaux grêles des oliviers...    André GIDE (article paru dans L'Occident, novembre 1902).    Vous ferez de ce texte un commentaire composé. Vous pourrez, par exemple, montrer avec quel art Gide a évoqué la terre languedocienne et l'harmonie profonde entre cette terre et l'âme de ses habitants.

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« • Les souvenirs montent en bouffées, car précisément «c'est là...» (importance de l'adv.

de lieu), précise-t-il, «queje suis venu tout enfant». • Ce seront donc surtout les éléments qui ont le plus frappé son esprit d'observation de petit Parisien faisant aussides séjours en Normandie. • D'où la mise en valeur de tout ce qui est différent de ce qu'il a déjà vu dans les pays au nord de la Loire. • La terre est essentiellement autre : crayeuse en Normandie et bassin parisien, elle est ici «roche» qui affleure detoutes parts; 3 fois au cours du 1er paragraphe le mot se trouve répété, accompagné même de la locution «denouveau» ou précisé dans son austérité «abrupte», pour être repris ensuite par son doublet «roc» deux foisidentiquement qualifié : 1 fois de «dur», l'autre par antiphrase : «nulle mollesse». • Caractéristique aussi et si différente des grasses prairies normandes est la végétation aride de «thyms etlavandes», ou, quand les conditions sont «plus clémente[s]» : «feuillage aigu des chênes verts», «rameaux grêlesdes oliviers».

Les deux adjectifs se rattachent à la même qualité sèche.

Ou bien ce sont les «asphodèles» au bordde la rivière, le Gardon. C'est d'ailleurs un alexandrin blanc (1) qui évoque cette fleur dont les sonorités fluides avaient tenté Hugo (Boozendormi) : ...«Ses bords au mois de mai/se couvrent d'asphodèles»...

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 • Caractéristique également le chant des cigales dont l'adjectif « strident » est parallèle pour le son à ceux « aigu »et «grêle» pour la forme.

La cigale, c'est la sonorité même du Midi, qualifiée aussi de «micacée» en association aveccette «roche» sans cesse présente. • Enfin en même temps que ces sensations visuelles et auditives, est demeuré depuis l'enfance un souvenir olfatic :«l'air tout embaumé», parfums des thyms, des lavandes»; il insiste : «je la respire avec les aromates» (là c'est undécasyllabe blanc). • Évocation aussi de 2 autres des 4 Éléments : l'air «tournoyant de soleil» et F «eau» rappelant une sensationtactile «fraîche», subtilement alliée à un désir humain : «plus fraîche d'avoir été désirée».

Idée très gidienne (cf.Nourritures terrestres) sur l'intensité des sensations multipliée par la «soif» que nous en apportent nos désirs. • Toutes ces sensations sont « confondu[e]s » en parfaite unité que l'air « roul[ait] » autour de l'enfant qui arrivait« de Nîmes en voiture». • Aussi se souvient-il des tableaux que lui présentait le paysage et qu'il contemplait de haut «à [ses] pieds» : — un 1er tableau : une «vallée qui fuit» (perspective), « étroite » (dimensions), un « moulin », une « eau »(éléments, lignes et formes), des «laveuses» (personnages); — autre tableau : les rives du Gardon et la richesse de ton des fleurs qui les recouvrent : «ses bords...asphodèles»; de plus « le pont du Gard est tout auprès » (un octosyllabe blanc); — ou bien, se découvrant peu à peu, de plaques à plaques comme dans une lanterne magique : «des enclos, desjardins» (1re plaque); «puis des toits» (2e) [«puis» précise la succession; «une petite ville riante : Uzès» : cettefois-ci, la suppression de toute liaison, l'asyndète gréco-latine, détache l'arrivée sur l'essentiel, la cité attendue,dont le qualificatif «riante» lui vient à la fois d'elle-même et du bonheur que l'enfant en escomptait. • Donc festival d'odeurs, sons, visions, d'une richesse certainement enivrante pour ce petit Parisien mais «évoqués »avec beaucoup de pudeur.

Au milieu de ce paysage rude bien que beau, Uzès la ville de la vieille grand-mère devientoasis et havre humain; le rythme de la phrase la découvre lentement comme la vue au voyageur, par touches,comme un plaisir distillé. • Bien que «petite» (simplicité de l'adjectif), elle est aussi importante pour le jeune garçon que les cités pluscélèbres et plus vastes qu'il «connaîtra] plus tard» : Arles, Avignon, Vaucluse...

».

II.

Une « terre presque latine » où tout est harmonie. • Ce qui frappe l'adulte (article paru en 1902), c'est la qualité méditerranéenne de l'ensemble. • De même que ce qui frappe l'humaniste, ce sont les similitudes avec les descriptions qu'il a trouvées dans les livresantiques.. »

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